Data
- Date:
- 11-03-1996
- Country:
- Switzerland
- Number:
- 01 93 0661
- Court:
- Tribunal Cantonal de Vaud
- Parties:
- H.H. v. A.
Keywords
SET-OFF - MATTER EXCLUDED FROM SCOPE OF CISG (ART. 4 CISG)- DOMESTIC LAW APPLICABLE
BUYER'S OBLIGATION (ART. 53 CISG) - PAYMENT OF PRICE
INTEREST (ART. 78 CISG) - INTEREST RATE - STATUTORY RATE OF THE BUYER'S COUNTRY - ACCRUAL - NO NEED FOR FORMAL REQUEST BY THE SELLER
Abstract
An Austrian seller, acting as exclusive distributor of a company controlled by a Hungarian producer, sold clay to a Swiss buyer. The parties agreed that payment was to be made within 30 days from the date of each invoice. All the goods were delivered, but the buyer refused to pay the purchase price. The seller claimed payment of the price plus interest. The buyer counter-claimed set-off alleging credits towards another company, which the buyer considered as being part of the same group of the seller.
The court held that the contract was governed by CISG according to Art. 1(1)(a), and that the buyer had breached its obligation to pay the price (Arts. 53 and 59 CISG). The seller was therefore entitled to seek payment thereof (Art. 62 CISG).
The seller was also awarded interest (Art. 78 CISG) accruing from the expiration of the period of time agreed by the parties for payment of the price. The court observed that according to Art. 78 CISG, the obligation to pay interest for the delay in payment of the price is not subject to a formal request by the seller. Since CISG does not determine the interest rate, the court held that the rate was to be determined in accordance with the domestic law of the buyer's country (Switzerland) as the obligation of the buyer was the only disputed performance in the case at hand.
As to the buyer's claim for set-off, the court held that the issue was governed by Swiss law, since the CISG does not contain any rule to this regard.
Fulltext
[...]
E n f a i t:
1. La demanderesse H. H. mbH est une société à responsabilité limitée, fondée à Vienne en 1983, avec siège dans cette même ville, dont le but statutaire est le commerce de marchandises de toutes sortes, principalement des produits en terre glaise et en aluminium.
La défenderesse A. SA est une société anonyme dont le siège est á L.
Ont été entendus comme témoins S, directeur de la défenderesse jusqu'en 1993, époux de l'administratrice de cette société, qui a participé à l'élaboration de la procédure, et P. R., directeur technique de la défenderesse. Eu égard aux liens étroits de ces témoins avec l'une des parties en cause, la cour ne prendra en considération leurs dépositions que dans la mesure où d'autres éléments du dossier confirment leurs témoignages, à moins qu'il ne s'agisse de faits d'une portée tout à fait générale, sans incidence sur la solution du litige.
2. A l'époque où la Hongrie se trouvait derrière le "rideau de fer", soit avant 1989, la production d'aluminium du pays était dominee par l'Etat, par l'intermédiaire d'une société étatique dénommée H. Cette société disposait de plusieurs centres de production, dont chacun était exploité par une société en mains d'H. Tel était le cas de la société A. A. P.
La défenderesse s'occupe du commerce de produits d'alumine. Elle détient également une connaissance en matière de fabrication de produits d'alumine, raison pour laquelle elle est entrée en relation d'affaires avec Hungalu et ses filiales.
Le 21 février 1990, la défenderesse a conclu un contrat de collaboration avec C. T. AG, société avec siège en S., dont l'activité consiste à acheter des matières premières et à vendre des produits finis provenant notamment de l'usine d'A. Aux termes de ce contrat, la défenderesse s'est notamment engagée à organiser et développer le secteur de la vente de sa cocontractante, soit à engager, former et superviser le personnel de vente. En contrepartie, la défenderesse recevait un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par Cerapul.
Le 17 novembre 1989, H. et C. AG ont conclu une convention ayant pour but de développer une collaboration s'agissant de la production et du marketing relatifs aux produits d'alumine. Cerapul devait mettre à disposition son savoir-faire en la matière afin notamment d'augmenter le volume de production et d'améliorer la qualité des produits. Cette cóopération devait notamment bénéficier á la société A. P. La défenderesse allègue - sans l'établir toutefois dès lors que le témoignage de D. S. et P. R. n'est pas déterminant pour les raisons déjà exposées - que ce contrat devait permettre á C. de remplir les obligations qu'elle avait contractées à l'égard d'H.
Le 31 décembre 1990, la défenderesse, agissant conjointement et solidairement avec P. R. et D. S., a signé une convention avec L. R. I., à N , par laquelle la défenderesse et ses consorts ont cédé les connaissances qu'ils détenaient dans le domaine de l'alumine tabulaire en vue du lancement en Hongrie d'un projet de création d'une unité de production de ciment alumineux et d'alumine tabulaire sur le site d'A. La défenderesse allègue - sans que ce fait ne soit non plus prouvé - que C. aurait ensuite cédé ses droits découlant des deux contrats précités à L. F. I.
Le 7 janvier 1991, L. F I. a mis fin au contrat conclu avec la défenderesse et ses consorts pour ce qui touche à la transmission d'expertise ensuite de l'abandon du projet en Hongrie.
3. La demanderesse vend parfois des produits sur la base d'un contrat avec le producteur. Elle s'est ainsi engagée en 1991 à vendre des produits d'A. T. GmbH, soit Aloxid, sur des marchés déterminés notamment en S., au bénéfice d'une exclusivité.
Par télécopie du 20 janvier 1992, la défenderesse a commandé à A. A. P. 220 tonnes de marchandises. Celle-ci a répondu le même jour, par télécopie également, notamment en ces termes (traduction de l'allemand par la demanderesse):
"En nous référant au fax de Mme C. du 4 décembre 1991, nous vous informons que les contrats conclus entre H. et P. ainsi qu'entre H. A. et A. sont valables à partir du 1er janvier 1992. Selon ces contrats, H. GmbH a un droit exclusif pour l'A. et la S. Dès lors, le contrat que vous envisagez ne peut être conclu qu'avec H. "
Le 24 janvier 1992, la demanderesse a télècopié à la defenderesse ce qui suit (traduction de l'allemand par la demanderesse):
"Nous nous référons à votre entretien téléphonique avec notre directeur, M. H., et au fax que vous avez adressé à A. le 20 janvier 1992 et vous prions de bien vouloir nous envoyer votre commande par fax."
Le même jour, la défenderesse a commandé, cette fois á la demanderesse, les 220 tonnes de marchandises, livrables aussitôt, en reprenant exactement le même texte que dans sa télécopie du 20 janvier 1992 à A.
Ce contrat est régi par la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandise du 11 avril 1980, appelée "Convention de Vienne".
En définitive, sur les 220 tonnes qu'elle avait la possibilité d'obtenir sur appel, la défenderesse n'a commandé que 108,36 tonnes, au prix convenu de 704 DM la tonne. Toute la marchandise commandée a été livrée par la demanderesse à la défenderesse.
Le décompte entre parties s'établit comme il suit:
[...]
Les factures établies par la demanderesse étaient payables à trente jours à compter de la date de la facture.
Le 18 mai 1992, la demanderesse a adressé un premier rappel à la défenderesse, l'invitant à payer immédiatement la somme de DM 76'285.44. Un deuxième rappel identique a été envoyé le 26 juin 1992. Par télécopie du 8 juillet 1992, la demanderesse a invité une nouvelle fois la défenderesse à verser immédiatement la somme de DM 76'285.44.
La demanderesse a encore adressé un rappel à la défenderesse le 26 août 1992, en ajoutant des intérêts à 11 % l'an dés l'échéance, soit DM 2'979.-.
Le 4 janvier 1992 (recte: 1993, le conseil zurichois de la demanderesse a adressé à la défenderesse un courrier dont le contenu est le suivant (traduction de l'allemand par la demanderesse):
"La société à responsabilité limitée H. à V. nous a confié la défense de ses intérêts. Notre cliente vous a livré à plusieurs reprises en 1992 de la terre glaise, conformément à votre commande, que vous n'avez pas encore payée à ce jour, en dépit de la facturation et de plusieurs rappels. Il est constant que les livraisons sont intervenues conformément au contrat. Votre refus de paiement semble être sans aucune relation avec un grief quelconque en ce qui concerne ces livraisons, mais est plutôt motivé par des prétentions que vous entendriez faire valoir à l'égard d'un tiers, la maison A. Cependant, vous n'avez aucun droit de retenir ces montants ou d'exercer la compensation à l'égard de notre cliente, dès lors que cette dernière et la maison A. précitée constituent deux entreprises séparées. Dés lors qu'il n'y a aucune raison que vous ne payez (sic) pas la marchandise qui vous a été livrée par ma cliente, nous vous mettons en demeure par la présente de verser le montant total de la facture de DM 76'285.44 d'ici au 15 janvier 1993 au plus tard sur notre compte n° PO-426.296.0 auprès de la SBS, Paradelplatz, à 8010 Zurich, faute de quoi nous nous verrons contraints de recommander à notre cliente des mesures judiciaires."
Par télécopie du 9 juin 1993, le conseil de la demanderesse a donné à la défenderesse une dernière occasion de régler l'affaire à l'amiable, par le paiement d'acomptes mensuels.
4. Les livraisons faites à la défenderesse n'ont fait l'objet d'aucune réclamation de la part de celle-ci. A ce jour, la défenderesse ne lui a toujours pas payé, ni totalement ni en partie, le montant des factures précitées.
Quant à elle, la défenderesse allègue, sans l'établir, que la demanderesse est entièrement ou, à tout le moins, majoritairement en mains de H. et que cette société ne l'a jamais dédommagée pour la communication de son expérience. Pour les motifs exposés sous chiffre I ci-dessus, la cour ne retiendra pas les témoignages de P. R. et D. S., dont les déclarations ne sont corroborées par aucun élément du dossier.
La demanderesse allègue n'avoir en revanche aucun contrat avec H. et fait valoir que les documents produits par la défenderesse avec sa réponse ne la mentionnent d'aucune manière.
5. a) En cours d'instance, une expertise technique a été confiée à A. M. E., ingénieur physicien EPFL, qui a déposé son rapport le 14 mars 1995. Il ressort notamment des constatations et conclusions de cet expert qu'il existait un service de conseil, rendu par la défenderesse à l'usine d'A., sous la forme de communications écrites, de discussions, de visites sur place, l'ensemble constituant un conseil régulier, détaillé et constant, au moins durant les années 1990 et l991. Le conseil fourni par la défenderesse portait spécifiquement sur l'alumine tabulaire, l'alumine réactive, l'alumine de polissage, les billes de broyage et les produits destinés à la production de ciments alumineux. L'expert en conclut que la défenderesse a notamment communiqué son savoir-faire dans toutes ces matières.
b) Une expertise comptable a par ailleurs été confiée à J.-P. K. et B. F., de la S. F. S. C. & I. SA, qui ont déposé leur rapport le 7 août 1995. Ces experts concluent que les conseils et l'assistance prodigués au cours des années 1990 et 1991 par la défenderesse au groupe H. sont largement supérieurs à l'équivalent en francs suisses de DM 76'285.44, avec intéréts à 11 % l'an dès le 25 avril 1992. Ils considèrent qu' une grande partie des investissements et des dépenses ont été supportés et pris en charge par la défenderesse, de sorte que le préjudice subi par celle-ci vis-à-vis du groupe H. est plus important que le montant de la créance.
6. Par demande du 17 juin 1993, H. H. mbH a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il plaise à la Cour civile du Tribunal cantonal prononcer que A. SA lui doit paiement immédiat de la somme de DM 76'285.44, avec intérêt à 11 % l'an dès le 25 avril 1992.
Dans sa réponse du 11 octobre 1993, la défenderesse a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions de la demande. Elle invoque expressément la compensation.
E n d r o i t:
I. a) Les parties admettent que le contrat qui les lie est régi par la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 (Convention de Vienne, RS 0.221.211.1), entrée en vigueur pour la Suisse le 1er mars 1991 et pour l'Autriche le 1er janvier 1989.
b) La Convention de Vienne (ci-après: CV) ne donne aucune définition du contrat de vente, qui doit être compris dans son sens classique, savoir qu'une partie s'oblige à livrer et transférer à l'autre partie la propriété d'une chose contre paiement d'un prix (cf. art. 30 et 53 CV). L'article 62 CV permet au vendeur d'exiger de l'acheteur notamment le paiement du prix (Neumayer/ Ming, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, Commentaire, CEDIDAC 24, Lausanne 1993, p. 395).
En l'espèce, la demanderesse a exécuté son obligation de livrer la marchandise vendue et la défenderesse n'a formulé aucune réclamation quant à la qualité ou au prix des marchandise livrée. La défenderesse doit ainsi payer à la demanderesse le prix de vente exigible à la livraison (art. 53, 58 et 59 CV), soit la somme de DM 76'285.44. Il n'y a en effet pas d'obstacle à adjuger une prétention formulée en une monnaie étrangère (JT 1993 III 79; JT 1979 III 7S, avec note de J.-F. Poudret; JT 1974 III 128).
c) Sur ce montant de DM 76'285.44, la demanderesse prétend un intérêt de 11 % l'an dès le 25 avril 1992.
L'article 78 CV arrête le principe des intérêts moratoires en cas de demeure de l'acheteur quant au versement du prix de vente. La convention ne règle en revanche ni leur taux, ni leur point de départ, qu'il convient de déterminer selon le droit national applicable (Stoffel, Le droit applicable aux contrats de vente internationale de marchandises, in Les contrats de vente internationale de marchandises, CEDIDAC 20, Lausanne 1991, pp. 39-40; Neumayer/ Ming, op. cit., pp. 511 ss).
La seule prestation litigieuse en l'espèce est celle de l'acheteuse, qui a son siège en Suisse. Il est ainsi adéquat de se référer au taux pratiqué au lieu d'établissement du débiteur (Neumayer/ Ming, op. cit., p. 514). Dans ces conditions, et le droit autrichien n'étant pas invoqué, il y a lieu d'appliquer le droit suisse. Le taux d'intérêt doit ainsi être fixé au taux légal suisse de 5 % l'an (art. 104 al. 1ler CO).
d) S'agissant du point de départ de l'intérêt moratoire, la demanderesse le fixe à trente jours après la date de la dernière facture, payable, comme les précédentes, à trente jours.
La Convention de Vienne contient une règle concernant le principe des intérêts et des dommages-intérêts en cas de contravention au contrat (art. 74 et 78 CV), au regard de laquelle la réparation est due dès la survenance du dommage ou de la contravention. L'obligation de payer des intérêts ne dépend ainsi pas de ce que la partie en défaut ait été mise en demeure; il suffit que le montant n'ait pas été payé à la date d'échéance (Weber, Vertragsverletzungsfolgen, in Wiener Kaufrecht, Berne 1991, p. 208). D'autres auteurs s'expriment dans le même sens (Wiegand, Die Pflichten des Käufers und die Folgen ihrer Verletzung, in Wiener Kaufrecht, déjà cité, p. 156; Tercier, Les contrats spéciaux, 2ème éd., 1995, p. 161, n. 1286).
En l'espèce, il convient d'allouer à la demanderesse l'intérêt dès lendemain de l'échéance de la dernière facture, soit dés le 25 avril 1992.
II. La défenderesse allègue avoir communiqué son savoir-faire à H. de septembre 1989 à février 1992 et n'avoir jamais été dédommagée pour cela. Elle oppose en compensation cette contre-prétention.
a) Si la Convention de Vienne n'exclut pas la compensation (Neumayer/ Ming, op. cit., p. 38), elle ne dit toutefois rien de ce mode d'extinction de la dette de l'acheteur. La défenderesse invoque le droit suisse, qu'il est adéquat d'appliquer en l'espèce pour les motifs exposés plus haut.
L'article 120 alinea 1er CO prévoit que lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espéce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles.
La compensation suppose ainsi notamment l'identité et la réciprocité des sujets des obligations; il faut une identité juridique et non seulement économique (Engel, Traité des obligations en droit suisse, 1973, p. 453). Il n'y a ainsi pas de compensation pour le débiteur d'une société anonyme unipersonnelle avec la créance qu'il a contre l'actionnaire unique, abus de droit réservé (voir aussi Gauch/ Schluep/ Tercier, Partie générale du droit des obligations, II, 2ème éd., 1982, p. 136; ATF 85 II 111, JT 1960 I 19).
En l'espèce, il est manifeste que la demanderesse H. H. mbH n'est pas identique à la société H., à l'égard de laquelle la défenderesse soutient avoir des prétentions.
Or, l'assimilation de deux entités juridiquement distinctes en raison de leurs liens économiques aux fins de les considérer comme identiques pour appliquer l'article 120 CO au bénéfice d'un "Durchgriff" est subordonnée à des conditions strictes (Peter, in Honsell/ Vogt/ Wiegand, Obligationenrecht I, Kommentar, ad art. 120, n. 16, p. 699).
Ainsi, l'autonomie juridique d'une société à actionnaire unique n'est exceptionnellement pas prise en considération lorsque le fait d'invoquer la diversité des sujets juridiques constitue un abus de droit, est contraire aux règles de la bonne foi en affaires, ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes (art. 2 CC). La "transparence" (levée du voile social, Durchgriff, piercing of the corporate veil) ne peut intervenir qu'en présence d'un contrôle absolu par l'actionnaire dominant et d'un abus de droit (Hovagemyan, Transparence et réalité économique des sociétés, CEDIDAC 30, Lausanne, 1994, p. 25, ch. 8 et p. 26, ch. 11).
L'efficacité de cette notion de transparence, fondée sur les règles de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, a été dégagée particulièrement à l'égard de sociétés par actions, de façon à faire valoir aussi contre l'actionnaire principal ou unique une prétention dirigée contre la société (Forstmoser/ Meier-Hayoz/ Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, 1996, pp. 964 ss, spéc., p. 968, n. 76). Cette notion n'a cependant pas de portée générale en droit suisse (Böckli, Schweizer Aktienrecht, 2ème éd., 1996, p. 579, n. 1181a ss).
Quant au Tribunal fédéral, il a considéré que le fait qu' une société soit affiliée à un groupe dominé par une autre société n'entraîne pas à lui seul une responsabilité de la société mère pour les actes de la filiale. Pour que les articles 55 et 101 CO s'appliquent, un lien de dépendance entre les deux sociétés ne suffit pas; il faut encore que la filiale soit tenue en vertu d'un contrat de donner suite aux ordres et instructions de la société mère. Même si elle est membre d'un groupe, une société indépendante reste gérée par sa propre administration, qui porte seule la responsabilité de conduire les affaires, de sorte que la théorie de la transparence ("Durchgriff") est sans portée à cet égard (TF, 11 juin 1992, Revue suisse du droit des affaires, 1993, p. 308, r137; SJ 1992, p. 627).
Dans un domaine voisin, les déclarations publicitaires d'une société mère aux clients d'une filiale peuvent engager la société mère à l'égard de ceux-ci, par une référence analogique à la culpa in contrahendo (ATF 120 II 331, JT 1995 I 359).
Il peut au demeurant être relevé que, dans le domaine des groupes de sociétés, il est courant d'introduire contractuellement des "clauses de compensation" de façon que la personne du groupe liée par la convention ait le droit d'invoquer la compensation en dépit de l'absence de réciprocité (Gauch/ Schluep/ Tercier, op. cit., p. 137, n. 1990).
Que cette clause soit introduite dans des contrats souligne qu'à son défaut, l'identité et la réciprocité des sujets des obligations n'existe pas.
Au vu des considérations ci-dessus, il n'y a pas lieu d'examiner si la théorie de la transparence peut aussi être appliquée lorsque l'une des entités considérées est, comme en l'espèce, une société à responsabilité limitée, soit une société hybride, mêlant des caractères de société de capitaux et de société de personnes.
b) En l'espèce, la demanderesse et H. sont deux entités juridiquement distinctes, qui ont leurs sièges dans des Etats différents; leurs organes ne sont pas identiques même si, comme l'allegue la défenderesse, certaines personnes ont pu passer d'un organe de l'une à celui de l'autre. Il n'est pas établi non plus qu'H. ait eu une participation majoritaire au sein de la demanderesse depuis la création de celle-ci en 1983.
La défenderesse a traité clairement avec la demanderesse après s'être adressée en premier lieu à A. A. P. Son attention a ainsi été attirée sur le fait que la demanderesse était une société distincte, ce que mettait en évidence le fait que son siège était dans un autre pays que la H. Au vu de la télécopie reçue le 20 janvier 1992, la défenderesse n'avait ainsi pas de raison de considérer qu'elle passait commande à une autre société qu'H. H. mbH, à V. A cette date, la défenderesse avait déjà, au moins pour l'essentiel, accompli en Hongrie les prestations d'assistance et de conseil au bénéfice d', dont elle se prévaut dans la procédure.
En définitive, si l'existence de liens entre la demanderesse et H. est établie, leur nature précise n'est pas claire. Même si les allégations de la défenderesse avaient pu être retenues, ces faits ne sont pas de nature à permettre d'assimiler H. à H., en imputant la dette de la seconde à la première.
c) Il n'existe au surplus aucun élément qui porte à considérer que la conclusion du contrat avec la demanderesse aurait été induite de manière dolosive, voire que l'allégation d'indépendance des sociétés en cause procéderait d'un abus de droit. Il n'est pas établi ni même allégué que la société demanderesse aurait été instituée comme une société écran pour préserver frauduleusement H. ou d'autres corporations en H. Une telle considération ne peut être tirée de la seule formulation de la télécopie d'A. A. P., du 20 janvier 1992.
La théorie de la transparence ne saurait ainsi permettre à la défenderesse d'opposer la compensation à la prétention de la demanderesse.
Il n'y a, de surcroît, pas d'élément indiquant que la dette contractée par H. envers la défenderesse aurait été reprise par la demanderesse.
Sous cet angle, la contre-prétention opposée par la défenderesse n'est donc pas fondée non plus.
III. A titre subsidiaire, la défenderesse invoque l'article 423 CO, soit l'action en restitution du gain dans le cadre de la gestion d'affaires imparfaite. L'activité de la demanderesse consistant à vendre des produits alumineux fabriqués par H. grâce au savoir-faire transmis par la défenderesse, cette dernière, en tant que maître, serait fondée à exiger la restitution du gain réalisé par la demanderesse comme gérante.
L'action en restitution de gain envisagée suppose des liens directs entre les parties (cf. Weniger, La protection des secrets économiques et du savoir-faire, thèse Lausanne, 1994, pp. 271-272). Or, pour les motifs examinés plus haut, il ne peut être opposé à la demanderesse, en Autriche, des profits dont a bénéficié H., en H, alors que la transmission de ces profits de celle-ci à celle-là n'est pas établie.
La contre-prétention de la défenderesse n'est donc pas fondée non plus sous cet angle.
IV. La défenderesse invoque enfin la loi contre la concurrence déloyale (ci-après: LCD).
Aux termes de l'article 5 lettre b LCD, agit de façon déloyale notamment celui qui exploite du travail d'un tiers, bien qu'il sache que ce résultat lui a été remis ou rendu accessible de façon indue.
A nouveau, la défenderesse se prévaut de ce que la demanderesse peut se voir imputer l'enrichissement procuré à H. Or, comme cela a déjà été vu, H. doit être considérée comme tiers. Il n'y a, de surcroît, pas d'élément de fait qui permette de constater que la demanderesse elle-même bénéficierait dudit enrichissement.
Ce moyen n'est ainsi pas fondé non plus.
V. La demanderesse, qui obtient entièrement gain de cause, a droit à de pleins dépens (art. 92 al. 1er CPC), qu'il convient de fixer à 8'950 fr., savoir:
a) 7'000 fr. à titre de participation aux honoraires de son conseil;
b) 200 fr. pour les débours de celui-ci;
c) 1'750 fr. en remboursement de son coupon de justice.
Par ces motifs,
la Cour civile,
statuant à huis clos
en application de l'article 318a CPC,
p r o n o n c e:
I.- La défenderesse A. SA doit payer à la demanderesse H. H. mbH la somme de DM 76'285.44 (septante-six mille deux cents huitante-cinq marks allemands et quàrante-quatre pfennigs), avec intérêt à 5 % l'an dès le 25 avril 1992.
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Source
Source:
- Dr. Monique Jametti Greiner, Office fédéral de la justice, Berne, Switzerland
Original in French:
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