Data

Date:
10-09-2003
Country:
France
Number:
2002/02304
Court:
Cour d'Appel de Paris
Parties:

Keywords

REQUIREMENTS FOR OFFER - MUST BE SUFFICIENTLY DEFINITE (ART. 14 (1) CISG)

FORMATION OF CONTRACT - SILENCE OR INACTIVITY NOT AMOUNTING TO ACCEPTANCE (ART. 18(1) CISG)

Abstract

A German seller and a French buyer entered into a contract for the sale of a certain amount of fabric. The French buyer however took delivery only of a part of the goods, arguing that a valid contract had not been concluded. The German seller therefore commenced a legal action claiming payment of the price of the undelivered goods and damages as well.

The First Instance Court decided in favor of the buyer. Seller appealed, but the Court of Appeal confirmed the lower Court’s decision.

The Court, in reaching such a conclusion, referring to Art. 14(1) and 18(1) CISG, held that in order for a contract to be concluded the proposal must be sufficiently definite and that, even if acceptance may result from the behavior of the offeree, silence or inactivity does not in itself amount to acceptance.

Fulltext

COUR D'APPEL DE PARIS

5è chambre, section A

[...]

La société de droit allemand dénommée "H. H... GmbH & Co" (société H.) estime avoir vendu 100.000 mètres linéaires de tissu à la SARL française MG... (société MG), laquelle n'en a pris que partiellement livraison. La société H. a dès lors attrait le 7 septembre 1999, la société MG devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, dans le dernier état des prétentions formulées devant les premiers juges, de l'entendre condamner à :

- lui verser le prix, à hauteur de 330.486 francs, du solde du tissu non retiré (après déduction des quantités entre temps revendues à d'autres clients, mais à des conditions financières moins favorables),
- prendre livraison des 28.990 mètres restants, sous astreinte "définitive" de 10.000 francs par jour de retard à décompter quinze jours après la "notification" de la décision,
- lui payer 242.315,30 francs de dommages et intérêts en réparation du dommage résultant d'une revente à un prix inférieur, outre 20.000 francs de frais irrépétibles.

La société MG, qui soutenait à titre principal, l'inexistence d'un contrat de vente au sens de la Convention de Vienne, a, dans le dernier état de ses demandes devant le tribunal, reconventionnellement sollicité 50.000 francs de dommages intérêts pour procédure "abusive et téméraire" et 25.000 francs de frais non compris dans les dépens. Subsidiairement, elle a requis la résolution du contrat aux torts exclusifs de sa contradictrice et la condamnation de cette dernière à lui verser 1.000.000 francs de dommages intérêts pour inexécution de ses obligations contractuelles.

Par jugement contradictoire du 13 septembre 2001, le tribunal a rejeté toutes les demandes et a condamné la société H. à verser 2.286,73 euros de frais irrépétibles à la société MG.

Appelante le 22 janvier 2002, la société H., dans le dernier état de ses écritures signifiées le 21 mai 2003, invite la Cour à tirer toutes conséquences "de droit et de fait" du refus de la société MG de produire aux débats les factures de ses achats de tissu entre septembre 1998 et juin 1999, nonobstant les sommations de communiquer qu'elle lui a antérieurement notifiées. Elle estime en effet que, les cours des tissus ayant fortement chuté postérieurement à la commande litigieuse, la société MG s'est "vraisemblablement" fournie ailleurs à meilleur prix en cherchant à se dégager de la commande souscrite auprès de la société H.

L'appelante expose qu'elle est représentée en France par Monsieur L., son agent commercial et que ce dernier, accompagné du directeur commercial de la mandante, ont visité la société MG le 9 septembre 1998 en y rencontrant Monsieur I. . Elle prétend qu'au cours de cette rencontre, un contrat de vente a été conclu portant sur 100.000 mètres de tissu "lycra" au prix de 11,40 francs le mètre, livrables entre novembre 1998 et février 1999, par lots de 25.000 mètres chacun. Elle précise avoir adressé le 28 septembre 1998, non une offre, mais une confirmation de cette commande à la société MG, laquelle ne l'a pas contredite et n'avait pas à l'accepter au sens de l'article 15 de la Convention de Vienne, la rencontre des volontés s'étant faite antérieurement, lors de la réunion du 9 septembre 1998.

Elle indique que la société MG n'a pas appelé les quantités aux dates prévues, à l'exception d'un lot de 1.718 mètres à livrer chez une société tierce, objet d'une facture émise le 15 mars 1999 faisant expressément référence au solde de 98.772 mètres restant à livrer. La société H. précise que cette première facture a été payée. Invoquant les usages antérieurs entre les deux partenaires selon lesquels la société MG ne formalisait pas d'écrit pour ses commandes, celles-ci étant prises par l'agent commercial de la société H., lequel en confirmait par écrit la teneur à la société MG après avoir transmis la commande à sa mandante en Allemagne. L'appelante en déduit qu'au moment de la vente litigieuse, l'échange des consentements des parties s'est opéré selon les usages antérieurs entre les parties, qui n'avaient jamais été démentis jusque là. Cependant la retransmission de l'ordre d'achat par l'agent commercial à la société H. n'a cette fois là, pas été nécessaire du fait de la présence lors du rendez-vous, du directeur commercial de la firme allemande, lequel a immédiatement enregistré la commande au nom de celle-ci. Elle conteste que la livraison de 1.718 mètres de tissu puisse être considérée comme une fourniture d'échantillons ainsi que l'a fait le tribunal, alors au surplus que la facture correspondante a été payée sans protestation ni réserve. Elle estime sans fondement le prétendu reproche de défaut de délivrance que lui oppose aujourd'hui la société MG en ce que, selon l'appelante, c'est l'intimée qui ne s'est pas exécutée de son obligation de retirement en n'appelant pas les lots aux échéances convenues.

La société H. prie la Cour d'ordonner la communication par la société MG de "l'intégralité des factures d'achat de tissu pour la période de septembre 1998 à juillet 1999 et des comptes fournisseurs pour la même période". A défaut, elle l'invite à en tirer toutes conséquences de fait et de droit. Pour le surplus elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et renouvelle, en les libellant en euros, les demandes antérieurement formulées devant les premiers juges en sollicitant 3.000 euros de frais irrépétibles.

Intimée, la société MG réplique, dans ses ultimes conclusions signifiées le 25 avril 2003, que la visite "impromptue" du 9 septembre 1998 à l'occasion de laquelle le directeur commercial de la société H. se déplaçait pour la première fois dans ses locaux, avait eu pour objet de lui présenter un nouveau tissu "lycra-croisé" en lui proposant une offre portant sur 100.000 mètres. Elle dément formellement avoir passé commande à ce stade, mais avoir au contraire reçu le 28 septembre suivant, non une confirmation de commande, mais la proposition chiffrée, rédigée en langue allemande, de l'offre envisagée lors de la réunion précédente, accompagnée d'un calendrier prévisionnel de livraison. Elle précise ne pas avoir donné suite dans un premier temps à cette proposition, mais, après relance de l'agent commercial, avoir passé commande d'un simple échantillon afin de réaliser des essais de résistance, de coloration et de coupe sur ce produit de technologie nouvelle issu des dérivés pétroliers. Elle allègue que les tests n'ayant pas été concluants et devant l'absence de réactivité de la clientèle, elle a définitivement renoncé à la proposition initiale. Elle estime, par ailleurs, que la demande de production de pièces, au demeurant nouvelle à ses yeux, en cause d'appel, ne présente pas d'intérêt pour la solution du litige pendant.

La société MG fait valoir :

- que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver autrement que par des documents émanant de lui-même,
- que s'il y avait eu vente, le caractère international de celle-ci la soumettrait à la Convention de Vienne du 11 avril 1980, dont l'article 18 dispose que la formation du contrat nécessite la manifestation de l'acceptation de l'offre proposée,
- qu'en l'espèce l'offre a été matérialisée par le document du 28 septembre 1998, lequel ne respectait pas l'emploi obligatoire de la langue française en application de la loi du 4 août 1994,
- qu'en application de l'article 18 de la Convention internationale précitée, le silence ou l'inaction ne peuvent pas valoir à eux seuls acceptation, alors que le défaut de traduction en français permettait à la société MG d'estimer qu'il s'agissait de "la matérialisation de l'offre présentée oralement le 8 septembre" précédent, l'expression allemande "Auftragsbestätigung" pouvant se traduire par "confirmation de commande" ne lui étant pas opposable comme étant exprimée dans une langue qu'elle ne comprenait pas et ne constituant, au demeurant pas une acceptation de commande au sens de l'article 18.1 de la Convention de Vienne,
- qu'elle n'a jamais manifesté expressément, ni implicitement, d'acceptation de l'offre, le silence ne valant pas à lui seul, acceptation d'une offre de vente internationale de marchandises,
- qu'au demeurant, la société H. ne s'est pas acquittée aux dates précisées dans l'offre du 28 septembre 1998, de sa propre obligation de délivrance résultant du contrat de vente qu'elle allègue.

Subsidiairement, si l'existence d'un contrat de vente était reconnue, la société MG invoque alors les dispositions de la vente sur échantillons de l'article 1587 du Code civil, applicable à la commande des 1.718 mètres de tissu et soutient que la facture du 15 mars 1999, uniquement rédigée en langue allemande, est insuffisante pour justifier d'une obligation plus étendue, son règlement n'ayant de valeur juridique que pour la seule partie exécutée.

Elle fait dès lors valoir ;

- que la vente n'est pas parfaite tant que l'acheteur n'a pas agréé l'échantillon,
- que la vente "franco" sous-entend que la livraison est faite par le vendeur dans le cadre de son obligation de délivrance en application de l'article 1614 du Code civil, de sorte que, selon l'analyse de l'intimée, ce n'était pas à la société MG d'exécuter une prétendue obligation de retirement, mais à la société H. d'exécuter son obligation de délivrance si, comme elle le prétend, elle avait estimé qu'il y avait eu vente parfaite le 28 septembre 1998.

La société MG conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite 3.000 euros de frais non compris dans les dépens.
Subsidiairement, invoquant le bénéfice de l'article 1587 du Code civil, elle demande le rejet de toutes les prétentions de la société H. .

SUR CE,

Considérant qu'en application de l'article 1315 du Code civil, il appartient à la société H. de prouver l'obligation qu'elle allègue, qui aurait été souscrite à son profit, par la société MG ;
Que la société allemande soutient qu'un contrat de vente de 100.000 mètres de tissu aurait été verbalement conclu entre elle-même et la société française, ce que cette dernière conteste formellement ;
Que dans le cadre des preuves qui doivent être rapportées dans ce litige, la connaissance des éventuels achats de tissu par la société MG, auprès d'autres fournisseurs, ne serait nullement de nature à prouver la vente alléguée par l'une des parties et niée par l'autre ;
Qu'en conséquence, la demande de la société H. de voir ordonner la communication par la société MG de "l'intégralité des factures d'achat de tissu pour la période de septembre 1998 à juillet 1999 et des comptes fournisseurs pour la même période" ne sera pas accueillie, la production de ces pièces étant sans incidence sur la solution du litige pendant ;
Considérant que la vente alléguée concerne des parties dont l'établissement respectif se situe dans deux Etats différents et que, tant l'Allemagne que la France, sont des Etats contractants de la convention de Vienne du 11 avril 1980, laquelle, aux termes de son article 4, régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu'un tel contrat fait naître entre vendeur et acheteur, à l'exclusion notamment de la validité des clauses du contrat et des effets qu'il peut avoir sur la propriété des marchandises vendues ;
Considérant que la rencontre des volontés au cours de la réunion du 8 septembre 1998 est formellement contestée par la société MG et que, pour établir la véracité de ce qu'elle prétend, la société H. produit les témoignages, sous forme d'attestations, de son agent commercial et de son directeur commercial ;
Que compte tenu des liens reliant ces deux témoins à l'une des parties au procès, les attestations correspondantes ne présentent pas un caractère suffisamment probant pour établir la réalité de l'échange allégué des consentements ;
Qu'en l'absence de la démonstration incombant à la société H., celle-ci ne rapporte pas la preuve de la réalité de la vente qu'elle allègue, qui aurait été verbalement conclue lors de l'entretien précité ;
Considérant que la société H. invoque aussi les usages et les habitudes qui se sont établis entre les parties, pour en déduire que le même processus avait été observé antérieurement, consistant à envoyer une confirmation de commande à la société MG après que celle-ci ait verbalement commandé les marchandises souhaitées auprès de l'agent commercial de la société H. à l'occasion des visites de ce dernier dans les locaux de la société MG ;
Mais considérant que si l'article 9.1 des dispositions générales de la Convention internationale précitée, stipule que les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti et par les habitudes qui se sont établies entre elles, les articles 14.1 et 18.1, concernant plus particulièrement la formation du contrat, disposent qu'une offre doit être suffisamment précise et que si l'acceptation du destinataire peut résulter de son comportement indiquant qu'il y acquiesce, son silence ou son inaction ne peuvent, à eux seuls, valoir acceptation ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le tissu objet de la discussion du 8 septembre 1998 dans les locaux de la société MG à Paris, était d'une conception technique entièrement nouvelle et très différente de celle des tissus antérieurement achetés par la société française auprès de la firme allemande ;
Que dans ces conditions la société H. n'est pas fondée à invoquer les usages antérieurs entre les parties, puisqu'il apparaît que ceux-ci avaient été élaborés à l'occasion de transactions portant sur des tissus de conception classique et ancienne, alors que la discussion du 8 septembre 1998 avait porté sur la présentation d'un tissu de conception entièrement nouvelle, qui n'avait jamais été antérieurement vendu à la société MG ;
Considérant au surplus, qu'il n'est pas contesté que la "confirmation de commande" du 28 septembre 1998 adressée par l'agent commercial de la société H. à la société MG, était exclusivement rédigée en langue allemande, ni que celle-ci n'était pas suffisamment comprise par les représentants de la société française destinataire ;
Qu'il s'en suit qu'il n'est pas d'avantage établi que les intéressés avaient été en mesure de comprendre qu'une confirmation de commande leur était adressée et, compte tenu de leur méconnaissance de la langue allemande, qu'ils étaient fondés à estimer qu'il s'agissait de précisions concernant l'offre envisagée au cours des discussions lors de l'entretien précédent ;
Considérant aussi, qu'il n'est pas contesté que la société MG n'a jamais expressément acquiescé à ladite offre et que la société H. ne rapporte pas non plus la preuve d'un comportement de la société MG qui aurait pu valoir acquiescement au sens de l'article 18.1 de la Convention de Vienne ;
Considérant par ailleurs que, contrairement à ce que soutient la société H., la commande ultérieure de 1.718 mètres du tissu litigieux, au demeurant intervenue postérieurement à l'échéancier de livraison visé dans la prétendue confirmation du 28 septembre 1998, ne constitue pas une exécution partielle de la vente supposée de 100.000 mètres ;
Que le règlement de la facture correspondante ne permet pas davantage d'en déduire que la société MG s'était obligée à acheter une quantité supérieure du produit concerné ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société "H. H... GmbH & Co" aux dépens d'appel et à verser à la SARL MG, 3.000 euros de frais irrépétibles,
Admet Maître P... au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.}}

Source

Published in French:

- University of Saarbruecken Website,http://www.witz.jura.uni-sb.de}}