Data

Date:
24-10-2000
Country:
France
Number:
Court:
Cour d'Appel de Colmar
Parties:
S.a.r.l. Pelliculest /S.A. Rhin et Moseille v. Morton International GmbH / Société Zurich Assurances S.A.

Keywords

APPLICATION OF CISG - RULES OF PRIVATE INTERNATIONAL LAW REFERRING TO THE LAW OF A CONTRACTING STATE (FRENCH LAW) (ART. 1(1)(B) CISG)

INTERNATIONAL CHARACTER OF THE CONTRACT - RELEVANT PLACE OF BUSINESS (ART. 10 CISG)

NON-CONFORMITY OF GOODS - TIME OF NOTICE - DEFECT DISCOVERABLE ONLY AFTER EXPERT EXAMINATION - NOTICE SOME TWO MONTHS AFTER DISCOVERY REASONABLE (ART. 39 CISG)

Abstract

In February 1990 a French buyer confirmed an order to a German seller for the purchase of a determined amount of glue. The glue was used to package films, which the buyer then sold to its own customer. In April 1990 the films turned out to be defective. Some two months later, on June 8, 1990, the insurance company of the buyer gave notice to the seller that the films were defective and invited the latter to attend a private expertise aimed at assessing the cause of the defects. After having compensated the customer, the insurance company entered into negotiations with the seller for a settlement of the claims. In October 1992, in view of the failure of attempts to amicably settle the dispute, the insurance company applied to a French Court to obtain a judicial expertise to assess the cause of the defects. In January 1994, two months after having been reported the final expertise, the insurance company sued the German seller to recover the sum paid in compensation plus interests, alleging that the defects were due to the chemicals contained in the glue. The seller objected to the jurisdiction of the French Court, arguing that the jurisdiction should be vested in German Courts, and requested the application of German law.

The Court of first instance (Tribunal de Grande Instance de Strasbourg) affirmed its jurisdiction and rejected the action of the insurance company because it had not been brought in due time. In its opinion, it was true that the defects had been discovered in April 1990, but the application to the Court for the judicial expertise had been made only in October 1992. The insurance company appealed.

With respect to the matter of jurisdiction, the Court of Appeal found that the standard terms of the seller contained a jurisdiction clause in favour of a German Court. Nevertheless, the Court, in application of French law, denied effect to such clause. In reaching this conclusion, it pointed out that the requirements of validity of standard terms laid down in French law had not been fulfilled, because the jurisdiction clause had been printed in small characters on the back of the delivery orders and had been drafted in German, while the front of the delivery orders, as well as all the other contractual documents, had been drafted in French. The Court then affirmed its jurisdiction according to Art. 5(1) of the 1968 Brussels Convention, since the obligation in question, that is the delivery of conforming goods, had to be performed in France under a "franco domicile" clause in the contract.

As to the law applicable to the merits of the dispute, the Court decided to apply the CISG, since the rules of private international law led to the application of French law (Art. 1(1)(b) CISG), and the CISG had already come into force in France at the time of the conclusion of the contract. As to the international character of the contract, the Court noticed that, even if the orders had been received by a French agent of the seller, the confirmations of the delivery orders, the issuance of the invoices and the delivery of the goods had been made from the German place of business of the seller, which had the closest relation to the contract (Art. 10 CISG).

With respect to the merits, the Court reversed the decision of the Court of first instance and held that the insurance company of the buyer had given notice of the defects to the seller within a reasonable time, approximately two months after their discovery (Art. 39 CISG). Therefore, the Court of Appeal ordered the seller to refund the insurance company of the buyer the expenses it had to suffer to compensate the buyer's customers plus interests.

Fulltext

[…]

La société Pelliculest dont le siège est à Benfeld a pour activité le pelliculage d'emballages en cartons, par films d'acétate de cellulose.
Le 19 février 1990, elle a confirmé à la société Morton International GmbH. une commande de 2.000 kgs de colle Pentaphan,- additif. livrables le 22 février 1990, qui ont été utilisés pour l'exécution de commandes de pelliculage d'emballage de luxe passées auprès d'elle par la société Socatrem.
Début avril 1990, la société Socatrem a constaté lors de l'estampage, l'apparition de défauts sur les emballages, caractérisés par le décollement partiel du film d'acétate de cellulose aux endroits de l´estampage.
Des investigations techniques ont été immédiatement menées à l´initiative de la société d'assurances Rhin et Moselle. assureur de la société Pelliculest, et la société SOCATREM dont le dommage s'élevait à plus d'un million de francs, a retenu une somme de 367.640.08 francs sur les factures dues à la société Pelliculest.
La société d'assurances Rhin et Moselle a indemnisé la société Socatrem (1.700.000 francs versés le 27 juin 1991) et mandaté M. Rabate pour procéder aux premières opérations d' expertise sur la recherche des causes du sinistre. La société CERIPEC, le cabinet TEXA et le cabinet INGEXAS AS ont également été sollicites sur ce point. Une expertise judiciaire a finalement été confiée, par ordonnance de référé du 8 décembre 1992, à M. Riess qui a déposé un pré-rapport daté du 21 juillet 1993 et un rapport définitif, du 1 5 novembre 1993.
Le 13 janvier 1994, la société d'assurances Rhin et Moselle a fait assigner la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances à comparaître devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale, pour obtenir leur condamnation conjointe et solliciter au paiement de la somme de 1.700.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 1991 et de 170.000 francs. à titre de dommages et intérêts. en réparation du préjudice commercial. outre 100.000 francs d'indemnité de procédure.
La société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances se sont opposées à cette demande, en soulevant l'incompétence de la juridiction au profit des juridictions de la ville de Brême en Allemagne. Les défenderesses ont également soutenu qu'il y avait lieu de faire application du droit allemand. et ont conclu au débouté la demanderesse sur le fond.
Le 9 juin 1995. la société Pelliculest, en redressement judiciaire représentée par Maître Paul Patry, administrateur judiciaire, est intervenue volontairement à la procédure, pour obtenir la condamnation conjointe et solidaire des défenderesses à lui payer la somme de 367.640,08 francs avec intérêts au taux légal à compter de l'intervention volontaire, outre la somme de 35.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement prononcé le 28 mars 1996, le tribunal de grande instance de Strasbourg a:
-rejeté les exceptions d'incompétence;
- dit que le droit français était applicable;
-déclaré l'action irrecevable pour n'avoir pas été intentée à bref délai;
- débouté la société d'assurances Rhin et Moselle de son action et la société Pelliculest de son intervention;
-condamné la société d'assurances Rhin et Moselle et la société Pelliculest en redressement judiciaire aux dépens.

[…]

Le 26 juin 1996, la société d'assurances Rhin et Moselle a interjeté appel de cette décision.
Le 9 septembre 1996, la société Pelliculest a formé à son tour appel contre ce jugement.
Le 27 mai 1997, la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances ont formé un appel incident.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 23 septembre 1997.
[…]
En l'état de ses dernières conclusions déposées le 8 novembre 1999, la société d'assurances Rhin et Moselle demande à la cour :
- de déclarer la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances mal fondées en leur appel incident;
- de les en débouter;
- d'infirmer le jugement entrepris;
et statuant à nouveau:
- de déclarer la société d'assurances Rhin et Moselle recevable et fondée en sa demande;
- de condamner en conséquence la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances in solidum à payer à la société d'assurances Rhin et Moselle la somme de 1. 700.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin;
- de condamner par ailleurs la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances aux entiers frais et dépens y compris ceux de la procédure de référé (com. 92 1276) et au paiement d'une somme de 10.000 francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
[…]

Sur le droit applicable, la société d'assurances Rhin et Moselle invoque l'article 1er de la Convention de Vienne applicable aux ventes internationales de marchandises, et rappelle que cette convention est entrée en vigueur en France le 1er janvier 1988 et en Allemagne, le 1er janvier 1991. sans qu'aucun de ces deux pays n'ait émis la réserve de l'article 95 leur permettant de ne pas être liés par l'article 1er al.l, b). Le contrat litigieux ayant été conclu en février 1990. la convention peut recevoir application par le biais des règles de droit international prive.
A cet égard il y a lieu d'appliquer les solutions de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes d'objets mobiliers corporels.

En l'espèce la commande ayant été reçue dans le pays où l'acheteur a son établissement, c'est la loi française (article 3 de la Convention de La Haye), celle de l'un des Etats contractant qui est applicable. C'est donc en vertu de l'article 1er al. 1 b) de la Convention de Vienne que le droit uniforme de la vente internationale doit recevoir application.
Pour la société d'assurances Rhin et Moselle, l'article 12 des conditions générales de vente figurant au verso des factures adressées par la société Morton International GmbH à la société Pelliculest ne répond pas aux prévisions de l'article 2 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 qui exige que la volonté des parties. quant à la loi applicable, résulte indubitablement des dispositions du contrat.
Quant au délai d'introduction de la demande et par application des articles 35 et 36 de la Convention de Vienne, il n'y a plus lieu de distinguer entre l'obligation de délivrance et la garantie des vices cachés; la Convention regroupe ces deux actions en faisant peser sur le vendeur l'obligation de livrer des choses conformes. la non conformité devant être dénoncée, puis l'action introduite, dans un délai "raisonnable" (et non pas "à bref délai" comme en droit français).
Or en l'espèce, ce délai dont l'appréciation se fait in concrète, doit être considéré comme tel :
- le sinistre et ses causes probables étaient dénoncées, dès le 8 juin 1990. par la société d'assurances Rhin et Moselle à la société Zurich Assurances:
- le rapport d'essai de la CERIPEC du 28 décembre 1990. et la note technique du Cabinet TEXA du 30 décembre 1991 et même la note d'expertise du Cabinet INGEXAS ne parviennent pas à des conclusions certaines sur l'imputabilité du sinistre;
- l'ordonnance de référé date du 8 décembre 1992. et la mission de l'expert consistait précisément à déterminer l'origine des désordres;
- seul le rapport de M. Riess se prononce clairement sur la cause du décollement du film d'acétate de cellulose.
Par ailleurs et parallèlement, une solution transactionnelle était recherchée par les parties et ce n'est que le 15 juillet 1992 que la société Zürich Assurances a définitivement rejeté cette proposition.
Il en résulte que l'action à bien été introduite dans le délai raisonnable visé a la Convention de Vienne.
De plus et même sur le fondement de l'article 1648 du Code civil, le premier juge ne pouvait rejeter la demande de la société d'assurances Rhin et Moselle dans la mesure ou la connaissance certaine du vice marquant le point de départ du bref délai, peut se situer au jour de la notification du rapport d'expertise judiciaire (Cass.Civ. 11 janvier 1989).
Sur le fond enfin, la société d'assurances Rhin et Moselle se réfère aux conclusions du rapport de M. Riess à la quittance établie par la société Socatrem et à l'accord des parties sur l'évaluation du préjudice.

Par conclusions récapitulatives déposées le 16 juin 2000, la société Pelliculest, Maître Paul Patry en qualité de commissaire a l'exécution du plan de la société Pelliculest et Maître Claude Weil en qualité de mandataire spécialement désigné par ordonnance du 12 mai 1999 pour la poursuite de la procédure demandent à la cour:
- d'infirmer le jugement entrepris, sauf en tant que le premier juge a retenu sa compétence ; statuant à nouveau dans les rapports entre la société Pelliculest et les sociétés Morton International GmbH et Zurich Assurances:
- de condamner la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances solidairement à payer à la société Pelliculest. respectivement à Maître Claude Weil es qualité de mandataire spécialement désigné, la somme de 367.640.08 francs avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 1995:
- de condamner la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances aux entiers dépens de l'instance - y compris ceux de la procédure de référé expertise - ainsi qu'au paiement d'un montant de 15.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
[…]
Sur l'exception d'incompétence, la société Pelliculest fait valoir que si l'article 17 de la Convention de Bruxelles est applicable, les conditions d'application de ce texte ne sont en revanche pas réunies. Le tribunal de grande instance de Strasbourg était compétent en vertu des dispositions de l'article 5-1er de la Convention de Bruxelles, comme étant le lieu ou l'obligation a été exécutée.
L'Article 48 du nouveau Code de procédure civile n'est pas applicable . et en toute hypothèse, les conditions générales de vente de la société Morton International GmbH ne sont pas entrées dans le champ contractuel, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elles ont été acceptées par l'acheteur.

[…]
D'ailleurs, aux termes des articles 35 et 36 de la Convention de Vienne il n'y a pas lieu de distinguer entre Faction fondée sur le manquement à l'obligation de délivrance, et l' action en garantie des vices cachés. L´action fondée sur l'obligation de délivrance conforme doit seulement être intentée dans un délai raisonnable. Tel est bien le cas en l´espèce dès lors que des pourparlers étaient en cours. qui ont échoué en 1992, et que la société Pelliculest n'a eu que tardivement connaissance de la nature et de l´origine des défectuosités affectant les biens livrés.

Subsidiairement, et par référence au droit français, il est admis en jurisprudence que l'existence de pourparlers amiables est de nature à différer le point de départ du "bref délai" visé à l´article 1648 du Code civil.
En outre la responsabilité contractuelle de la société Morton International GmbH étant engagée cette discussion n´a pas lieu d'être.
L'expert a pu se fonder sur des éléments tangibles à partir d´un stock de feuilles conservées par la société Socatrem.
S´agissant du silicone dont la présence expliquerait. au moins en partie le phénomène de décollement. l'expert s'est également exprime et ses conclusions permettent d´exclure le site de pelliculage comme cause envisageable de la pollution par silicone.

Enfin la circonstance que 3.200 kg de colle aient été concernés par le sinistre alors que 14.443 kg avaient été livrés par société Morton International GmbH confirme bien le fait que le produit était inadapté à l´ usage qui en a été fait. le reste de la colle ayant été utilisé dans des conditions différentes.
Par conclusions déposées le 28 mai 1997, la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances demandent à la cour
- de rejeter l'appel principal
- de recevoir l'appel incident
- d'infirmer en conséquence le jugement entrepris
- de dire que le tribunal de grande instance de Strasbourg était territorialement incompétent ;
- de dire que les défenderesses ont revendiqué la compétence des juridictions d la ville de Brême en Allemagne.

Subsidiairement:
- de dire que le droit allemand est seul applicable en l'espèce;
et toute façon:
- de déclarer la demande irrecevable, subsidiairement mal fondée. et très subsidiairement excessive;
- de condamner la société d'assurances Rhin et Moselle et la société Pelliculest aux dépens des deux instances ainsi qu´au paiement d´un montant de 10.000 francs pour chacune des deux instances par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
[…]
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour le plus ample exposé de leurs moyens;

Sur la compétence des juridiction françaises
La société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances se prévalent d’une clause attributive de compétence incluse dans les conditions générales de vente de la société Morton International GmbH.

Cette exception est recevable pour avoir été formulée in limine litis dans la procédure au fond (voir conclusions déposées le 3 avril 1995 devant le tribunal de grande instance de Strasbourg), peu important que la société Morton International GmbH, pour des motifs qui lui sont propres, n'ait pas soulevé cette exception dans le cadre de la procédure de référé-expertise, qui constitue une instance distincte (Cass. corn. 28 mai 1991).
La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, est applicable dans le présent litige opposant des sociétés françaises à des sociétés allemandes.

Aux termes de l’article 17 de cette Convention, si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État contractant, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant pour connaître des différents nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont seuls compétents. Cette convention attributive de juridiction est conclue :
- par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ; ( ... )
- soit, dans le commerce international, sous uniforme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée."
En l'espèce, la clause attributive de compétence dont la société Morton International GmbH affirme qu'elle est imprimée au dos des bons de livraison et des factures aurait été acceptée par la société Pelliculest dans le cadre des relations commerciales instaurées entre les parties antérieurement à la commande litigieuse.
Sont produits à cet égard. des confirmations de commande émanant de la société Pelliculest en date des 31 janvier 1990 et 2 février 1990 portant les mentions suivantes :
"Prix et conditions habituels"
"Prix et conditions convenues"
étant rappelé que la confirmation de la commande litigieuse remonte au 19 février 1990.
A cet égard et par référence a la Convention sus mentionnée. il convient d'admettre que la pratique de l'impression de conditions générales de vente, incitant une clause attributive de compétence, au dos des documents commerciaux, constitue une pratique courante en matière de vente de marchandises.
En l'espèce toutefois, la société Morton International GmbH qui ne produit aucun spécimen de factures ou de bons de livraison original, mais seulement le recto en photocopie de ces documents et, à part celle des conditions générales, puis d'un extrait de ces conditions générales, ne démontre pas que la clause litigieuse a été reproduite au dos des documents dont la société Pelliculest a eu connaissance.

D'autre part, et même si l'on admet que l'extrait des conditions générales produit correspond à celui auquel se réfère le bon de livraison (voir la mention figurant au bas du recto de ce bon "voir extrait des conditions générales an verso"), il est constant que cette liste de conditions ne correspond pas aux conditions de lisibilité imposées par la jurisprudence. Il s'agit en effet de l'énoncé compact d'un nombre important de conditions (39 articles) rédigées en petits caractères à peine distincts, où la clause de compétence se trouve noyée. Ce texte est au surplus rédigé en allemand, qui constitue certes la langue usuelle de l'une des parties mais qui n'apparaît pas comme la langue du contrat, dès lors que les autres documents, et singulièrement le recto du bon de livraison sur lequel ces conditions seraient imprimées, sont rédigés en français, et que la commande a été adressée à un correspondant de la société Morton International GmbH en France.

Enfin, les mentions apposées sur les confirmations de commande de la société Pelliculest n'établissent pas que cette société a eu connaissance, ni a fortiori accepté les conditions générales de vente de la société Morton International GmbH. dans la mesure où l'acceptation qu'elle vise concerne manifestement les conditions particulières du contrat (prix, délais de livraison, conditions de paiement...) et non les conditions générales. Il est en effet significatif que lorsque les conditions de prix de livraison et de paiement, sont précisées dans la confirmation de commande, la mention "prix et conditions habituelles" ou "convenues", n'y figure pas et inversement.
C'est donc à juste titre que le tribunal a écarte l'application de la clause attributive de compétence.
A défaut, il convient de se référer a l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles qui dispose que "le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant en matière contractuelle devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base a la demande a été ou doit être exécuté".

En l'espèce l'obligation qui sert de base a la demande est l'obligation de livrer des produits conformes à la commande. Le lieu de livraison "franco domicile" est Benfeld en sorte que le tribunal de Strasbourg était bien compétent pour connaître du litige.

S'agissant du droit applicable. la Convention de Vienne du 11 avril 1980, entrée en vigueur en France le 1er juillet 1980 dispose:
"La présente convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents
a) lorsque ces Etats sont des Etats contractants on
b) lorsque les règles du droit international privé mènent a l'application de la loi d'un Etat contractant".

Pour que cette convention soit applicable il convient en premier lieu de vérifier le caractère international de la vente dès lors que la commande de la société Pelliculest a été adressée à M. Molinier "représentant en France" de la société Morton International GmbH. domicilié à Aulnois (88) en France.
Les pièces produites par les parties ne permettent pas de dire si cette personne - dont on ignore d'ailleurs sous quelle forme elle exerce son activité - peut être considérée comme l'établissement en France de la société défenderesse.
Il est cependant établi que les confirmations de commande émanant du vendeur, les factures, et les livraisons de marchandises ont été faites à partir du siège de la société Morton International GmbH en Allemagne. Dès lors et à supposer même que M. Molinier ait eu la responsabilité de gérer en France l'un des établissements de la société Morton International, l'établissement "qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution eu égard aux circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat" et qui doit pour ce motif être pris "en considération" (article 10 de la Convention de Vienne) est bien l'établissement dont le siège est à Brème. Le caractère international du contrat litigieux est en conséquence établi.

Il convient de rappeler en second lieu qu'à la date de conclusion du contrat (février 1990) l'Allemagne n'avait pas encore ratifié la Convention de Vienne en sorte que cette convention n'est pas applicable par référence à l'article 1er a). Toutefois, ni l'Allemagne ni la France n'ont émis la réserve de l'article 95 de la Convention leur permettant de ne pas être liés par l'article 1 al1 b).
Or l'application des règles du droit international prive conduisent a l'application de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes d'objet mobiliers corporels. Cette Convention donne une large primauté à la volonté des parties. Aux termes de l'article 2 al 1er "la vente est régie par la loi interne du pays désigné par les parties contractantes". Toutefois pour que cette volonté s'applique, encore faut il qu'elle soit clairement exprimée.

L'article 12 des conditions générales de vente établies par la société Morton International GmbH - qui renvoie a l'application du droit allemand - étant reproduite au dos des documents commerciaux dans les mêmes conditions que la clause attributive de compétence, une solution identique doit être retenue, pour les motifs déjà énonces, a savoir la non application de cette clause aux relations entre la société Pelliculest et la société Morton International GmbH relativement au contrat litigieux.
A défaut, la Convention de la Haye désigne "la loi interne du pays où l'acheteur a su résidence habituelle ou dans lequel il possède l'établissement qui a passé la commande si c'est dans ce pays que la commande a été reçue soit par le vendeur soit par son représentant agent ou commis voyageur"

Au cas d'espèce, la commande a été reçue à Aulnois en France par le "représentant" de la société Morton International GmbH dans ce pays. Dès lors aux termes de la Convention de la Haye, la loi applicable est la loi française. La France étant un Etat contractant de la Convention de Vienne au moment où le contrat a été conclu, cette Convention est applicable aux relations découlant de ce contrat par application de l'article 1er al.l b).
Sur la recevabilité de la demande de la société d'assurances Rhin et Moselle et de la société Pelliculest
La section II de la Convention de Vienne impose au vendeur de livrer des marchandises "dont la quantité, la qualité et le type correspond à ceux qui sont prévus au contrat", le vendeur étant responsable de "tout défaut de conformité qui existe au moment du transfert des risques à l'acheteur même si ce défaut n 'apparaît qu'ultérieurement ".

Aux termes de l'article 39
"L'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, s'il ne le dénonce pas au vendeur en précisant la nature de ce défaut dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater."

L'article 46- 3 précise
"La réparation doit être demandée au moment de la dénonciation du défaut de conformité faite conformément à l'article 39 ou dans un délai raisonnable à compter de cette dénonciation. "
En l'espèce, les parties s'accordent pour reconnaître que la société Socatrem a informé la société Pelliculest de l'apparition des décollements en avril 1990. La société d'assurances de la société de pelliculage a rapidement fait connaître a la correspondante en France de l'assureur de la société Morton International GmbH. la survenance du sinistre : par lettre du 8 juin 1990. la société d'assurances Rhin et Moselle invitait la société Zurich Assurances à participer, en sa qualité de correspondante de la société d'assurance de la société Morton International GmbH. aux opérations d'expertise privée qu'elle diligentait et confiait à M. Rabate pour déterminer les causes "des graves défectuosités dont : l'origine semble résider dans lu qualité de la colle livrée". Il convient de noter que la société d'assurances Rhin et Moselle faisait état dans cette lettre du préjudice subi par la société Pelliculest et procédait à une évaluation approximative du dommage subi par la société Socatrem ("Le préjudice de Pelliculest s' élève actuellement à la somme de 339 44.16. la réclamation de SOCATREM. emboutisseur- s'élevant à plus d'un million").
II est donc incontestable que la dénonciation du sinistre a été faite dans le délai raisonnable visé à l'article 39 de la Convention applicable.

A la suite de cette dénonciation, les opérations d'expertise ont immédiatement démarré puis qu'une première réunion a été organisée par l'expert à Benfeld le 25 juillet 1990. Etaient conviés à cette réunion, tant la société Morton International GmbH que la société Zurich Assurances.
[…]

Sur le fond
La société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances contestent à la fois le caractère contradictoire du rapport CERIPEC - sur lequel s'est en partie fondé l'expert - et la fiabilité des conclusions du rapport de M. Riess qui estime qu'en définitive "c'est la colle Morton, mal adaptée à ce travail de pelliculage. qui est à l'origine des dommages".
A cet égard, et comme le soutiennent les défenderesses, il est constant qu'à aucun moment la CERIPEC n'a pris la peine de décrire, dans son rapport, les échantillons que lui avait fait parvenir l'expert de la société d'assurances Rhin et Moselle, M. Rabate, ou les conditions dans lesquelles ces échantillons lui étaient parvenus. Il n'en demeure pas moins que:
- selon cet expert, ces échantillons ont été "fournis par les parties";
- selon l'expert judiciaire M. Riess: "M. Rabate a fait procéder à des essais de fabrication de feuilles en utilisant des matières premières, et notamment la colle Morton. correspondant à celles mises en oeuvre par société Pelliculest au printemps 1990. Les différentes matières premières et les feuilles ainsi confectionnées (...) ont par la suite été analysées par CERIPEC" (voir rapport d'expertise judiciaire du 15 novembre 1993 p. 7 parag. 4):
- l'expert judiciaire est en droit de se référer a tout élément qui lui apparaît opportun. même s'il ne constitue pas une pièce contradictoire, a la condition que les parties aient été mises en mesure d'en débattre et de communiquer à l'expert toute pièce justificative opportune.
En l'espèce, le rapport CERIPEC était en possession de la société Zurich Assurances depuis 1992, et l'expert judiciaire s'est tonale pour parvenir a ses conclusions non seulement sur "une exploitation détaillée du rapport CERIPEC' mais également sur :
- "les dires des punies et documenta contractuels remis "
- "les tests de laboratoire que nous avons effectués une feuille d'emballage représentative des désordres constates lors des fabrications litigieuses du printemps 1990".
D'autre part. s'agissant des tests de laboratoire effectues par l'expert judiciaire à partir d'une feuille d'emballage provenant du stock restant à la société Socatrem, cet échantillon a été "reconnu comme représentatif des désordres par l'ensemble des parties exception faite de M. Chevalier du Cabinet Indexas". A défaut d'explications plus motivées, ces réserves ne peuvent être prises en compte.
Il en résulte que le moyen opposé par les intimées n'est, de ce chef, pas fondé.
S'agissant ensuite de la pertinence des conclusions de l'expert judiciaire. la société Morton International GmbH conteste l'affirmation de l'expert selon laquelle les polluants (silicones) ne pouvaient provenir des graisses des machines de la société Pelliculest. Elle relève pour sa part, que sur l'ensemble de la livraison litigieuse à la société Pelliculest seule une petite partie a posé problème (3.200 kgs sur 14.400 kgs). Elle en déduit que le polluant dont il est fait état dans les différents rapports ne pouvait se trouver dans la colle livrée, mais devait nécessairement être présent sur le site de la société Pelliculest.
Telle n'est pas l'analyse de M. Riess.
Pour cet expert en effet, les phénomènes de décollement sont dus :
- d'une part à la présence de silicones dans la couche de colle appliquée lors de l'opération de pelliculage. polluants dont on peut exclure qu'il aient été introduits par les graisses de machines ou par le solvant dilution utilisé par Pelliculest dès lors que :
* " l'un des constituants de la colle " Morton "présente les caractéristiques spectroscopiques des silicones" ;
* "une pollution par les graisses de machines aurait conduit a une répartition statistique des défauts, avec une prédominance sur les bords de la feuille, et non régulière sur l'ensemble des feuilles " comme constaté sur celles qui ont été fabriquées à l'aide de la colle Morton ;
* "les solvants utilisés par Pelliculest sont purifiés au stade industriel par distillation, et les silicones ont un point d' ébullition trop élevé pour être entraînés lors de cette opération" ;
- d'autre part. à un phénomène de dissolution du vernis acrylique par la colle polyuréthane Morton. mis en évidence par l'opération d'estampage, qui créé des tensions aux interfaces des différentes couches du matériau.

Il en résulte selon l'expert que "si la colle Morton n'est pas adaptée à ce cas particulier de pelliculage, elle peut parfaitement convenir pour des collages d'autres substrats comme a d'ailleurs pu le constater Peiliculest".

Ces explications de l'expert qui sont le résultat des analyses auxquelles a procède M. RIESS et qui ne sont pas sérieusement contredites, répondent a l'argumentation développée par la société Zurich Assurances et la société Morton International GmbH. et permettent de l'écarter.
Il y a donc lieu de dire que les conclusions du rapport d'expertise judiciaire établissent de façon certaine les causes du sinistre.
Or la présence d'un polluant dans le produit livré et l'inadaptation de ce produit à l'usage auquel il était destiné relèvent de la responsabilité du fournisseur de colle dès lors que les produits litigieux (Pentaphan A94 B 1640 et Pentaphan C) "sont spécifiques pour le pelliculage de cartons imprimés ou non mais ne conviennent pas aux supports héliogravés" (voir rapport de M. Riess. p. 18 parag. 5). La notice technique fournie par la société Morton International GmbH ne mentionne nullement cette incompatibilité particulière que la société Morton International GmbH aurait:
- d'une part dû connaître en sa qualité de professionnelle et du caractère relativement courant de la technique de l'estampage sur les emballages de luxe en carton pellicule ;
- d'autre part signaler à sa cliente les réserves d'utilisation qui en découlait, ce qu'elle n'a pas fait.
A cet égard il est important de souligner que la société Morton International GmbH n'a nullement contesté l'affirmation de la société Pelliculest selon laquelle:
- le fournisseur de colle était parfaitement informé de l'usage auquel était destiné la colle livrée, et avait même procédé à des essais préalables;
- la société Morton International GmbH connaissait les emballages Socatrem puisqu'elle fournissait à cette société un "primaire avant impression pour les emballages considérés"(voir réponse au dires de la société Morton rédigé par la société Texa le 4 novembre 1993 p. 5 parag. 3 et 4).

Étant subrogée dans les droits de la société Socatrem qu'elle a indemnisée. comme en atteste la lettre d'acceptation du directeur général de la Socatrem en date du 26 juin 1991, la société d'assurances Rhin et Moselle est en droit de réclamer à la société Morton International GmbH et à son assureur, in solidum la somme de 1.700.000 francs correspondant non seulement au montant du préjudice contradictoirement arrêté par les experts des différentes sociétés d'assurance ( voir procès verbal consécutif à la réunion d'expertise du 13 juin 1991) mais également a la somme qui a été payée par la société d'assurances Rhin et Moselle à la Socatrem.

Il est justifie à titre de dommages et intérêts complémentaires de lui allouer les intérêts de cette somme à compter de l'assignation valant mise en demeure, soit du 13 janvier 1994.
La société Morton International GmbH et Sa société Zurich Assurances qui succombent supportent la charge des dépens (y compris ceux afférents à la procédure de référé expertise) et des frais irrepétibles d'instance. Un montant de 10.000 francs doit être alloue de ce chef à la société d'assurances Rhin et Moselle;

PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement et contradictoirement :
Déclare réguliers et recevables en la forme, les appels principaux de la société d'assurances Rhin et Moselle et de la société Pelliculest, ainsi que l'appel incident des sociétés Morton International GmbH et Zurich Assurances ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître du litige, déclaré irrecevable la demande de la société Pelliculest, et condamné cette dernière aux dépens de son intervention ;

L'infirme pour le surplus ;
Dit que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 est applicable dans les rapports entre les parties ;
Déclare la demande de la société d'assurances Rhin et Moselle recevable et fondée ;
Condamne en conséquence in solidum la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances, à payer à la société d'assurances Rhin et Moselle la somme de 1.700.000 francs (un million sept cent mille francs) soit 259.163.33 euros (deux cent cinquante neuf mille cent soixante trois euros et trente trois cents) avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 1994;
Condamne la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances aux dépens de première instance et d'appel en tant qu'ils sont relatifs à l'action intentée par la société d'assurances Rhin et Moselle ;
Condamne la société Pelliculest aux dépens de son appel, et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;
Condamne la société Morton International GmbH et la société Zurich Assurances a payer à la société d'assurances Rhin et Moselle la somme de 10.000 francs (dix mille francs) soit 1.524,49 euros (mille cinq cent vingt quatre euros et quarante neuf cents) par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.}}

Source

Available at:
- University of Saarbrucken Website, http://www.jura.uni-sb.de

Commented on by:
- C. Witz, Observations, Recueil Le Dalloz, 2002, n.4, p.393-394.}}