Data
- Date:
- 23-10-1996
- Country:
- France
- Number:
- Unknown
- Court:
- Cour d'appel de Grenoble
- Parties:
- SCEA GAEC Des Beauches Bernard Bruno v. Société Teso Ten Elsen GmbH & COKG
Keywords
SALES CONTRACT - BETWEEN A GERMAN SELLER AND A FRENCH BUYER - GOVERNED BY CISG
JURISDICTION - 1968 BRUSSELS CONVENTION - BUYER'S CLAIM FOR RESTITUTION OF PRICE PAID IN EXCESS - JURISDICTION OF COURT OF THE BUYER'S PLACE OF BUSINESS
PLACE OF PAYMENT OF PRICE - SELLER'S PLACE OF BUSINESS (ART. 57(1)(A) CISG) - EXPRESSION OF A GENERAL PRINCIPLE UNDERLYING CISG PURSUANT TO WHICH OBLIGATIONS TO PAY MUST BE PERFORMED AT THE PLACE OF BUSINESS OF THE CREDITOR - REFERENCE TO THE SAME GENERAL PRINCIPLE CONTAINED IN ART. 6.1.6 UNIDROIT PRINCIPLES
PLACE OF PERFORMANCE OF THE OBLIGATION TO REIMBURSE THE PRICE PAID IN EXCESS - BUYER'S PLACE OF BUSINESS
Abstract
A French buyer and a German seller concluded a contract for the sale of industrial equipment. After delivery of the goods, the buyer commenced an action against the seller claiming restitution of a part of the purchase price paid in excess. The seller objected on the ground that the French Court had no jurisdiction to hear the case.
The Court applied Art. 5(1) of the EC Convention on Jurisdiction and the Enforcement of Judgments in Civil and Commercial Matters (Brussels 1968), pursuant to which a person domiciled in a Contracting State (in the case at hand: that of the seller) may be sued in the Court for the place of performance of the obligation in question (in the case at hand: restitution of price paid in excess). The Court applied French private international law rules and held that French law and therefore CISG (Art.1(1)(b) CISG), was the applicable law to determine the place of performance of the obligation in question. The Court held that since a claim for restitution of a surplus paid is a demand for payment, restitution must be made at the buyer's place of business in accordance with Art. 57(1)(a) CISG, pursuant to which the price must be paid at the seller's place of business.
As a matter of fact the rule set forth in Art. 57 CISG is an expression of the general principle that obligations to payment are to be performed at the creditor's place of business. This general principle, in addition to being set out by CISG, has also been stated in general terms with respect to all kinds of international commercial contracts by Art. 6.1.6 of the UNIDROIT Principles of International Commercial Contracts. The Court therefore affirmed its jurisdiction.
Fulltext
[...]
I - COMPETENCE
Attendu que la societé TESO TEN, intimée, domiciliée en Allemagne, conclut à l'incompétence des juridictions françaises au moyen que le contrat contient une clause d'élection de for en faveur du Tribunal de Sonsbeck, Allemagne;
Qu'elle fait valoir ceci:
'Attendu qu'il résulte des écritures de la SCEA que cette dernière fait valoir contre TEN ELSEN une demande de restitution partielle du prix d'une installation fournie par TEN ELSEN à la SCEA qui exploite un élevage industriel dans la région de Valence, Attendu que la compétence judiciaire dans la Communauté Européenne est réglée par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Attendu que cette convention fixe des compétences de droit commun et des compétences dérogatoires et spéciales, Attendu que la Convention de Bruxelles consacre le principe de l'autonomie de la volonté, Attendu que l'article 17 de la convention dispose:
'Prorogation de compétence
Article 17
Si les parties, dont l'une au moins à son domicile sur le territoire d'un Etat contractant, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont seuls compétents. Cette convention attributive de juridiction est conclue: (a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, soit (b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, soit (c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée',
Attendu qu'en 1'espèce la commande a été passée sur papier en tête TEN ELSEN contenant au dos une clause de compétence au profit de l'intimée,
Qu'une confirmation de commande reprenant cette clause a été adressée le 09 mai 1990 avec référence aux conditions générales de TEN ELSEN à la SCEA,
Que le crédit documentaire établi fait référence à la confirmation de commande,
Que les factures proforma et les CMR établies font référence à la confirmation de commande,
Attendu que les conditions générales de TEN ELSEN prévoient 'le Tribunal compétent et le lieu d'exécution du contrat sont fixés à Sonsbeck pour nos clients commerçants',
Attendu que le droit allemand et le droit français prohibent en effet en droit interne procédural une clause de compétence stipulée à l'encontre d'un non commerçant,
Attendu qu'en matière internationale cette prohibition est écartée, que la clause de compétence, dont s'agit, doit trouver son application,
Qu'il échet de renvoyer la SCEA GAEC des Beauches à se pourvoir devant la Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de KLEVE (RFA), (cf. sur l'application de l'article 17 cf. Arrêt de la Cour de Céans du 28 novembre 1989 (KROENERT/FASSON),
Attendu que l'exception d'incompétence se fonde également sur les dispositions de droit commun de la Convention de Bruxelles,
Attendu que l'article 2 prévoit la compétence de principe de la juridiction du défendeur: en l'espèce la juridiction allemande,
Attendu que l'article 5 prévoit en matière contractuelle les dispositions suivantes:
'Le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant: 1: en matière contractuelle, devant le Tribunal du lieu ou l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée',
Attendu qu'en l'espèce la demande de la SCEA est une demande en paiement d'une dette au demeurant contestée, que l'obligation éventuelle de payer s'exécute au siège du débiteur qu'en effet les dettes sont quérables tant en droit français qu'en droit allemand,
Que dans ces conditions il échet de renvoyer la SCEA à mieux se pourvoir devant le Tribunal du débiteur éventuel, en l'espèce le Tribunal de Grande Instance de KLEVE, (cf. en ce sens: Cour d'Appel de Montpellier, 2Ý Ch. A 14 septembre 1989 KRETZCHMER/FAUS DURA, Cour d'Appel de Paris 1Ý Ch. 29 mars 1989 HUPPMANN HANDEL/KHAWAM, confirmé par 1Ý Ch. Civile Cour de Cassation du 20 novembre 1990),
Attendu que l'exception d'incompétence invoquée par TEN ELSEN est recevable devant la Cour d'Appel de céans, que TEN ELSEN n'a pas comparu en première instance et est recevable à soulever l'incompétence en appel in limine litis,
Attendu que la Cour infirmera la décision entreprise en ce que le Tribunal de Valence s'est déclaré compétent, recevra la société TEN ELSEN en son exception d'incompétence fondée sur la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, articles 17-2 et 5, Réformera le jugement entrepris et renverra la SCEA à se pourvoir devant le Tribunal de Grande Instance de KLEVE';
Attendu que, sur la clause attributive de compétence, la SCEA Les Beauches fait valoir ceci: '1 - Conditions de validité de la clause: Les conditions de validité requises par l'article 17 sont rigoureuses:
'Un écrit ne suffit pas, il faut également que sa place dans les relations contractuelles ne laisse aucun doute sur la volonté des parties de consentir: les clauses établies au verso du contrat ne sont pas valables, pas plus que les renvois indirects à un document contenant la clause (Jurisprudence Salotti) (cf Jurisclasseur Procédure Civile Fasc. 52-2 p. 25 nÝ 66)',
La Cour de Justice a exigé que la clause attributive soit l'objet d'une acceptation écrite de l'acheteur (affaire Segoura c. Bonakdarian), 'La nouvelle rédaction de l'article 17 al. 1 ne concerne que les conventions de for conclues par des commerçants, Les personnes étrangères au monde des affaires devront se conformer à l'exigence d'un écrit ou d'une confirmation écrite d'un accord verbal telle qu'elle a été interprétée par la Cour de Justice, Il en est de même pour les actes mixtes passés entre commerçant et non commerçant (cf. Jurisclasseur Procédure Civile Fasc. 52-2 p. 26 n 68),
En l'espèce, la SCEA DES BEAUCHES dont le représentant légal ne sait ni lire ni écrire l'allemand n'a pas eu connaissance de l'existence de la clause portée en caractère minuscule en allemand, au verso de la confirmation de commande non signée par l'acheteur,
La SCEA DES BEAUCHES n'a pas donné son accord écrit sur la clause attributive de compétence dont elle ignorait l'existence, La SCEA DES BEAUCHES n'est pas commerçante,
La clause attributive de compétence doit être écartée comme ne répondant pas aux conditions de l'article 17 de la convention,
2 - Sur l'inopposabilité de la clause
Si, par impossible, la Cour considérait que la clause est valable, elle resterait inopposable à la SCEA DES BEAUCHES, Aux dires mêmes de la société TEN ELSEN, cette clause n'a vocation à s'appliquer qu'entre commerçants,
La société TEN ELSEN indique en page 3 de ses conclusions: 'Le Tribunal compétent et le lieu d'exécution du contrat sont fixés à Sonsbeck pour nos clients commerçants',
La traduction partielle et sans valeur probante communiquée par la société TEN ELSEN (pièce adverse nÝ 11) fait référence aux clients commerçants,
La SCEA DES BEAUCHES n'a pas le statut de commerçant, c'est une société à caractère civil,
La clause d'attribution de compétence lui est inopposable,
La sociéte TEN ELSEN ne peut étendre une clause attributive de compétence prévue entre commerçants à des non commerçants,
Elle ne peut procéder à une interprétation extensive de cette clause,
Sous réserve d'une traduction officielle, la clause alléguée ne souffre d'aucune interprétation,
Si une interprétation devait être faite, elle devrait l'être contre la société TEN ELSEN qui a stipulé (art. 1162 du Code Civil),
En tout état de cause, la clause invoquée par la société TEN ELSEN est inopposable à la SCEA DES BEAUCHES qui n'est pas commerçante,
3 - Sur la compétence de la juridiction française
La compétence de la juridiction doit s'apprécier au regard des dispositions de la Convention de Bruxelles et de la Convention de Vienne,
L'article 5-1 de la Convention de Bruxelles n'est pas applicable en l'espèce,
Le fondement de la demande de la SCEA DES BEAUCHES est la restitution de l'indu,
Ce fondement revêt un caractère extra contractuel,
Il conviendrait de faire application de l'article 5-3 qui donne compétence à la Juridiction du lieu où le dommage est survenu ou le lieu de l'évènement causal (le paiement indu) en l'espèce en France,
Si par impossible, la Cour considérait qu'il convient de retenir le caractère contractuel en raison de la nature du litige qui repose sur les problèmes d'étendue de l'obligation de paiement et de détermination du prix, la juridiction française resterait compétente';
SUR CE:
Attendu, sur la validité de la clause attributive de compétence, que la commande du 26 avril 1990 ne comporte pas de clause attributive de juridiction, ni de renvoi à des conditions générales;
Que le renvoi aux conditions générales n'apparaît que dans la confirmation de commande du 09 mai 1990 adressée par la société TEN au SCEA LES BEAUCHES;
Qu'il est ainsi formulé 'nous vous remercions pour la commande que vous nous avez passée et la confirmons sur la base de nos conditions générales au verso comme suit:';
Que la confirmation de commande n'est pas signée du SCEA; Que la commande et les autres correspondances échangées entre les parties sont écrites en Français;
Que les conditions générales sont écrites en langue allemande, en petits caractères grisés;
Qu'elles sont illisibles à l'oeil nu;
Que pour les besoins du procès la société TEN a dû présenter à la Cour une photocopie agrandie;
Attendu que l'absence de lisibilité de la clause et sa rédaction en langue allemande alors que pour le déroulement normal de son activité sur le marché français la société TEN s'oblige à utiliser la langue française, démontre que la société TEN n'a pas recueilli le consentement du SCEA LES BEAUCHES et tente de lui imposer par surprise une clause à laquelle, elle n'a pas consenti;
Que, faute d'accord des parties, la clause n'a pas de valeur contractuelle:
Qu'en outre, même si la clause était valide au sens de l'article 17 de la Convention de Bruxelles, elle serait privée d'efficacité à l'encontre du SCEA LES BEAUCHES qui n'a pas la qualité de commerçant;
Que s'il est exact que l'article 17 de la Convention de Bruxelles autorise les accords de compétence entre non commerçants, il n'interdit pas aux parties de les limiter aux seuls commerçants;
Que tel est le cas de la clause litigieuse ainsi rédigée: 'Pour nos clients commerciaux qui ne relèvent pas des professionnels énumérés par le paragraphe 4 du Code de Commerce allemand, le lieu de juridiction et d'exécution de la prestation est SONSBECK, même pour les personnes morales de droit public';
Que les conclusions de la société TEN indiquent implicitement qu'un Agriculteur n'est pas un commerçant en droit allemand;
Attendu, en conséquence, que la juridiction de SONSBECK ne saurait être imposée au SCEA LES BEAUCHES;
Attendu, sur la compétence du Tribunal de Valence par application de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles;
Que la société TEN écrit dans ses conclusions que 'la demande de la SCEA est une demande en paiement au demeurant contestée, que l'obligation éventuelle de payer s'exécute au siège du débiteur, qu'en effet les dettes sont quérables tant en droit française qu'en droit allemand';
Mais que, ainsi que l'a conclu la société TEN 'la compétence de la juridiction doit s'apprécier en regard des dispositions de la Convention de Bruxelles et de la Convention de Vienne';
Que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises régit le contrat, en l'absence d'autre loi choisie par les parties, par l'effet de son article l,l,b;
Que la France était partie à cet instrument dès son entrée en vigueur le 1er janvier 1988 et que le droit français était applicable au contrat en l'absence de choix de loi invoqué par les parties, conformément à l'article 3 alinéa 2 de la Convention de la Haye du 15 juin 1955 expressément invoqué par la SCEA LES BEAUCHES;
Qu'en effet la commande a été reçue en France où s'était déplacé un représentant du vendeur;
Que depuis le 1er janvier 1988, le droit français de la vente internationale de marchandises est constitué par la Convention de Vienne;
Que, contrairement aux droits allemand et français, la Convention de Vienne fixe le lieu du paiement du prix de vente à l'établissement du vendeur (article 57-l);
Que l'interprétation habituellement donnée de cette règle est qu'elle exprime le principe général que le paiement s'exécute au domicile du créancier (cf. MASKOW dans BIANCA et BONELL, article 57, 3-2 et OBERLANDESGERICHT DÜSSELDORF 2 juillet 1993 UNILEX, D.1993-21) étendu aux autres contrats du commerce international par l'article 6.1.6 des Principes d'Unidroit ('lorsque le lieu d'exécution de l'obligation n'est pas fixé par le contrat ou déterminable en vue de celui-ci, l'exécution s'effectue: ... pour une obligation de somme d'argent au lieu d'établissement du créancier');
Que l'action du SCEA LES BEAUCHES vise à obtenir le remboursement d'un trop perçu; Qu'il est constant entre les parties qu'i1 s'agit d'une demande en paiement; Que le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse est le ressort du Tribunal de Grande Instance de Valence où la SCEA est établi;
Qu'il s'ensuit que par application de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles la Cour de ce siège est compétente pour statuer sur l'action dirigée par la SCEA LES BEAUCHES contre la société TESO TEN;
II - FOND DU LITIGE
Attendu, sur le fond, que la SCEA LES BEAUCHES expose ceci:
'La SCEA DES BEAUCHES, anciennement GAEC DES BEAUCHES est propriétaire de deux bâtiments agricoles qu'elle souhaite aménager pour l'élevage de poussins en batteries,
Elle commande le matériel d'aménagement et d'équipement des bâtiments à la société allemande TEN ELSEN par l'intermédiaire de son représentant en France, Monsieur Christian NIGI, Gérant de la SARL BATAVI,
Par deux lettres des 25 et 26 avril 1990, la société TEN ELSEN établit un devis indiquant le matériel fourni, le prix du matériel pour chaque bâtiment valable trois mois, le cout du transport du matériel, les modalités de paiement, les délais de livraison,
Le 09 mai 1990, la société TEN ELSEN adresse à la SCEA DES BEAUCHES un document confirmant le devis initial,
[...]}}
Source
Original in French:
- Unpublished
Source:
- M. le Juge Jean-Paul Beraudo, Cour d'Appel de Grenoble, France}}