Data
- Date:
- 11-03-1996
- Country:
- Switzerland
- Number:
- 01 93 1061
- Court:
- Tribunal Cantonal de Vaud
- Parties:
- H. v. A.
Keywords
SET-OFF - MATTER EXCLUDED FROM SCOPE OF CISG (ART. 4 CISG)- DOMESTIC LAW APPLICABLE
BUYER'S OBLIGATION (ART. 53 CISG) - PAYMENT OF PRICE
INTEREST (ART. 78 CISG) - INTEREST RATE - STATUTORY RATE IN THE BUYER'S COUNTRY - ACCRUAL - NO NEED FOR FORMAL REQUEST BY THE SELLER
Abstract
A Hungarian seller and a Swiss buyer concluded four contracts for the sale of aluminum and agreed that payment was to be made within 30 days from the date of each invoice. All the goods were delivered, but the buyer refused to pay the purchase price. The seller claimed payment of the price plus interest. The buyer counter-claimed set-off alleging credits it had with another company which it considered as being part of the seller's group.
The court held that the contract was governed by CISG according to Art. 1(1)(a) and the buyer had breached its obligation to pay the price (Arts. 53 and 59 CISG). The seller was therefore entitled to seek payment thereof (Art. 62 CISG).
The seller was also awarded the interest (Art. 78 CISG) accruing from the expiration of the period of time for payment of the price agreed by the parties. The court observed that according to Art. 78 CISG, the obligation to pay interest for the delay in payment of the price is not subject to a formal request by the seller. Since CISG does not determine the interest rate, the court held that the rate was to be determined in accordance with the domestic law of the buyer's country (Switzerland) as the buyer's obligation was the only disputed performance in the case at hand.
As to the buyer's claim for set-off, the court held that the issue was governed by Swiss law since CISG does not contain any rule on this question.
Fulltext
[...]
E n f a i t:
1. La demanderesse H. est une société à responsabilité limitée pour le commerce, avec siège à Budapest, dont le domaine d'activité, très étendu, comprend notamment le commerce en gros de marchandises de toutes sortes. Son nom raccourci est "H.", respectivement "Aluker". En anglais, sa raison sociale est "H. T. L. L. C.".
La défenderesse A. SA est une société anonyme dont le siège est à L.
Ont notamment été entendus comme témoins D. S., directeur de la défenderesse jusqu'en 1993, époux de l'administratrice de cette société, qui a participé à l'élaboration de la procédure, et P. R., directeur technique de la défenderesse. Eu égard aux liens étroits de ces témoins avec l'une des parties en cause, la cour ne prendra en considération leurs dépositions que dans la mesure où d'autres éléments du dossier confirment leurs témoignages, à moins qu'il ne s'agisse de faits d'une portée tout à fait générale, sans incidence sur la solution du litige.
C'est avec la même circonspection que la cour appréciera le témoignage de C. S., chef de bureau dans l'une des sociétés du groupe H.
2. A l'époque où la Hongrie se trouvait derrière le "rideau de fer", soit avant 1989, la production d'aluminium du pays était dominée par l'Etat, par l'intermédiaire d'une société étatique dénommee H. Cette société disposait de plusieurs centres de production, dont chacun était exploité par une société en mains d'H. Tel était le cas de la société A. A. P.
Pour ses ventes à l'étranger, le groupe H. a utilisé les services de la demanderesse ou ceux d'H. H. mbH, à V., en Autriche.
La défenderesse s'occupe du commerce de produits d'alumine. Elle détient également une connaissance en matière de fabrication de produits d'alumine, raison pour laquelle elle est entrée en relation d'affaires avec le groupe H. et ses filiales.
Le 17 novembre 1989, H., soit H. A. C., et C. AG, société avec siège en Suisse, ont conclu une convention ayant pour but de développer une collaboration s'agissant de la production et du marketing relatifs aux produits d'alumine. Cerapul devait mettre à disposition son savoir-faire en la matière afin notamment d'augmenter le volume de production et d'améliorer la qualité des produits. Cette coopération devait notamment bénéficier à la société A. P.
Le 21 février l990, la défenderesse a conclu un contrat de collaboration avec C. T. AG, dont l'activité consiste à acheter des matières premières et à vendre des produits finis provenant notamment de l'usine d'A. Aux termes de ce contrat, la défenderesse s'est notamment engagée à organiser et développer le secteur de la vente de sa cocontractante, soit à engager, former et superviser le personnel de vente. En contrepartie, la défenderesse recevait un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par C. La défenderesse allègue - sans l'établir toutefois dès lors que le témoignage de D. S. et P. R. n'est pas déterminant pour les raisons déjà exposées - que ce contrat devait permettre à C. de remplir les obligations qu'elle avait contractées à l'égard du groupe E.
La défenderesse allègue - sans que ce fait ne soit non plus prouvé - que C. aurait ensuite cédé ses droits découlant des deux contrats précités à L. F. I., à N.
Le 23 octobre 1991, L. F. I. a mis fin au contrat conclu avec la défenderesse et deux consorts le 7 janvier 1991 pour ce qui touche à la transmission d'expertise ensuite de l'abandon du projet en Hongrie.
3. a) Le 5 juillet 1991, la défenderesse a commandé par écrit à la demanderesse 44 tonnes de marchandises au prix de DM 626 la tonne, payables dans les trente jours dès la date de la facture. Le 15 juillet 1991, la demanderesse a confirmé cette commande pour un prix de DM 704 par tonne et une livraison autour du 25 juillet 1991. Cette commande a fait l'objet d'une facture de DM 30'634.83, du 29 novembre 1991, date de la livraison.
Le 15 juillet 1991, la défenderesse a commandé par écrit à la demanderesse 110 tonnes de marchandises au prix de DM 704 la tonne, payables dans les trente jours dès la date de la facture. Le 12 août 1991, la demanderesse a confirmé la commande en invitant la défenderesse à payer une avance de DM 11'000, la marchandise étant prête à étre livrée.
Le 23 septembre 1991, la défenderesse a commandé par écrit à la demanderesse 154 tonnes de marchandises au prix de DM 704 la tonne, payables dans les trente jours dès la date de la facture. La demanderesse a confirmé cette commande le 11 octobre 1991, en invitant la défenderesse à s'acquitter d'une avance de DM 15'400.
Les 28 novembre, 4, 5 et 18 décembre 1991, la demanderesse a livré de la marchandise à la defenderesse, avec des factures datées des jours respectifs de livraison, pour des montants de DM 15'302.08, DM 15'375.32, DM 15'375.32 et DM 14'606.55.
Ces livraisons étaient conformes aux commandes quant à la quantité, à la qualité, aux délais de livraison et au prix et la défenderesse n'a émis aucune réclamation à ce sujet.
b) Le 17 février 1992, la défenderesse a adressé à la demanderesse une télécopie dont le contenu est le suivant (traduction de l'allemand par la demanderesse
"Nous avons tenté de vous atteindre pour solliciter votre appui. Nous sommes un peu en retard pour nos derniers paiements, en raison surtout de l'incertitude en ce qui concerne la continuation de divers projets et principalement aussi vu que nous avons investi beaucoup d'argent pour le développement de corps broyeurs et la vente d'alumine. Nous avons demandé des éclaircissements à H. et à A. et n'avons pas reçu jusqu'à ce jour de réponse satisfaisante.
Nous vous proposons de vous verser immédiatement DM 50'000.- et le solde au début du mois de mars. Nous espérons que vous êtes d'accord avec notre proposition et que la production des 200 tonnes suivantes pourra être continuée.
Pour votre information, nous joignons photocopie de l'échange de correspondance avec H. et A.''
A son tour, la demanderesse a adressé à la défenderesse le 2 juin 1992 une télécopie dont les termes sont les suivants (traduction de l'allemand par la demanderesse):
"C'est avec surprise que nous avons constaté que vous n'avez pas encore payé à ce jour nos factures n° 0082/ 009, 010, 011, 012, en dépit de votre acceptation écrite du 17 février 1992.
C'est vous personnellement qui avez proposé dans ce téléfax de régler immédiatement DM 50'000.- et le solde au début du mois de mars. Vous avez réglé DM 48'383.25 pour nos factures 0082/ 007 et 008 au mois de mars, mais les autres factures précitées sont encore en suspens jusqu'à aujourd'hui. Nous espérons que vous nous communiquerez de manière précise quand vous payerez la somme de DM 61'010.31. Nous espérons en outre que les relations entre votre société et la nôtre demeureront sans anicroche et que nous ne serons pas contraints de prendre d'autres mesures."
Le 22 juin 1992, la demanderesse a adressé à la défenderesse la télécopie suivante (traduction de l'allemand par la demanderesse):
''Notre lettre du 2 juin 1992 est demeurée sans réponse. En dépit de notre mise en demeure, vous n'avez pas payé les factures n° 0082/ 009, 010, 011 et 012.
Veuillez considérer notre lettre comme un deuxième rappel. Nous vous accordons encore un délai jusqu'au 15 juillet 1992 pour nous verser DM 1'010.31 (recte: 61'010.31). Faute de paiement d'ici-là, nous serons contraints de régler cette affaire par la voie juridique."
Le 2 septembre 1992, le conseil hongrois de la demanderesse a adressé un nouveau rappel à la défenderesse, en menaçant celle-ci d'un procès si elle ne payait pas.
Par télécopie du 8 septembre 1992, la défenderesse a répondu au conseil précité en ces termes (traduction de l'allemand par la demanderesse):
"En réponse à votre lettre, vous trouverez en annexe une copie de notre lettre recommandée à A., filiale de H., ainsi que de notre facture n° 00188 constituant notre prétention à l'égard de H.
Après paiement de notre facture, nous vous réglerons immédiatement les montants mentionnés dans votre lettre.''
Le 15 octobre 1992, le conseil hongrois de la demanderesse s'est adressée en ces termes à la défenderesse (traduction de l'allemand par la demanderesse):
"Concerne: créance de DM 61'010.31 de H.
Cher Monsieur S.,
En relation avec votre téléfax du 8 septembre 1992, je vous communique ce qui suit:
Vous avez commandé le 15 juillet 1991 à H. (n° de commande : 910705 et 910715) 154 tonnes au total de granules d'aluminium. H. a confirmé ces commandes et vous a livré la marchandise. Le contrat de vente a donc été conclu entre A. et H. (anglais: H. T. Co. Ltd.). A ce jour, vous n'avez pas payé le prix de vente de DM 61'010.31.
Dans votre fax, vous vous référez à votre créance à l'égard de H., alors pourtant qu'il résulte de la lettre annexée que ladite créance concerne A. J'attire votre attention sur le fait qu'A. et H. constituent deux personnes juridiques indépendantes, qui ne sont pas responsables des créances et des dettes de l'autre.
En conséquence, nous ne pouvons accepter que vous invoquiez le refus de payer voter prétendue créance à l'égard d'A., dont nous ne connaissons ni la légitimité, ni le contenu, puisque cette prétention s'exerce contre une société qui est juridiquement totalement distincte de H. Au cas où vous entendez réclamer un montant à A., vous devez vous adresser directement à A., H. n'ayant rien à voir avec cela.
C'est la raison pour laquelle nous vous sommons de verser la somme susmentionnée à H. dans les huit jours dès réception de notre lettre, faute de quoi nous ferons valoir par la voie judiciaire la créance de H. à votre égard."
Le décompte entre parties s'établit comme il suit:
[...]
4. Durant les années 1990 et 1991 à tout le moins, la défenderesse a rendu un service de conseil à l'usine d'A., sous forme de communications écrites, de discussions, de visites sur place, l'ensemble constituant un conseil régulier, détaillé et constant. La défenderesse a ainsi communiqué son savoir-faire en matière d'alumine tabulaire, d'alumine réactive, d'alumine de polissage, de billes de broyage et de produits destinés à la production de ciments alumineux. Les prétentions de la défenderesse à l'égard du groupe H. pour les conseils et l'assistance prodigués au cours des années 1990 et 1991 sont largement supérieures à l'équivalent de la créance de la demanderesse dans la présente procédure.
Cela étant, la lettre recommandée que la défenderesse a envoyée le 14 juillet 1992 à A., avec une facture du même jour, ne s'adressent pas formellement à la demanderesse, qui a une personnalité juridique distincte, autre que l'entité A., même si celle-ci fait partie du groupe H.
La défenderesse allegue, sans l'établir, que la demanderesse est entièrement ou, à tout le moins, majoritairement en mains du groupe H. et qu'elle ne l'a jamais dédommagée pour la communication de son expérience. Pour les motifs exposés sous chiffre 1 ci-dessus, la cour ne retiendra pas les témoignages de P. R. et D. S., dont les dépositions ne sont corroborées par aucun élément du dossier.
Il en va de même de l'allégation de la défenderesse selon laquelle H. serait également entièrement ou majoritairement en mains du groupe H. Il convient de préciser à cet égard que la désignation allemande de "H., Société anonyme de l'industrie hongroise de l'aluminium" est "H. A. A.", et non, comme l'allègue la défenderesse, "U. A. ", le témoignage de D. S. et de P. R. ne pouvant être retenu sur ce point dans la mesure où il est en contradiction avec une pièce du dossier. C'est G. M. qui a signé le procès-verbal de l'assemblée générale du 2 juillet 1990 de H. H. mbH en qualité de mandataire de "U A", les témoignages des personnes précitées n'étant pas retenus non plus pour le surplus sur ce point pour les motifs déjà exposés, ni s'agissant de l'allégation selon laquelle le même M. serait actuellement directeur général chez H. H. mbH.
La demanderesse, à Budapest, H. H. mbH, à V., H. S. anonyme de l'industrie hongroise de l'aluminium, à Budapest également, et A. A. P., dite en abrégé A. à A., sont des sociétés juridiques distinctes.
Le litige entre les parties au procès a trait à une livraison de marchandises et il n'est pas établi que la demanderesse serait concernée par d'autres litiges que la défenderesse aurait avec les trois autres sociétés précitées, ni que la demanderesse soit la propriétaire économique de ces trois autres sociétés.
La demanderesse s'occupe en effet de commercialisation de produits et il n'est pas établi que cette activité implique des connaissances en matière de fabrication, ni qu'elle ait reçu savoir-faire, assistance ou conseils pour la fabrication de certains produits en aluminium.
5. Par demande du 23 septembre 1993, H., Société à responsabilité limitée pour le commerce, a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il plaise à la Cour civile du Tribunal cantonal prononcer que A. SA lui doit paiement immédiat de la somme de DM 61'010.31, avec intérêt à 11 % l'an dès le 18 janvier 1992.
Dans sa réponse du 7 décembre 1993, la défenderesse a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions de la demande. Elle invoque expressément la compensation.
E n d r o i t:
I. a) La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de. marchandises du 11 avril 1980 (Convention de Vienne, RS 0.221.211.1) est entrée en vigueur pour la Suisse le 1er mars 1991 et pour la Hongrie le 1er janvier 1988.
La Convention de Vienne (ci-après: CV) s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents, notamment lorsque ces Etats sont des Etats contractants (art. 1 al. 1 litt. a CV).
La demanderesse, établie en Hongrie, réclame le paiement du prix des marchandises dont la défenderesse, en Suisse, a pris livraison et qu'elle n'a pas payées. Il s'agit ainsi d'une vente internationale de marchandises régie par la Convention de Vienne.
Les parties n'ont au demeurant pas exclu l'application de la Convention de Vienne (cf. art. 6 CV).
b) La Convention de Vienne ne donne aucune définition du contrat de vente, qui doit être compris dans son sens classique, savoir qu'une partie s'oblige à livrer et transférer à l'autre partie la propriété d'une chose contre paiement d'un prix (cf. art. 30 et 53 CV). L'article 62 CV permet au vendeur d'exiger de l'acheteur notamment le paiement du prix (Neumayer/ Ming, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, Commentaire, CEDIDAC 24, Lausanne 1993, p 395).
En l'espèce, la demanderesse a exécuté son obligation de livrer la marchandise vendue et la défenderesse n'a formulé aucune réclamation quant à la qualité ou au prix des marchandise livrée. La défenderesse doit ainsi payer à la demanderesse le prix de vente exigible à la livraison (art. 53, 58 et 59 CV).
La demanderesse a conclu au paiement de DM 61'010.31, correspondant aux factures n° 0082/ 009, 0082/ 010, 0082/ 011, 0082/ 012, ainsi qu'au solde de la facture n° 0082/ 008. S'agissant de cette dernière, il est établi que la défenderesse a payé DM 48'383.25 pour ladite facture ainsi que pour une précédente, portant le n° 0082/ 007, dont le montant n'est pas connu. Il n'est ainsi pas établi qu'il existe un solde impayé sur la facture n° 0082/ 008, ni, cas échéant, que ce solde représente DM 351.04. Il convient dès lors de retrancher toute prétention relative à la facture en question et de ramener la prétention de la demanderesse, qui porte ainsi sur les autres factures, à un montant de DM 60'659.27.
Ce montant doit être alloué. Il n'y a en effet pas d'obstacle à adjuger une prétention formulée en une monnaie étrangère (JT 1993 III 79; JT 1979 III 75, avec note de J.-F. Poudret; JT 1974 III 128).
c) Sur ce montant de DM 60'659.27, la demanderesse prétend à un intérêt de 11 % l'an dès le 18 janvier 1992.
L'article 78 CV arrête le principe des intérêts moratoires en cas de demeure de l'acheteur quant au versement du prix de vente. La convention ne règle en revanche ni leur taux, ni leur point de départ, qu'il convient de déterminer selon le droit national applicable (Stoffel, Le droit applicable aux contrats de vente internationale de marchandises, in Les contrats de vente internationale de marchandises, CEDIDAC 20, Lausanne 1991, pp. 39-40; Neumayer/ Ming, op cit., pp. 511 ss).
La seule prestation litigieuse en l'espèce est celle de l'acheteuse, qui a son siège en Suisse. Il est ainsi adéquat de se référer au taux pratiqué au lieu d'établissement du débiteur (Neumayer/ Ming, op. cit., p. 514). Dans ces conditions, et le droit hongrois n'étant pas invoqué, il y a lieu d'appliquer le droit suisse. Le taux d'intérêt doit ainsi être fixé au taux légal suisse de 5 % l'an (art. 104 al.1er CO).
d) S'agissant du point de départ de l'intérêt moratoire, la demanderesse le fixe à trente jours après la date de la dernière facture, payable, comme les précédentes, à trente jours.
La Convention de Vienne contient une règle concernant le principe des intérêts et des dommages-intérêts en cas de contravention au contrat (art. 74 et 78 CV), au regard de laquelle la réparation est due dès la survenance du dommage ou de la contravention. L'obligation de payer des intérêts ne dépend ainsi pas de ce que la partie en défaut ait été mise en demeure; il suffit que le montant n'ait pas été payé à la date d'échéance (Weber, Vertragsverletzungsfolgen, in Wiener Kaufrecht, Berne 1991, p 208). D'autres auteurs s'expriment dans le même sens (Wiegand, Die Pflichten des Käufers und die Folgen ihrer Verletzung, in Wiener Kaufrecht, déjà cité, p. 156; Tercier, Les contrats spéciaux, 2ème éd., 1995, p. 161, n. 1286).
En l'espèce, il convient d'allouer à la demanderesse l'intérêt dès le lendemain de l'échéance de la dernière facture, soit dés le 18 janvier 1992.
II. La défenderesse allègue avoir communiqué son savoir-faire au groupe H. de septembre 1989 à février 1992 et n'avoir jamais été dédommagée pour cela. Elle oppose en compensation cette contre-prétention.
a) Si la Convention de Vienne n'exclut pas la compensation (Neumayer/ Ming, op. cit., p. 38), elle ne dit toutefois rien de ce mode d'extinction de la dette de l'acheteur. La défenderesse invoque le droit suisse, qu'il est adéquat d'appliquer en l'espéce pour les motifs exposés plus haut.
L'article 120 alinéa ler CO prévoit que lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles.
La compensation suppose ainsi notamment 1'identité et la réciprocité des sujets des obligations; il faut une identité juridique et non seulement économique (Engel, Traité des obligations en droit suisse, 1973, p. 453). Il n'y a ainsi pas de compensation pour le débiteur d'une société anonyme unipersonnelle avec la créance qu'il a contre l'actionnaire unique, abus de droit réservé (voir aussi Gauch/ Schluep/ Tercier, Partie générale du droit des obligations, II, 2ème éd., 1982, p. 136; ATE 85 II 111, JT 1960 I 19).
En l'espèce, il est manifeste que la demanderesse H., Société à responsabilité limitée pour le commerce, n'est pas identique au groupe H., à l'égard duquel la défenderesse soutient avoir des prétentions.
Or, l'assimilation de deux entités juridiquement distinctes en raison de leurs liens économiques aux fins de les considérer comme identiques pour appliquer l'article 120 CO au bénéfice d'un "Durchgriff" est subordonnée à des conditions strictes (Peter, in Honsell/ Vogt/ Wiegand, Obligationenrecht I, Kommentar, ad art. 120, n. 16, p. 699).
Ainsi, l'autonomie juridique d'une société à actionnaire unique n'est exceptionnellement pas prise en considération lorsque le fait d'invoquer la diversité des sujets juridiques constitue un abus de droit, est contraire aux règles de la bonne foi en affaires, ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes (art. 2 CC). La "transparence" (levée du voile social, Durchgriff, piercing of the corporate veil) ne peut intervenir qu'en présence d'un contrôle absolu par l'actionnaire dominant et d'un abus de droit (Hovagemyan, Transparence et réalité économique des sociétés, CEDIDAC 30, Lausanne, 1994, p. 25, ch. 8 et p. 26, ch. 11).
L'efficacité de cette notion de transparence, fondée sur les règles de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, a été dégagée particulièrement à l'égard de sociétés par actions, de facon à faire valoir aussi contre l'actionnaire principal ou unique une prétention dirigée contre la société (Forstmoser/ Meier-Hayoz/ Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, 1996, pp. 964 ss, spéc., p. 968, n. 76). Cette notion n'a cependant pas de portée générale en droit suisse (Böckli, Schweizer Aktienrecht, 2ème éd., 1996, p. 579, n. 1181a ss).
Quant au Tribunal fédéral, il a considéré que le fait qu' une société soit affiliée à un groupe dominé par une autre société n'entraîne pas à lui seul une responsabilité de la société mère pour les actes de la filiale. Pour que les articles 55 et 101 CO s'appliquent, un lien de dépendance entre les deux sociétés ne suffit pas; il faut encore que la filiale soit tenue en vertu d'un contrat de donner suite aux ordres et instructions de la société mère. Même si elle est membre d'un groupe, une société indépendante reste gérée par sa propre administration, qui porte seule la responsabilité de conduire les affaires, de sorte que la théorie de la transparence ("Durchgriff") est sans portée à cet égard (TF, 11 juin 1992, Revue suisse du droit des affaires, 1993, p. 308, r137; SJ 1992, p. 627).
Dans un domaine voisin, les déclarations publicitaires d'une société mère aux clients d'une filiale peuvent engager la société mère à l'égard de ceux-ci, par une référence analogique à la culpa in contrahendo (ATF 120 II 331, JT 1995 I 359).
Il peut au demeurant être relevé que, dans le domaine des groupes de sociétés, il est courant d'introduire contractuellement des "clauses de compensation" de façon que la personne du groupe liée par la convention ait le droit d'invoquer la compensation en dépit de l'absence de réciprocité (Gauch/ Schluep/ Tercier, op. cit., p. 137, n. 1990).
Que cette clause soit introduite dans des contrats souligne qu'à son défaut, l'identité et la réciprocité des sujets des obligations n'existe`pas.
Au vu des considérations ci-dessus, il n'y a pas lieu d'examiner si la théorie de la transparence peut aussi être appliquée lorsque l'une des entités considérées est, comme en l'espèce, une société à responsabilité limitée, soit une société hybride, mêlant des caractères de société de capitaux et de société de personnes.
b) En l'espèce, la demanderesse et le groupe H. sont deux entités juridiquement distinctes, dont les organes sont différents. Il n'est pas établi que le groupe H. ait eu une participation majoritaire au sein de la demanderesse depuis la création de celle-ci en 1991. Il en va de même de H. H. mbH et de A.
Ainsi, la lettre recommandée que la défenderesse a adressée le 14 juillet 1992 à A., avec une facture du même jour, ne concerne pas la demanderesse.
En définitive, si l'existence de liens entre la demanderesse, le groupe H. et les deux autres sociétés précitées est établie, leur nature précise n'est pas claire. Même si les allogations de la défenderesse avaient pu être retenues, ces faits ne sont pas de nature à permettre d'assimiler H. Sarl au groupe H. ou à A., en imputant la dette des seconds à la première.
c) Il n'existe au surplus aucun élément qui porte à considérer que la conclusion du contrat avec la demanderesse aurait été induite de manière dolosive, voire que l'allégation d'indépendance des sociétés en cause procéderait d'un abus de droit. Il n'est pas établi ni même allégué que la société demanderesse aurait été instituée comme une société écran pour préserver frauduleusement le groupe H. ou d'autres corporations en Hongrie.
La théorie de la transparence ne saurait ainsi permettre à la défenderesse d'opposer la compensation à la prétention de la demanderesse.
Il n'y a, de surcroît, pas d'élément indiquant que la dette contractée par le groupe H. envers la défenderesse aurait été reprise par la demanderesse.
Sous cet angle, la contre-prétention opposée par la défenderesse n'est donc pas fondée non plus.
III. A titre subsidiaire, la défenderesse invoque l'article 423 CO, soit l'action en restitution du gain dans le cadre de la gestion d'affaires imparfaite. L'activité de la demanderesse consistant à vendre des produits alumineux fabriqués par le groupe H. grâce au savoir-faire transmis par la défenderesse, cette dernière, en tant que maître, serait fondée à exiger la restitution du gain réalisé par la demanderesse comme gérante.
L'action en restitution de gain envisagée suppose des liens directs entre les parties (cf. Weniger, La protection des secrets économiques et du savoir-faire, thèse Lausanne, 1994, pp. 271-272). Or, pour les motifs examinés plus haut, il ne peut être opposé à la demanderesse des profits dont a bénéficié le groupe H., alors que la transmission de ces profits de celui-ci à celle-là n'est pas établie.
La contre-prétention de la défenderesse n'est donc pas fondée non plus sous cet angle.
IV. La défenderesse invoque enfin la loi contre la concurrence déloyale (ci-après: LCD).
Aux termes de l'article 5 lettre b LCD, agit de façon déloyale notamment celui qui exploite du travail d'un tiers, bien qu'il sache que ce résultat lui a été remis ou rendu accessible de façon indue.
A nouveau, la défenderesse se prévaut de ce que la demanderesse peut se voir imputer l'enrichissement procuré au groupe H. Or, comme cela a déjà été vu, le groupe H. doit être considérée comme tiers. Il n'y a, de surcroît, pas d'élément de fait qui permette de constater que la demanderesse elle-même bénéficierait dudit enrichissement.
Ce moyen n'est ainsi pas fondé non plus.
V. La demanderesse, qui obtient gain de cause pour l'essentiel, a droit à de pleins dépens (art. 92 al. 1er CPC), qu'il convient de fixer à 8'830 fr., savoir:
a) 6'000 fr. à titre de participation aux honoraires de son conseil;
b) 200 fr. pour les débours de celui-ci;
c) 2'630 fr. en remboursement de son coupon de justice.
Par ces motifs,
la Cour civile,
statuant à huis clos
en application de l'article 318a CPC,
p r o n o n c e:
I.- La défenderesse A. SA doit payer à la demanderesse H., Société à responsabilité limitée pour le commerce, la somme de DM 60'659.27 (soixante mille six cent cinquante-neuf marks allemands et vingt-sept pfennigs), avec intérêt à 5 % l'an dès le 18 janvier 1992.
[...]}}
Source
Source:
- Dr. Monique Jametti Greiner, Office fédéral de la justice, Berne, Switzerland
Original in French:
- Unpublished}}