Data
- Date:
- 21-10-1999
- Country:
- France
- Number:
- 96J/00101
- Court:
- Cour d'Appel de Grenoble
- Parties:
- Sté Calzados Magnanni v. Sarl Shoes General International - S.G.I.
Keywords
SCOPE OF CISG - CONTRACT FOR THE SALE OF GOODS TO BE MANUFACTURED BY THE SELLER (ART. 3 CISG)
FORMATION OF THE CONTRACT - SILENCE AMOUNTING TO ACCEPTANCE (ART. 18(1) CISG) - REFERENCE TO THE
PRACTICES ESTABLISHED BETWEEN THE PARTIES (ART. 8(3) CISG)
AVOIDANCE OF CONTRACT FOR NON DELIVERY - SELLER'S FUNDAMENTAL BREACH (ART. 25 CISG)
DAMAGES (ART. 74 CISG) - LOSS OF COMMERCIAL REPUTATION - IT MUST RESULT IN A MONETARY DAMAGE TO BE PROVED BY THE INJURED PARTY
Abstract
A French customer (the buyer) ordered from a Spanish supplier (the seller) the manufacture of a certain amount of pairs of shoes, with a view to reselling them to its own retailers. In view of the manufacturer's refusal to deliver the goods, the buyer concluded a replacement transaction. After its own retailers returned part of the goods, complaining about delays in deliveries, the buyer brought an action claiming damages for breach of contract by the seller and loss of commercial reputation. The seller raised the defense that it had never received the buyer's orders and that its silence or inactivity could not be understood as acceptance.
The Court of first instance held that the buyer was entitled to damages which included both the loss arising out of breach of contract and the loss of commercial reputation.
As to the applicable law, the Court of Appeal, after qualifying the contract as one for the sale of goods to be manufactured by the seller, held that it would apply CISG, since both parties had their place of business in contracting States (Art. 1 (1) (a) CISG) and the seller had supplied a substantial part of the materials necessary for such manufacture (with the exception only of the soles and of the trademark decoration) (Art. 3 (1) CISG).
With respect to the merits of the dispute, the Court of Appeal confirmed the decision rendered by the lower Court as to the damages arising from the seller's breach of contract. In particular the Court of Appeal, after pointing out that the seller had not proved that it had not received the orders from the buyer, held that the seller could not invoke the rule laid down in Art. 18 CISG (providing that silence does not in itself amount to acceptance) because, according to the practices previously established between the parties, the seller was used to performing the orders without expressly accepting them.
The Court further observed that the seller, by non delivering the goods, had committed a fundamental breach of contract, which would have entitled the buyer to avoid the contract (Art. 25 CISG).
In determining the amount of damages awarded to the buyer, however, the Court of Appeal held that the buyer would have been entitled to recover its loss of commercial reputation under Art. 74 CISG only if it had proved that such a loss had resulted in a monetary damage.
Fulltext
[...]
Attendu que la société SGI, cliente de la société Magnanni, fabricant de chaussures, depuis novembre 1993, pour les saisons hiver été 1994, affirme s'être adressée, à nouveau, à la société Magnanni, à l'automne 1994, pour lui commander la fabrication de chaussures, devant être commercialisées sous la marque Pierre Cardin, pour la saison d'été 1995;
Qu'elle indique avoir passé différentes commandes entre le 03 octobre 1994 et le 17 janvier 1995 pour un total de 8.651 paires;
Que la société Magnanni nie avoir reçu une telle commande;
Que la société SGI affirme avoir appris au téléphone, le 19 janvier 1995, le refus de livrer de la société Magnanni;
Que la société SGI dit avoir eu recours à des fabricants de remplacement mais trop tard pour livrer à temps les détaillants qui lui ont retourné 2.125 paires invendues, pour un montant total de 712.879,00 F;
Que la société SGI allègue, également, une perte d'image commerciale auprès des détaillants mécontents des livraisons tardives. Attendu que, par ailleurs, la société SGI allègue que la société Magnanni a commercialisé directement 800 paires de chaussures de marque "Pierre Cardin", en métropole et surtout dans les départements et territoires d'Outre-Mer;
Attendu, en outre, que la société SGI se plaint de ce que la société Magnanni a copié le modèle de chaussure "Pierre Cardin" dont elle lui avait confié la fabrication et le commercialise en Europe et dans les départements d'Outre-Mer sous la dénomination "CARTOUFLE"; Que la société Magnanni contredit ces affirmations en indiquant qu'elle a toujours commercialisé sur le marché français ses fabrications sous ses propres marques "Julio Blanco" et "Magnanni"; Qu'elle ajoute que le modèle de chaussure litigieux, de forme mocassin souple, est très courant et se trouve largement représenté sur le marché;
SUR CE:
Attendu, sur le droit applicable, que les deux parties admettent que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises régit leur contrat pour avoir été conclu entre un vendeur et un acheteur établis dans des États différents, parties à la convention, et pour avoir comme objet une vente de marchandises à fabriquer dont les éléments matériels essentiels - autres que les semelles et une décoration métallique caractéristique de la marque Pierre Cardin- nécessaires à la fabrication, ont été fournis par le vendeur;
Attendu, sur la réalité de la commande passée par la société SGI, que la société Magnanni se fonde sur l'article 18.1 de la Convention de Vienne et fait valoir que son silence ou son inaction "à eux seuls ne peuvent valoir acceptation"; Qu'il convient que la COUR se penche sur les pratiques suivies par les parties lors des commandes précédentes et examine les circonstances de fait qui entourent le présent litige;
Attendu que la société Magnanni ne produit pas d'acceptation de commandes pour les commandes passées en 1993; Que la COUR en déduit qu'elle fabriquait sans faire connaître son acceptation à la société SGI;
Qu'à partir d'un discriminant fondé sur la forme informatique ou manuelle des bons de commande, la société Magnanni opère des déductions ayant trait à l'existence ou à ['absence de commande; Mais que la société SGI est maître de se moderniser en utilisant l'informatique pour passer commande à la fin de l'année 1994; Que la COUR ne suit pas la société Magnanni dans ces déductions; Que des bons de commande manuels auraient pu aussi bien que des listes informatiques être forgés pour les besoins du procès; Qu'en outre, la COUR observe que l'attestation de Monsieur Lautiat, en date du 20 septembre 1996, prolixe sur le mode de paiement des commandes, est taisant sur les formes revêtues par les commandes qu'il transmettait; Qu'il résulte des pratiques suivies par les parties, en 1993 et début 1994, que la société Magnanni exécutait les commandes sans exprimer son acceptation; Que l'appel aux dispositions de l'article 18.1 de la Convention de Vienne est donc inopérant;
Attendu, sur la preuve de la commande afférente aux chaussures de l'hiver 94-95, que la société SGI verse aux débats les listes informatiques dont la société Magnanni affirme qu'elle ne les a pas reçus; Qu'elle produit aussi des échanges de correspondances et de télécopies intervenues les 17, 19, 20 et 24 janvier 1995 portent sur le refus de livrer de la société Magnanni dans lesquels cette dernière ne mentionne pas qu'elle n'a pas reçu commande;
Qu'avec retard, le 24 janvier, en réponse à une télécopie du 19 janvier, elle précise en termes abstraits qu'elle n'a pas changé d'idée à propos de ce qu'elle disait la semaine précédente et offre de restituer le matériel de fabrication qui est la propriété de la société SGI;
Que la société Magnanni ne produit aucun écrit, en réponse aux nombreuses correspondances de la société SGI s'étalant jusqu'au 31 mars 1995, où elle aurait affirmé ne pas avoir reçu commande; Et que la société SGI produit encore une commande de chaussures d'échantillon passée, en juillet 1994, pour être exécutée le 22 août 1994;
Que cette commande a donné lieu à une facturation de la part de la société Magnanni en date du 23 août 1994; Que cette facture porte le no 304; Que dans une lettre du 29 novembre 1994, la société Magnanni réclame le paiement de cette facture 304 "envio de Muestras" ("envoi d'échantillons");
Que la société Magnanni qui avait fabriqué les échantillons de la saison d'été 1995 et n'avait pas reçu de lettre les critiquant connaissait ['intention de la société SGI d'être présente sur le marché de la chaussure pour l'été 1995;
Que conformément à l'article 8.1 de la Convention de Vienne elle devait interpréter "les indications et les autres comportements" de la société SGI "selon l'intention de celle-ci... qu'elle connaissait";
Que même si elle n'avait pas reçu de commande, elle devait, après avoir fabriqué des échantillons et être restée en possession du matériel original, tels les emporte-pièces de la société SGI, interroger la société SGI sur le sens à donner à l'absence de commande;
Que la COUR a déjà indiqué que sa conviction est que la société Magnanni a reçu commande puisqu'elle ne l'a jamais nie devant les multiples correspondances indignées de la société SGI à elle adressées de janvier à mars 1995;
Que le refus d'honorer une commande reçue, sans motif légitime, en affirmant de façon mensongère qu'elle n'a pas été passée, constitue de la part du vendeur une contravention essentielle au sens de l'article 25 de la Convention de Vienne en ce qu'elle "prive substantiellement (l'acheteur) de ce qu'(il) était en droit d'attendre du contra";
Que la société Magnanni ne reprend pas, devant la COUR, le moyen subsidiaire présenté devant le Tribunal que le refus de livrer était motivé par les difficultés rencontrées pour recevoir paiement; Attendu, sur le préjudice subi par la société SGI, du fait du refus de fabriquer et de vendre de la société Magnanni, que cette dernière verse aux débats des annulations de commandes et des refus de prise de livraison motivés par le retard de la livraison et la proximité de la période des soldes émanant de dizaines de détaillants ainsi qu'un nombre plus important d'avis de souffrance établis par la société de Transports Calberson pour des marchandises refusées ou non retirées;
Qu'elle fait ainsi la preuve de son préjudice direct;
Que la société SGI produit aussi des attestations de deux représentants faisant état du mécontentement des détaillants et des difficultés qu'ils rencontreront pour les conserver dans le futur; Mais que ces attestations en date des 06 et 11 juillet 1995 ne vent qu'hypothétiques au regard de la perte de clientèle pour les saisons futures et des rabais à consentir pour la conserver;
Que l'article 74 de la Convention de Vienne prévoit, en réparation d'une contravention au contra", des "dommages et intérêts égaux à la perte subie et au gain manqué";
Que la détérioration de l'image commerciale n'est pas réparée en elle-même si elle n'a pas entraîné un préjudice pécuniaire prouvé; Que la COUR confirme donc le jugement en ce qu'il a alloué 712.879 F en réparation du préjudice subi du fait du refus de livraison;
Qu'elle le réforme en ce qu'il a condamné la société Magnanni à payer l00.000 F à titre de dommages et intérêts, en réparation de la perte d'image de marque;
Attendu, sur le droit applicable aux actes de concurrence déloyale, qu'il est de tradition que la loi applicable aux délits civils est la "lex loci delicti"; Que lorsque comme en l'espèce, les actes reprochés, de concurrence déloyale, ont été voulus dans un Etat et ont produit effet dans un autre, la jurisprudence statue "que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier";
Que la Cour, constatant que le préjudice dénoncé est situé par la société SGI, sur le marché français, fait application du droit français; Attendu que le droit français sanctionne comme des actes de concurrence déloyale le fait de créer dans l'esprit de la clientèle une confusion de nature à rallier à l'auteur des actes la clientèle de son concurrent;
Qu'au vu des chaussures litigieuses, la COUR constate qu'il est de fait que les chaussures, en forme de mocassin, commandées par la société SGI, licenciée Pierre Cardin, portaient sur la languette, en cuir repoussé de même couleur que la chaussure, les lettres PR et que les chaussures de la société Magnanni, commercialisées sous la marque Julio Blanco comportaient au même endroit, en cuir repoussé de même couleur également, la lettre M, élargie de telle façon qu'elle occupait le même espace que les deux lettres PR;
Qu'il est aussi de fait qu'à droite du bas de la languette, la société Magnanni a placé un motif métallique, certes plus petit, mais de même forme ronde que celui qui orne les chaussures portent la marque Pierre Cardin; Que ces ressemblances vent de nature à attirer la clientèle qui rechercherait normalement des mocassins Pierre Cardin; Que le risque de confusion est délibéré, ainsi que le démontre la réponse faite par un détaillant de LYON à Me Fradin, huissier de justice: "Je n'ai pas le droit de vendre du Pierre Cardin, je ne vends "que du dégriffé, c'est la même chose que les Cartoufles. C'est la "maison qui fabriquait les Cartoufles Pierre Cardin qui "fabrique ces chaussures."
Que la confusion règne dans l'esprit même des professionnels, puisque le magasin Audrey de Chambery a adressé à la société SGI, pour réparation, à cause d'un talon cassé, un modèle vendu par la société Magnanni sous la marque Julio Blanco; Et que la société Maganni ne justifie par aucune pièce son affirmation que les chaussures de type Cartoufle qu'elle commercialisait à Lyon, en 1996, étaient commercialisées par elle avant qu'elle lui soient commandées par la société SGI, en 1993, ni qu'elles vent des chaussures courantes sur le marché;
Que la circonstance que les semelles choisies par la société SGI pour donner de la souplesse aux chaussures étaient fabriquées par la société Astra de Saint-Etienne et pouvaient être vendues à quiconque les achetait, n'est pas de nature à gommer l'imitation de la société Magnanni dès lors qutelle ntest pas le concepteur de l'ensemble, empeigne, languette décorée en deux endroits et semelle; Qu'il résulte, encore, d'une lettre de la société Clervy de Birmingham adressée à ses clients, le 10 septembre 1996, que la société Magnanni se fait présenter comme "un fabricant qui produit des chaussures classiques homme d'une qualité supérieure" et indiquer que "Pierre Cardin, Bailly et Jean-Louis Scherrer (France) vent clients de cette firme" alors que le contrat portent sur la fabrication des chaussures portent la marque Pierre Cardin était rompu depuis janvier 1995; Que l'entreprise Bergeron de Fort de France, en Martinique, fait état dans une lettre du 20 août 1996 des produits similaires à la Cartoufle Pierre Cardin dont la société Magnanni inonde "le marché des Dom-Tom" à un prix de 450 F 480 F. alors que les marchandises fabriquées par SGI se vendent 790 F environ;
Attendu, sur le préjudice subi par la société SGI du fait de la concurrence déloyale de la société Magnanni, que, tenant compte de la présence des produits d'imitation fabriqués par la société Magnanni sur les marchés de métropole et d'Outre-Mer ainsi qu'au Royaume-Uni, de la stagnation du chiffre d'affaires de la société SGI, en 1995, de sa baisse de 4,4 MF, en 1996, jusqu'à sa reprise en 1997, la COUR fait droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur de 700.000 F;
Attendu, sur la demande de 50.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile présentée par la société SGI, que la COUR constate qu'elle est inférieure au total des dommages et intérêts pour procédure abusive (50.000 F) et de l'indemnité au titre de l'article 700 proprement cite (20.000 F) sollicités par la société Magnanni;
Que la société SGI a donc eu une meilleure gestion économique des coûts internes et externes du procès; Que la COUR fait droit à la demande;
PAR CES MOTIFS:
LA COUR:
STATUANT publiquement et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a alloué à la société SGI 712.879 F [...], à titre de dommages et intérêts pour faute contractuelle;
Le REFORME en ce qu'il a alloué 100.000 F [...], à titre de dommages et intérêts pour perte de l'image de marque, préjudice non réparé par la Convention de Vienne indépendamment d'une perte subie ou d'un gain manqué;
AJOUTANT:
JUGE que la société Magnanni a commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant à son profit des chaussures de nature à provoquer la confusion avec les chaussures dont la société SGI lui avait confié la fabrication et à rallier la clientèle de celle-ci;
CONDAMNE la société Magnanni à payer à la société SGI 700.000 F [...] à titre de dommages et intérêts de ce chef;
CONDAMNE la société Magnanni à payer 50.000 F [...], à titre de dommages et intérêts à la société SGI;
La CONDAMNE aux dépens;
[...]}}
Source
Published in French:
- University of La Sarre Website (http://www.witz.jura.uni-sb.de/)
Commented on by:
- C. Witz, Observations, in Le Dalloz, 2000, n. 42, 441-442}}