Data

Date:
13-01-2004
Country:
Switzerland
Number:
4C.245/2003
Court:
Schweizerisches Bundesgericht
Parties:
- -

Keywords

LACK OF CONFORMITY OF GOODS - NOTION OF NON-CONFORMITY (ART. 35 CISG) - SPECIFIC USE MADE KNOWN TO THE SELLER - BURDEN OF PROOF ON BUYER AFTER ACCEPTANCE OF DELIVERY

Abstract

A German seller and a Swiss buyer entered into a contract for the sale of a chemical product, described as menthol of a certain brand in "big crystals". A dispute arose between the parties when the buyer asserted the non-conformity of the goods delivered by the seller because the crystals did not conform to contract specifications (they were allegedly too small). The seller brought an action before the Court of First Instance claiming payment of the goods. The Court of First Instance ruled the case in favor of the seller. The buyer appealed to the Federal Court.

The Court confirmed the application of CISG and found that Art. 35 CISG enbodies a general notion of non-conformity which would in principle encompass the alleged defect of the sold goods.

The Court held, however, that the buyer has the burden of proving the non-conformity after acceptance of delivery of the goods. In particular, referring both to Swiss law on contract interpretation and to scholarly opinions on CISG, the Court ruled that the buyer, in the case at hand, had failed to prove that the goods were meant for a specific use made known to the seller and for which crystals of a certain size were required.

Fulltext

(...)

A. ________,
défenderesse et recourante, représentée par
Me Bénédict Fontanet,

contre

B.________ GmbH,
demanderesse et intimée, représentée par Me Antoine Kohler.

vente internationale,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 20 juin 2003.

Faits:

A.
A. ________ (précédemment: X.________; ci-après: l'acheteur), qui dispose
d'une succursale à Genève, a commandé, le 3 décembre 1998, à B.________ GmbH
(ci-après: le vendeur), dont le siège social est en Allemagne, 1'300 kg de "Menthol USP Brand, grands cristaux", à 13,85 US$ le kg. Le 4 décembre 1998, le vendeur a confirmé la commande, en reprenant la désignation de "grands cristaux". Le 7 décembre 1998, le menthol a été livré, comme convenu, au transporteur de l'acheteur, et la facture envoyée à l'acheteur pour le montant de 18'005 US$, la marchandise y étant décrite comme "grosse Kristalle". Celle-ci a été déposée à Rotterdam le 10 décembre 1998 auprès d'un entrepôt qui, sur demande de l'acheteur, l'a analysée dans son laboratoire. Selon le bref rapport d'analyse, le menthol présentait des cristaux dont la dimension variait de 0,4 à 4 cm.

Le 15 décembre 1998, l'acheteur s'est plaint au vendeur de ce que la
marchandise ne correspondait pas à la notion de "grands cristaux" et a demandé son remplacement. Le 17 décembre 1998, le vendeur a rejeté la réclamation en mentionnant qu'il s'agissait d'une qualité standard, qui satisfaisait toujours sa clientèle, et s'est déclaré prêt à reprendre la marchandise à son entrepôt en Allemagne. L'acheteur n'a pas donné suite et n'a pas payé la facture, malgré plusieurs rappels. Le 18 février 1999, le vendeur lui a fait notifier un commandement de payer pour la somme de 26'287
fr.30 avec intérêts à 9,5% l'an dès le 21 décembre 1998.

B.
Le 8 décembre 1999, le vendeur a introduit contre l'acheteur une demande de payer la somme susmentionnée devant le Tribunal de première instance de Genève, concluant également à la mainlevée définitive de l'opposition frappant le commandement précité.

Par jugement du 24 octobre 2002, le Tribunal de première instance a condamné l'acheteur à verser au vendeur la somme de 18'500 US$ avec intérêts à 5% l'an dès le 21 décembre 1998, au taux de conversion de 0,72760, et a annulé à due concurrence l'opposition faite au commandement de payer.

Sur appel interjeté par l'acheteur, la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance par arrêt du 20 juin 2003. Elle a considéré, en substance, qu'il n'était pas établi que la livraison effectuée était défectueuse, en ce sens qu'elle n'était pas constituée de "grands cristaux".
Il n'était pas davantage démontré que des "grands cristaux" auraient eu une importance quelconque pour l'utilisation de la marchandise par la cliente de l'acheteur, à laquelle le menthol était destiné. A ce sujet, aucun document ni témoignage n'existaient quant à la revente de la marchandise litigieuse à cette cliente. La seule facture adressée à une société espagnole, datée du 30 décembre 1998 et portant sur la somme de 13'000 US$, ne constituait pas une preuve suffisante de la revente, à perte, de la marchandise. L'urgence de la revente n'a jamais été prouvée et la différence avec le cours du marché international n'était guère convaincante. Enfin, les tentatives de justification d'une créance compensatoire envers le vendeur étaient dénuées de tout fondement.

C. Agissant par la voie du recours en réforme, l'acheteur conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

La demanderesse conclut à la confirmation de l'arrêt attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 (...)

3.
La défenderesse fait valoir que la marchandise en question était
"défectueuse", soit non conforme au contrat conclu, parce que la dimension des cristaux oscillant entre 0,4 et 4 cm ne correspondait pas, à son avis, à la notion de "grands cristaux".

3.1 Aux termes de l'art. 35 al. 1 de la Convention des Nations Unies, conclue à Vienne le 11 avril 1980, sur les contrats de vente internationale des marchandises (CVIM; RS 0.221.211.1), que la cour cantonale a déclaré applicable, suivant en cela l'opinion des parties qui est identique sur ce point et sur laquelle il n'y a pas lieu de revenir, le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat. L'art. 35 al. 2 let. a et b CVIM précise que, sauf
stipulation contraire, les marchandises ne sont conformes au contrat que si elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type ou si elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment
de la conclusion du contrat.

Comme la CVIM ne contient aucune règle sur la preuve, il appartient à la partie qui entend en déduire un droit de prouver les circonstances de fait relatives à la conformité au contrat au sens de l'art. 35 al. 1 et 2 CVIM (Wilhelm-Albrecht Achilles, Kommentar zum UN-Kaufrechtsübereinkommen (CISG), Berlin 2000, n. 19 ad art. 35, p. 99). Si l'acheteur refuse d'accepter la marchandise, en invoquant sa non-conformité, il revient au vendeur d'apporter
la preuve que la chose est conforme au contrat; si l'acheteur a déjà accepté cette dernière, c'est à lui de prouver que la chose n'est pas conforme (Witz/Salger/Lorenz, International Einheitliches Kaufrecht, Heidelberg 2000, n. 15 ad art. 35 CISG, p. 281; Silvio Venturi, La réduction du prix de vente en cas de défaut ou de non-conformité de la chose, Fribourg 1994, n. 604, p. 134/135; Staudinger/Magnus, Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch, Wiener
UN-Kaufrecht, Berlin 1999, n. 55 ad art. 35 CISG, p. 327). Le fardeau de la preuve incombe à l'acheteur pour établir qu'un usage spécial de la marchandise, au sens de l'art. 35 al. 2 let. b CVIM, a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat (Magnus, op. cit., n. 56 ad art. 35 CISG, p. 327).
3.2 La cour cantonale relève que le système de la CVIM se fonde sur le concept de la conformité des biens, dont il découle que toute livraison qui n'est pas conforme à la commande faite est en principe défectueuse. Aussi, cette définition très large permettrait-elle de considérer la livraison litigieuse comme étant défectueuse, s'il était établi que les cristaux n'étaient pas conformes à la commande. A cet égard, les juges cantonaux retiennent que la défenderesse n'a pas rapporté la preuve que la livraison litigieuse n'était pas constituée de "grands cristaux", notion ne faisant l'objet d'aucune définition objective.

3.3 Pour interpréter un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Si le juge y parvient, il s'agit d'une question de fait qui ne peut être remise en cause dans un recours en réforme (ATF 129 III 118 consid. 2.5;
126 III 25 consid. 3c p. 29). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente, le juge doit interpréter les comportements et les déclarations selon la théorie de la confiance (ATF 128 III 265 consid. 3a, 419 consid. 2.2 p. 422). Cette interprétation relève du droit, de sorte que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut l'examiner librement (ATF 129 III 118 consid. 2.5 p. 123 et les arrêts cités).

3.4 La cour cantonale a constaté, de manière qui lie le Tribunal fédéral et qui ne peut être remise en cause en instance de réforme (cf. art. 63 al. 2 OJ), que la marchandise livrée était constituée de cristaux, par opposition aux deux autres formes de conditionnement du menthol (poudre ou bloc). Elle a également constaté que la taille des cristaux livrés variait entre 0,4 et 4
cm. Cela indique certes que le lot contenait des éléments de dimensions très différentes. La cour cantonale a toutefois retenu que le vendeur ne livrait qu'une seule qualité standard de cristaux, qui satisfaisait en principe ses clients. C'est précisément cette qualité qui avait été remise à l'acheteur et qui était décrite dans la confirmation de la commande comme "grands cristaux".
Les juges cantonaux n'ont cependant pas pu établir ce que l'acheteur
entendait réellement par "grands cristaux", vu l'absence d'éléments fournis par celui-ci à cet égard. Aussi convient-il de procéder à l'interprétation de la notion litigieuse, telle que figurant dans la commande de l'acheteur, selon la théorie de la confiance, ce qui constitue une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement dans la présente procédure. En l'espèce, l'acheteur, à qui incombait le fardeau de la preuve que de "grands cristaux" étaient requis pour l'usage spécial auquel il destinait la marchandise, à l'occasion de sa revente à sa cliente, n'a fourni aucun document ni témoignage à ce sujet (Vincent Heuzé, La vente internationale de marchandises, in: Traité des contrats, Paris 2000, n. 297, p. 258). Par conséquent, en l'absence d'éléments concrets permettant de déduire que le vendeur devait comprendre "grands cristaux" comme une exigence spéciale (cf. art. 35 al. 2 let. b CVIM), la cour cantonale n'a pas violé les règles de droit fédéral sur l'interprétation des manifestations de volonté en concluant qu'il n'était pas établi que la marchandise livrée ne correspondait pas à la commande.

Il s'ensuit que l'examen des autres arguments de la défenderesse, fondés sur les art. 46 al. 1, 50 et 45 al. 1 let. b CVIM, s'avère superflu.

4.
Même si elle invoque l'art. 8 CC dans son acte de recours, la défenderesse n'y consacre aucune argumentation et n'en tire aucune conclusion (cf. art. 55 al. 1 let. c OJ), de sorte qu'elle ne peut se plaindre de la violation éventuelle des règles de droit fédéral sur le fardeau de la preuve, ou, plus généralement, de son droit à la preuve. De plus, lorsque le juge a été convaincu de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, au terme de l'appréciation des preuves, la question de l'application de l'art. 8 CC est dépassée, et ne permet en tout état pas de corriger l'appréciation des preuves (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25).

5.
En conséquence, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable, sous réserve de la correction de l'erreur manifeste dans le dispositif du Tribunal de première instance, confirmé par l'arrêt cantonal attaqué.

Vu l'issue du litige, la défenderesse, qui succombe, supportera l'émolument de justice et versera à la demanderesse une indemnité de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
L'arrêt attaqué confirmant le jugement du Tribunal de première instance du 24 octobre 2002 est maintenu, sous réserve de la correction d'une inadvertance manifeste au ch. 1 du dispositif du jugement du Tribunal de première instance, dont la teneur est désormais la suivante:
"1. Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 18'005 US$, avec intérêts à 5% l'an dès le 21 décembre 1998".

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.

4.
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 13 janvier 2004

(...)}}

Source

Original in French:
- text available at the internet site of the University of Basel, www.cisg-online.ch}}