Data

Date:
04-03-1998
Country:
France
Number:
46
Court:
Cour d'Appel de Paris, 1ére chambre, section D
Parties:
Société Laborall v. SA Matis

Keywords

JURISDICTION - 1968 BRUSSELS CONVENTION - JURISDICTION OF THE COURT FOR THE PLACE OF DELIVERY OF CONFORMING GOODS

OBLIGATION OF CONFORMITY OF THE GOODS (ART. 35 CISG) - OBLIGATION OF DELIVERY (ART. 31 CISG) - MUST BE PERFORMED AT THE SAME PLACE

Abstract

A French buyer and an Italian seller concluded a contract for the sale of machinery for the production of cosmetics. The machinery delivered turned out to be defective and the parties concluded a second contract to replace the defective machinery with machinery of a different type and price. After the new machinery had been delivered the buyer brought an action before a French court alleging that the new machinery was also defective. The buyer requested a court order that the seller repair the machinery and reimburse the costs it had sustained in attempting to repair it. The seller objected to the jurisdiction of the French courts.

The Court of first instance (Tribunal de Commerce de Paris, 28-10-1997) affirmed its jurisdiction to hear the case on the ground of Art. 5(1) of the EC Convention on Jurisdiction and the Enforcement of Judgments in Civil and Commercial Matters (Brussels, 1968). According to the Court of first instance the obligation in question was in fact the seller's obligation of conformity which derived from Art. 36(2) CISG, and the seller's attempts to remedy the non conformity had been performed at the buyer's place of business in France. The seller appealed on the issue of jurisdiction.

The Court of Appeals reversed the lower court's decision. According to this Court, the obligation in question was the seller's obligation to deliver conforming goods. Referring to Arts. 35(1) and 35(2)(a) CISG, the Court held that the obligation of conformity of the goods to their ordinary use is not independent from the obligation of delivery. Therefore both obligations must be performed at the same place. In the case at hand the parties had agreed that the place of delivery was the seller's place of business in Italy. Moreover, as required in the contract, the seller had handed the goods over to a carrier indicated by the buyer at its own premises. Therefore, under Art. 31(a) CISG the obligation to deliver conforming goods was to be performed at the seller's place of business.

Fulltext

LOWER INSTANCE:
Tribunal de Commerce de Paris, 28-10-1997

[…]

F A I T S:

Le 30 mai I995, la société Matis commande á la société Laborall, sise en Italie, une machine "Jupiter 100" . Il s'agit d'une cuve á double enveloppe de refroidissement (ou réchauffage), avec agitateur, dont le fonctionnement. est automatisé et contrôlé, et. destinée à la fabrication de produits cosmétiques. Son prix est de 42.509.095 1ires , payable par un acompte de 30% et le solde à la réception.

La machine est livrable à l'usine de Plaisir (Yvelines) de la société Matis. Cette dernière se réserve de 1a faire enlever et livrer par un transporteur de son choix si elle trouve des conditions plus favorables que celles du transporteur proposé par Laborall.

La machine est reçue le 17 juillet 1995 à Plaisir.

Cependant Matis retient le solde de 70% payable à réception. Par une lettre RAR du 4 août 1995, elle formulait les réserves sur la qualité de la machine livrée , des taches de rouille apparaissant sur 1' intérieur de la cuve en acier inoxydable poli. Par une nouvelle lettre RAR du 20 septembre suivant, elle signale un autre ensemble de défauts, constatés après mise en service, et demande à Laborall d'intervenir au plus tôt pour y remédier, se disant disposée à régler le solde de 29.786.367 lires réclamé par Laborall dès qu'elle aura eu satisfaction .Un nouveau courrier, du 4 octobre 1995, signale derechef les anomalies constatées, auxquelles s'est ajoutée une déformation de la cuve, ce qui entrain un frottement de l'agitateur sur la paroi intérieure.

A la suite d'une visite à l'usine de Plaisir, le 19 octobre 1995, de M. Aitis, de la société Laborall, celle-ci expédie, le 23 suivant à Matis un compte rendu exposant les raisons des défauts constatés, dont un certain nombre sont imputables à la fabrication de la machine. En addition à ce compte rendu, Laborall offre de remplacer la Jupiter 100 livrée à Matis par une Jupiter 150, moyennant le paiement de la différence de prix et du coût de réparation de la Jupiter 100 endommagée, coût estimé, à environ 1.500.000 lires.

Matis ayant accepté l'offre , une Jupiter 150 est livrée et mise en service en février 1996.

Par LRAR du 1er juillet 1996, Matis informe Laborall que des incidents, dus à des raisons qu' elle précise, sont intervenus en juin sur la Jupiter 150, et qu'elle a du en conséquence faire procéder sans délai à la remise en état de 1a machine . ElIe demande à Laborall de la couvrir du coût de la réparation, soit 155.212,20 F, montant d'une facture de la société Application Solution Technique (A.S.T.).

Un constat de défauts de fonctionnement est établi par huissier en date du 1er août 1996, en présence de M. Aitis, vice-président de Laborall. Ce constat relève des dysfonctionnements du système, une déformation de la cuve et la dégradation de sa paroi interne, et la déformation d'une boîte externe contenant les éléments chauffants. Il y est fait état de déclarations de M. Aitis, selon lequel

(a) le système de refroidissement et de chauffage n'est pas mis en service correctement, une soupape de sécurité ayant été montée à l'envers, et le système devant fonctionner en circuit ouvert, et non fermé comme c'est le cas;

(b) Laborall offre de remplacer gratuitement la boîte des éléments chauffants; et

(c) la responsabilité de Laborall n'est pas engagée pour les autres anomalies du fonctionnement général de la machine.

C'est dans ces circonstances que Matis a introduit la présente instance.

P R O C E D U R E:

(1) Par acte du 19 novembre 1996 signifié au parquet, assignant Laborall à comparaître le 4 février 1997 devant le présent Tribunal, Matis demande à celui-ci de:
- dire que la machine "Jupiter 150" livrée par Laborall n'est pas conforme à la commande,
- ordonner que Laborall la mette en conformité, afin de permettre à Matis d'utiliser les éléments de chauffe, et ce sous astreinte de 1.000 F par jour de retard à compter du huitième jour qui suivra la notification du jugement à intervenir,
- condamner Laborall à rembourser à Matis les frais exposés pour la réparation du matériel litigieux, soit 155.212,20 F, outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1996, date de la mise en demeure,
- condamner Laborall à payer à Matis la somme de 15.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C., et aux dépens .

(2) Par des conclusions déposées à l'audience collégiale du 4 février 1997, réitérées par des écritures régularisées le 23 septembre 1997 à l'audience du juge rapporteur, Laborall
- sollicite en premier lieu la nullité de l'assignation pour défaut de délai de comparution,
- demande au présent tribuna1 de se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de Milan (Tribunale di Milano),

subsidiairement,

- demande que Matis soit déboutée,

à titre reconventionnel,

- sollicite le paiement par Matis des sommes suivantes:
- 2.460.000 lires, à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la date de paiement définitif,
- 20.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et de
- 20.000 F au titre de l`article 700 du N.C.P.C.,
- sollicite en outre qu'il soit fait appel à témoignages dans le délais requis.

(3) Par des conclusions déposées a l'audience collégiale du 29 avril 1997, Matis demande que Laborall soit déboutée de ses demandes reconventionnelles, et que lui soit accordé le bénéfice de son exploit introductif d'instance.

D I S C U S S I O N:

1. Sur 1'exception d' incompétence

Laborall soulève l'incompétence du présent tribunal au profit d'une juridiction de Milan.

Elle se fonde pour cela sur 1'absence de convention d'attribution de juridiction dans le contrat de vente liant les parties au présent litige. En pareil cas, l'article 5, 1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, applicable en l'espèce, donne compétence au tribunal du lieu où l'obligation objet du litige à été, ou devait être, exécutée. S'agissant d'une vente internationale, ce lieu doit être déterminé par application de la Convention de Vienne du 11 avril 1980. En application des articles 23 et 24 de cette convention, le contrat entre les parties à été formé en Italie, au siège de Laborall. Conformément à l'article 31 de la même convention, l'obligation du vendeur était de livrer la marchandise au premier transporteur. Ce-lui-ci a enlevé la machine au siège de Laborall, en Italie, qui est donc, pour toutes ces raisons, le lieu d'exécution de l'obligation en litige.

Matis oppose que l'obligation qui est à la source du litige est 1'obligation de conformité, à laquelle le vendeur est tenu par les articles 35 et 36 de 1a Convention de Vienne. Le paragraphe 2 de l'article 36 précise que le vendeur reste responsable d'un défaut de conformité survenant après le transfert de risques à l'acheteur. Le lieu où s'exécute cette obligation ne peut être ailleurs que celui où 1'examen de conformité est effectué, c'est-à-dire l'usine où la machine est mise en service. Cette usine se trouvant en France, c'est une juridiction française qui est compétente.

S U R Q U O I,

Attendu que l'exception soulevée par Laborall est recevable comme ayant été formulée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, étant motivée, et spécifiant la juridiction compétente selon Laborall;

Attendu que le litige porte sur une matière contractuelle, et qu'en l'absence d'attribution conventionnelle de juridiction, 1a compétence appartient, en vertu de l'article 5, par. 1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, à la juridiction du lieu où l'obligation, doit être exécutée;

Attendu que Laborall soutient que l'obligation litigieuse doit s'entendre comme une obligation de fournir, au sens de la Convention de Vienne du 11 avril 1980, et que cette obligation devait s'exécuter en Italie, lieu de livraison;

Attendu toutefois que Matis assigne Laborall en exécution d'une obligation de mise en conformité de la machine qui lui a été livrée;

que dès lors, la source du 1itige se trouve dans l'obligation de conformité à la charge du vendeur, telle que découlant de l'article 36, par. 2, de la Convention de Vienne, et qui est sollicitée par la demanderesse;

Attendu que les tentatives de remédier à la non-conformité alléguée, effectuée par Laborall, l'ont été à l'usine de Matis sise à Plaisir, en France;

que le lieu d'exécution de l'obligation sollicitée par la demanderesse se trouve donc en France;

que l'application de la Convention de Bruxelles invoquée conduit dès lors à la compétence d'une juridiction française;

le Tribunal se dira compétent.

[…]

APPELLATE COURT
Cour d'Appel de Paris, 03-04-1998

[…]

La société MATIS, qui a pour objet la fabrication et la diffusion de matériels de soins esthétiques et de produits cosmétiques, a acquis auprès de la société LABORALL, dont le siège est à Rosate, (Italie), une machine de type "Jupiter 100" destinée à la fabrication de crèmes.

Cette machine s'est révélée défectueuse, et après diverses interventions pour tenter de résoudre les problèmes techniques, la société LABORALL a proposé à la société MATIS, par lettre du 23 octobre 1995, de la remplacer par une machine "Jupiter 150", moyennant des aménagements financiers définis entre elles, offre acceptée par la société MATIS le 3 novembre 1995.

Selon les dires de la société MATIS, le nouvel appareil, livré en février 1996, présenta des problèmes identiques à ceux du précédent, ce qui donna lieu à certaines constatations et interventions de techniciens.

Cependant, la société MATIS, estimant que le matériel n'était conforme ni à la commande ni à sa destination, a fait assigner la société LABORALL devant le tribunal de commerce de Paris pour que soit ordonnée, sous astreinte, la mise en conformité du dit matériel, et pour obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer, au titre des frais de réparation, une somme de 155 212,20 F.

Par jugement du 28 octobre 1997, le tribunal saisi a rejeté l'exception d'incompétence qu'avait soulevée la société LABORALL au profit du tribunal de grande instance de Milan, en considérant qu'au regard de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles, l'obligation litigieuse est l'obligation de conformité à la charge du vendeur telle qu'elle résulte de l'article 36-2 de la Convention de Vienne, et que les tentatives de remédier à la non-conformité alléguée ont été effectuées par la société LABORALL à l'usine de la société MATIS en France; une expertise a par ailleurs été ordonnée.

La société LABORALL a formé contredit.

Se fondant sur les dispositions de l'article 35 de la Convention de Vienne, elle soutient que l'obligation de conformité est une obligation connexe à l'obligation de livrer, et que les parties avaient contractuellement prévu que la livraison aurait lieu à l'usine de LABORALL, à Rosate, soit dans le ressort du tribunal de Milan.

Elle sollicite une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société MATIS conclut au rejet du contredit, en soutenant que l'obligation qui sert de base à la demande est l'obligation de garantie, bien distincte de l'obligation de livraison, et qu'elle doit être exécutée en France sur le site de l'usine de la société MATIS, comme l'ont justement retenu les premiers juges.

Subsidiairement, la société MATIS fait valoir que la marchandise a été remise à un transporteur choisi par la société LABORALL, seule responsable et organisatrice de la livraison, et qu'en conséquence l'obligation de livraison n'a été exécutée que lorsque la machine a été livrée dans ses locaux en France, ce qui justifie aussi la compétence de la juridiction française.

Elle sollicite une somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motivation

La société LABORALL, défenderesse, étant domiciliée en Italie, la compétence doit être déterminée au regard des dispositions de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

Selon l'article 5-1 de la Convention, le défendeur peut, en matière contractuelle, être attrait, dans un autre Etat contractant, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée.

Ce lieu se détermine conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie, soit en l'espèce la Convention de Vienne du 11 avril 1980, relative à la vente internationale de marchandises.

En effet, la France et l'Italie étant partie à cette Convention à la date du contrat conclu pour remplacer l'ancienne machine défectueuse par la machine "Jupiter 150" entre la société MATIS et la société LABORALL, lesquelles ont leur siège respectif dans ces deux Etats, les dispositions de cette Convention sont applicables à ce contrat, en vertu de l'article 1er 1 a de ce texte.

En l'espèce l'obligation litigieuse est une obligation de conformité.

En vertu des articles 35-1 et 35-2a de la Convention de Vienne, le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat, et dont l'emballage ou le conditionnement correspond à celui qui est prévu au contrat; à moins que les parties n'en soient convenues autrement, les marchandises ne sont conformes au contrat que si elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type.

Il résulte de ces dispositions que l'obligation de conformité des marchandises à leur usage ne revêt aucune autonomie par rapport à l'obligation de délivrance, de sorte que les obligations correspondantes s'exécutent ou doivent s'exécuter au même lieu.

En l'espèce, la disposition figurant sur le document contractuel daté du 23 octobre 1995 adressé par la société LABORALL à la société MATIS, prévoyant comme lieu de livraison l'usine de la venderesse à Rosate, dont l'application est revendiquée par la société LABORALL, n'a appelé aucune observation particulière de la part de sa co-contractante.

Celle-ci au demeurant reconnaît dans ses écritures que la marchandise a été remise à un transporteur choisi par la société LABORALL, de sorte qu'en tout état de cause, en application des dispositions de l'article 31 a de la Convention de Vienne, l'obligation de conformité litigieuse devait s'exécuter à Rosate.

L'obligation litigieuse devant ainsi s'exécuter en Italie, les dispositions de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles, qui prévoient la compétence d'une juridiction d'un Etat contractant différent de celui du domicile du défendeur, ne sont pas applicables.

La compétence ne peut en conséquence être déterminée qu'au regard de l'article 2 de la Convention de Bruxelles.

Il s'ensuit que le litige relève de la compétence du tribunal de grande instance de Milan, dans le ressort duquel la société LABORALL a son siège.

Le contredit sera en conséquence déclaré bien fondé.

La société MATIS devra verser à la société LABORALL une somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs

- Déclare le contredit fondé;
- Renvoie en conséquence les parties à mieux se pourvoir;
- Condamne la société MATIS à payer à la société LABORALL une somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- Dit que la société MATIS supportera les frais du contredit.}}

Source

Original in French:
- Unpublished

Source:
- Avv. Alessandro Leoni, Studio Legale Leoni, Milan, Italy

Lower instance:
- Tribunal de Commerce de Paris, 28-01-1997 (Full Text)}}