Data
- Date:
- 17-05-1994
- Country:
- Switzerland
- Number:
- 01 93 1308
- Court:
- Tribunal Cantonal de Vaud
- Parties:
- B. v. O.
Keywords
SALES BY AUCTION - EXCLUDED FROM CISG (ART. 2(B) CISG) - SALES CONCLUDED BY AN AUCTIONEER PRIVATELY OUTSIDE THE AUCTION - GOVERNED BY CISG
TRANSFER OF PROPERTY - MATTER NOT GOVERNED BY CISG (ART. 4(B) CISG) - DOMESTIC LAW APPLICABLE
GOODS REMAINING IN THE PROPERTY OF THE SELLER UNDER DOMESTIC LAW - BUYER'S RIGHT TO ENFORCE SELLER'S OBLIGATION TO DELIVER THE GOODS (ART. 30 CISG) - ONLY AFTER PAYMENT OF PRICE BY THE BUYER (ARTS. 58(1) AND 85 CISG)
PRESERVATION OF GOODS - GOODS REMAINING IN THE PROPERTY OF THE SELLER UNDER DOMESTIC LAW - SELLER'S RIGHT TO DEPOSIT THE GOODS IN A WAREHOUSE (ART. 87 CISG) - LIABILITY FOR EXPENSES ON THE BUYER UNDER CISG - PAYMENT TO BE ADVANCED BY THE SELLER IN PROCEEDINGS FOR SUMMARY INJUNCTION UNDER DOMESTIC LAW
PRESERVATION OF GOODS - GOODS REMAINING IN THE PROPERTY OF THE SELLER UNDER DOMESTIC LAW - SELLER'S RIGHT TO EXPORT ABROAD OR TO SELL THE PRESERVED GOODS UNDER CISG (ART. 88(1) CISG) DIFFERENT COURT ORDER IN SUMMARY INJUNCTION UNDER DOMESTIC LAW
Abstract
A German private auctioneer held a sale by auction of certain items previously purchased from a company in Switzerland. When the auction sale was over, the auctioneer concluded a contract with a Swiss buyer for the sale of industrial machinery ("centre d'usinage") stored on the premises of said company in Switzerland. The machinery was composed of two devices: the main machinery and its support base. The buyer paid only part of the price. The seller delivered the main machinery only--which could not work without its support baseand retained the support base as a lien for the unpaid part of the purchase price.
A dispute arose between the parties on the issue of the property in the support base when the seller notified its intention to transfer said support base to another warehouse in Switzerland or to transport it abroad, in order to reduce the high storage expenses, and to sell it immediately afterwards to a third party. The buyer sought a summary injunction to restrain the seller from doing so.
The court held that sales by auction are not governed by the CISG (Art. 2(b) CISG). However, in the case at hand the CISG was held applicable inasmuch as the contract had been concluded by the German auctioneer privately, outside the auction sale.
The court further held that the CISG does not govern the effect which the contract may have on the property in the goods sold (Art. 4(b) CISG) and that the transfer of the property is exclusively a matter for domestic law. The court decided this matter on the ground of Swiss domestic law--applicable as the lex rei sitae--which provides that the property is transferred only upon the buyer's taking possession of the goods.
Although the support base was in the property of the seller under Swiss domestic law, the court held that the buyer could still enforce the seller's obligation to deliver the goods on the ground of Art. 30 CISG, as well as to claim damages, but only after having performed its own obligation to pay the full purchase price (Arts. 58(1) and 85 CISG).
The court held that the seller was entitled to transfer the support base to a different warehouse in Switzerland. However, payment for transportation was to be advanced by the seller, because in proceedings for a summary injunction the seller could not rely on Art. 87 CISG, which gives a party the right to deposit the goods in the warehouse of a third person at the expense of the other party provided that the expense incurred is not unreasonable.
Instead, the court held that the seller was neither entitled to export nor to sell to a third party the unpaid support base. According to the court, although Art. 88(1) CISG grants the seller who is under an obligation to preserve the goods the right to sell them if there is an unreasonable delay by the buyer in taking possession of the goods or in paying the price, a different order can be granted by the court in proceedings for a summary injunction. This all the more so since the goods at hand are not subject to rapid deterioration (Art. 88(2) CISG), and an authorization by the court to sell the unpaid goods would be contrary to the Swiss rules of civil procedure.
Fulltext
[...]
E n f a i t:
1. Le requérant Josef Baggenstos exploite une entreprise de constructions mécaniques à Wangen, dans le Canton de Schwyz. L'intime Manfred Opp dirige une société de ventes aux enchères, à Düsseldorf (Allemagne).
2. Les 1er, 2 et 3 juillet 1993, l'intimé a organisé des enchères dans les locaux de la société "Vevey" Technologies SA, à Vevey. Successeur des Ateliers de constructions mécaniques de Vevey, cette société avait conclu le 17 février 1993 un contrat de vente avec l'intimé par lequel elle lui cédait la quasi-totalité du matériel de son prédécesseur en vue de sa vente aux enchères.
Postérieurement aux enchères mentionnses ci-dessus, donc vraisemblablement de gré à gré, le requérant a acquis de l'intimé un centre d'usinage "CNC Mandelli", avec ses accessoires, pour le prix de 315'500 francs. La facture relative à cette opération est datée du 28 juillet 1993. Etablie en allemand, elle se décompose en résumé comme il suit (traduction partielle):
Fr.s.
Poste 540 Centre d'usinage CNC MANDELLI 300'000.
Poste 540a 80 outils pour BAZ MANDELLI 15'000.
Poste 540b Frais de levage pour transport MANDELLI 500.
Total net 315'500.
Le montant de 315'500 fr. était stipulé payable dès réception de la facture précitée et sans déduction sur le compte de l'intimé auprès de la Anlage- und Kredittank, à Zürich. Aucune commission de vente aux enchères (Auktionsgebühr) n'a été prelevee par l'intimé.
3. La machine acquise par le requérant se compose, notamment, de deux parties distinctes: la machine elle-même et le socle sur lequel elle est destinee à être installee. Aux dires des parties, il semble que la machine, dont le requérant a pris possession dès août 1993, soit inutilisable sans le socle, qui est resté dans les locaux de Vevey où la vente avait été organisée et dont l'intimé était encore locataire le jour de l'audience de mesures provisionnelles. Le requérant estime à environ 80'000 fr. la valeur du socle.
Le 26 août 1993, le requérant s'est acquitté d'un premier versement de 165'000 fr. auprès de l'intimé. Le 15 septembre 1993, ce dernier lui a envoyé un rappel pour le solde du prix convenu, soit 150'000 francs. Le 30 septembre 1993, le requérant a effectué un second versement de 120'500 francs. Un nouveau rappel a été adressé au requérant le 11 novembre 1993.
Dans l'intervalle, le requérant a fait transporter le centre d'usinage "CNC Mandelli" chez un repreneur, à Wetzikon (ZH). Comme le support (Maschinenhett) de cet équipement manquait, il a chargé l'entreprise de transports Willi Meier d'aller en prendre possession dans les locaux de la société "Vevey" Technologies SA, à Vevey. Cette opération s'est soldée par un échec, l'intimé suLordonnant la livraison du socle au paiement du solde du prix. Entendu en qualité de témoin à l'audience de mesures provisionnelles de ce jour, Willi Meier a rapporté s'être rendu le 8 navembre 1993 à Vevey. Après avoir chargé le support précité sur son camion, il lui a été signifié par un représentant de l'intimé de le décharger, ce qui l'a obligé à retourner à vide à son point de départ. Pour ce transport manqué, il a adressé au requérant une facture de 1'430 francs.
4. Par lettre du 11 novembre 1993, Anton Schwingruber, conseil suisse alémanique du requérant, a exigé de l'intimé qu'il libère immédiatement le support du centre d'usinage "CNC Mandelli" en arguant notamment que son client en était devenu le propriétaire par l'effet de la vente, conclue sans pacte de réserve de propriété en faveur du vendeur. Dans ce même courrier, il a en outre signalé à l'intimé que le requérant entendait lui opposer des contre-prétentions (constituées pour l'essentiel par des commissions de courtage liées à la vente aux enchères organisée en juillet), de sorte que le solde de la facture du 28 juillet 1993 ne pouvait plus lui être réclamé. Il n'est pas établi que ces contre-prétentions aient été évoquées antérieurement.
Par lettre du 18 novembre 1993 au conseil susnommé, l'intimé a contesté que le requérant ait des contre-prétentions à lui opposer. I1 a signalé que ce dernier restait lui devoir le montant de 34'222 fr. 50, soit 30'000 fr. en paiement du solde du prix du centre d'usinage "CNC Mandelli" et 4'222 fr. 50 pour l'acquisition d'une fraiseuse "Reiden". Il fixait en outre au requérant un dernier délai au 15 décembre 1993 pour s'exécuter et précisait qu'à défaut de règlement dans le délai imparti le requérant se verrait chargé de tous les frais et qu'il ne pourrait obtenir la délivrance du support du centre d'usinage "CNC Nandelli".
5. Le 26 novembre 1993, la société "Vevey" Technologies SA et l'intimé ont conclu un avenant au contrat de vente du 17 février 1993 qui les liait. I1 résulte de cet accord que l'intimé s'engageait à libérer les locaux de la société "Vevey" Technologies SA et à enlever tout le matériel qui y était entreposé jusqu'au 20 décembre 1993. Il était prévu que, passé le 31 décembre 1993, l'intimé pourrait néanmoins continuer à utiliser les locaux en supportant tous les frais d'eau, d'électricité et de chauffage, mais au plus tard jusqu'au 11 mars 1994. Cet ultime délai échu, l'intimé serait redevable d'une peine conventionnelle de 200'000 francs si des machines étaient encore entreposées dans les locaux à cette date.
De fait, l'intimé a remis à la société "Vevey" Technologies SA un chèque de 200'000 francs, encaissable le 12 mars 1994.
Le jour de l'audience de mesures provisionnelles, le support litigieux se trouvait encore dans les locaux de "Vevey" Technologies SA.
6. Plusieurs correspondances ont été ultérieurement échangées entre les parties. Les 1er et 16 décembre 1993, le requérant s'est vu fixer successivement un délai au 15 et au 22 décembre 1993 pour s'acquitter du montant de 34'222 fr. 50 en lui étant signifié qu'à défaut d'exécution de sa part le support du centre d'usinage "CNC Mandelli" serait déplacé à ses frais chez un tiers, vu les obligations de l'intimé d'évacuer les lieux. Le 16 décembre 1993, l'intimé a encore rendu attentif le conseil vaudois du requérant de la peine conventionnelle de 200'000 fr. stipulée dans l'avenant du 26 novembre 1993, donc de la nécessité absolue de libérer intégralement les locaux de Vevey avant le 11 mars 1994.
7. Le requérant ne s'est pas exécuté. Dans un courrier du 9 décembre 1993 à l'intimé, l'avocat Schwingruber a chiffré pour la première fois le montant des contre-prétentions de son client à 197'730 francs. Celles-ci découlent pour l'essentiel de commissions de courtage pour le rôle qu'aurait joué le requérant dans la négociation de certaines affaires, liées à la vente aux enchères de juillet. Admettant le solde de 34~222 fr. 50 réclamé par l'intimé, le requérant a conclu que ce dernier était en définitive son déLiteur de 163'507 fr. 50 ( 197'730 fr. - 34'222 fr 50), montant qu'il a accepté de ramener à 150'000 fr. à titre transactionnel.
8. Par requête de mesures préprovisionnelles et provisionnelles du 9 décembre 1993, Josef Baggenstos a conclu, avec dépens, au séquestre du support d'usinage "CNC Mandelli" entreposé dans les locaux de la société "Vevey" Technologies SA (anciennement Ateliers de constructions mécaniques de Vevey SA) jusqu'à droit connu sur la procédure de mesures provisionnelles, tout changement à l'état dudit support étant interdit, ce sous la menace des sanctions prévues par l'article 292 du Code pénal. Il a en outre conclu à être dispensé de fournir caution ou dépôt au sens de l'article 107 CPC.
Le 10 décembre 1993, le Juge instructeur de la Cour civile a rendu une ordonnance de mesures préprovisionnelles faisant interdiction à Manfred Opp, sous la menace des peines d'arrêts et d'amende prévues à l'article 292 du Code pénal pour insoumission à une décision de l'autorité, d'exporter ou d'aliéner le support d'usinage "CNC Mandelli" vendu à Josef Baggenstos le 28 juillet 1993.
9. Par fax du 11 février 1994, le conseil de l'intimé a imparti un ultime délai au 16 février 1994 au requérant pour s'acquitter du solde dû. Il a précisé que l'équipement litigieux serait vendu ce délai échu.
10. A l'audience de mesures provisionnelles de ce jour, le conseil de l'intimé a conclu, au nom de son client absent, au rejet de la requête de mesures provisionnelles, avec dépens. Reconventionnellement, il a pris à titre préprovisionnel et provisionnel, les conclusions suivantes :
"I. Manfred OPP est autorisé à déplacer le support du centre d'outillage litigieux (CNC Mandelli) des locaux de la société "Vevey" Technologies SA, à Vevey, dans ceux de la société Friderici, à Tolochenaz, où ledit équipement sera entreposé jusqu'à sa vente ou jusqu'au complet paiement de son prix.
II. Manfred OPP est autorisé à vendre sans délai le support du centre d'outillage litigieux.
III. Subsidiairement à I. et II. le requérant est astreint à fournir des sûretés à hauteur de 300'000 fr. (trois cent mille francs), sous la forme d'une garantie bancaire irrévocable, à première demande, d'une banque commerciale suisse de premier ordre, dans les dix jours dès l'ordonnance à intervenir."
L'intimé a encore complété sa conclusion I. reconventionnelle en ce sens que le transport de la machine litigieuse, les layers de l'entreposage et tous les autres frais accessoires doivent être mis à la charge de Josef Baggenstos pendant la durée du procès.
Le requérant a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions reconventionnelles de l'intimé.
11. Le requérant n'a jamais contesté la facture de l'intimé du 28 juillet 1993, ni invoqué des défauts de la chose vendue.
12. Il résulte des explications des parties et d'une lettre-devis du 14 février 1994 de la société de transports Friderici SA au conseil de l'intimé que les frais d'entreposage du support litigieux à Morges s'élèveraient à quelque 300 fr. par mois et le coût du transport à 1'000 francs. Le requérant a en outre précisé qu'il avait déjà revendu le centre d'usinage "CNC Mandelli" à un tiers, qui en dispose déjà sans son support. L'intimé a enfin annoncé qu'il se proposait, pour le cas où le support ne serait finalement pas livré au requérant, de vendre ledit support au fabricant de la machine, qui serait prêt à le lui racheter pour le prix de 80'000 francs.
En d r o i t:
I. Le présent litige est relatif à une vente mobilière conclue en Suisse vraisemblablement de gré à gré, entre un vendeur allemand domicilié en Allemagne et un acheteur suisse domicilié en Suisse, à Wangen. La vente a été conclue à fin juillet, directement entre les parties, environ trois semaines après la vente aux enchères organisée par l'intimée, de telle sorte qu~il faut considérer à ce stade qu'il s'agit d'une vente séparée de ces enchères. Une partie de l'objet de cette vente a été livrée; l'autre, le support du centre d'usinage "CNC Mandelli", est entreposé à Vevey. L'acheteur, qui oppose des contre-prétentions au vendeur pour un montant supérieur (197'730 francs) au solde du prix de vente (34'222 fr. 50), exige la livraison dudit support. Contestant toute compensation, le vendeur prétend au versement de la totalité du prix de vente avant de livrer la chose (article 82 CO).
II. Selon l'article 101 alinéa 1er chiffre 1 CPC, des mesures provisionnelles peuvent être ordonnées en tout état de cause, même avant l'ouverture d'action, en cas d'urgence, pour protéger le possesseur dans ses droits (litt. a), pour prévenir tout changement à l'état de l'objet litigieux (litt. b) et pour écarter la menace d'un dommage difficile à réparer (litt. c). De telles mesures peuvent en outre être prises sans urgence, dans les cas prévus par la loi civile (art. 101 al. 1er ch. 2 CPC).
Les mesures provisionnelles doivent avoir un lien avec la procédure au fond (cf. Vogel, Probleme des vorsorglichen Rechtsschutzes, RSJ 76/1980, pp. 89 ss, spéc. 93), dont elles représentent l'accessoire. Alors même que le juge qui les ordonne statue sous l'angle de la vraisemblance (ATF 97 I 481 c. 3a, JT 1972 I 494), il n'en demeure pas moins que cette vraisemblance s'apprécie par rapport au droit prétendu au fond (cf. Gloor, Vorsorgliche Maßnahmen im Spannungsfeld von Bundesrecht und kantonalem Zivilprozessrecht, thèse Zürich 1982, pp. 21 et 72 ss). Les mesures provisionnelles doivent ainsi être refusées lorsque la demande au fond ne présente aucune chance de succès (JT 1988 III 109 c. 3). Dès lors, quelle que soit la nature des conclusions prises ou à prendre sur le fond, le requérant doit rendre vraisemblable l'existence du droit invoqué et montrer que les conditions matérielles d'une action en justice sont bien réunies (Pelet, Réglementation fédérale des mesures provisionnelles et procédure civile cantonale contentieuse, thèse Lausanne 1986, no 62, p. 48).
De même que la vraisemblance comporte différents degrés, l'examen du fond peut se révéler plus ou moins sommaire; c'est une question laissée à l'appréciation du juge, qui doit adapter ses exigences aux circonstances de l'espèce, en tenant compte notamment de l'urgence de la situation et de l'importance du préjudice que la mesure risque d'occasionner à l'intimé (Pelet, op. cit., no 63, p. 50).
III. Le requérant plaide l'application du droit suisse, par renvoi de l'article 3 alinéa 2 de la Convention de la Haye du 15 juin 1955 sur le droit applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels (RS 0.221.211.4; ci-après : convention de la Haye); il relève que la vente a en effet eu lieu en Suisse et que l'acheteur est Suisse.
Pour l'intimé, la convention de la Haye ne serait pas applicable, faute de ratification par la Suisse et par l'Allemagne. On peut douter que ce raisonnement soit pertinent, dès lors que la convention de la Haye est de toute façon applicable par renvoi de l'article 118 LDIP, à tout le moins s'agissant des problèmes non réglés par la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, conclue à Vienne le 11 avril 1980 (RS 0.221.211.1; ci-après : convention de Vienne). Il préconise l'application de cette convention dès lors que la vente conclue par les parties ne l'a pas été dans le cadre d'une vente aux enchères (cf. art. 2 litt. b convention de Vienne).
Peu importe en définitive. Il suffit en effet de constater que les parties admettent que le procès sur le fond aura lieu au domicile de l'une d'entre elles (soit à Schwytz, soit en Allemagne), que la compétence du juge de céans pour statuer sur les mesures provisionnelles résulte donc de l'article 103a CPC, respectivement de l'article 10 LDIP, et qu~il résulte des principes rappelés sous point II. ci-dessus que le juge des mesures provisionnelles peut se limiter à un examen plus ou moins sommaire du fond. De ce point de vue, parties admettent toutes deux la conclusion et la validité du contrat de vente qu'elles ont passé; ce qui les sépare, c'est pour l'essentiel les conséquences de la réponse donnce à la question de savoir qui est propriétaire du support litigieux. Or, ni la Convention de la Haye, qui ne fait que préciser quel est le droit applicable (cf. son art. 5 ch. 3), ni la Convention de Vienne (cf. son article 4 litt. b) ne règlent la question du transfert de propriété. L'obligation de transférer la propriété se juge donc selon le droit national désigné par la règle de conflit, soit généralement la lex rei sitae. Ce droit national ainsi désigné détermine quand et comment le transfert de la propriété de la marchandise s'effectue (Stoffel/ Dessemontet/ Chaudet/ Xueref/ Bilat/ Lichsteiner, Les contrats de vente internationale de marchandises, Publication Cedidac 20, Lausanne 1991, pp. 39 et 67, spéc. p. 190 note ad art. 4 CV). En outre, selon l'article 100 alinéa 1er LDIP, l'acquisition et la perte des droits réels mobiliers sont régies par le droit du lieu de situation du meuble au moment des faits sur lesquels se fonde l'acquisition ou la perte. L'objet litigieux étant entreposé à Vevey, le droit suisse est dès lors applicable en l'espèce.
On appliquera donc le droit suisse au stade des mesures provisionnelles, en relevant en outre que la Convention de Vienne ne règle au demeurant que les problèmes qui relèvent du fond.
IV. A l'appui de sa requête de mesures provisionnelles, Josef Baggenstos soutient en substance qu'il est devenu propriétaire du centre d'usinage "CNC Mandelli" par l'effet de la vente et qu'il a dès lors droit au transfert du support de cet équipement qui reste entreposé dans les locaux de la société "Vevey" Technologies SA, à Vevey. Il importe ainsi peu, selon le requérant, qu'il n'ait pas payé la totalité du prix de cet objet. Au demeurant, comme l'intimé Manfred Opp a annoncé son intention de vendre le support litigieux, il y a urgence à ordonner le séquestre dudit support.
Or, en droit suisse, la mise en possession est nécessaire pour le transfert de la propriété mobilière (art. 714 al. 1er CC). Le droit allemand connaît au demeurant le même système (Stoffel/ Dessemontet/ Chaudet/ Xueref/ Bilat/ Lichtsteiner, op. cit., p. 67 in fine).
Le requérant, qui n'est jamais entré en possession du support du centre d'usinage "CNC Mandelli", n'en est par conséquent pas le propriétaire. Il n'a ainsi aucun droit réel sur cet objet.
Même si, ce qui est peu vraisemblable, les parties avaient conclu une vente aux enchères, l'article 235 alinéa 1er CO qui statue que l'adjudicataire d'un meuble en acquiert la propriété dès l'adjudication, ne serait pas applicable en l'espèce (Engel, Contrats de droit suisse, 1992, p. 63, note 3; Cavin, La vente. L'échange. La donation., in Traité de droit privé suisse, tome VII,1, 1978, p. 158, lettre c). En effet, les conditions générales de vente aux enchères produites par l'intimé dérogent au principe du transfert immédiat de propriété puisqu'elles précisent que l'acheteur n'acquiert la propriété de l'objet vendu qu'après paiement intégral de la chose adjugée (cf. art. 3 in fine de ces conditions).
Le requérant n'est donc au bénéfice d'aucun titre de propriété, mais il n'en reste pas moins qu'il a un droit personnel à la livraison du support litigieux (art. 184 al. 1er CO; art. 30 CV) et pourrait agir en exécution de la prestation promise par le vendeur, sans préjudice des dommages-intérêts moratoires (art. 107 al. 2 CO; Cavin, op. cit., p. 45). Une telle action ne peut cependant être exercée en l'état dès lors qu'il ne veut pas acquitter le solde du prix convenu et que l'intimé est en droit de lui opposer l'exception non adimpleti contractus en refusant de livrer la machine (art. 82 CO; art. 58 al. 1er in fine et 85 CV).
Quoi qu'il en soit, il suffit de constater au stade des mesures provisionnelles que le requérant est exposé à un dommage difficile à réparer. En effet, l'intimé a menacé de vendre l'objet litigieux et a même pris une conclusion dans ce sens à l'audience de mesures provisionnelles de ce jour en précisant qu'il avait déjà trouvé un amateur. En cas d'aliénation, le requérant, qui a déjà payé deux acomptes substantiels de 165'000 fr. et de 120'500 francs, serait privé du support du centre d'usinage "CNC Mandelli", ce qui semble enlever toute sa valeur à la machine payée pour l'essentiel. Enfin, comme il a déjà revendu cet objet à un tiers avec le reste de la machine, il pourrait être exposé à une action en dommage-intérêts.
Le risque de voir survenir un dommage difficile à réparer étant ainsi constaté, il sied de faire défense à l'intimé d'aliéner ou d'exporter le support de centre d'usinage "CNC Mandelli" (art. 102 al. 5 CPC). L'intimé ayant fait part de son intention de se désaissir de cet objet, il est à craindre qu'il ne respecte pas la décision du juge. Il s'impose dès lors d'assortir la défense qui lui est faite de la menace des peines d'arrêts et d'amende prévues à l'article 292 CP pour insoumission à une décision de l'autorité.
V. Par voie de mesures préprovisionnelles et provisionnelles, l'intimé Opp a conclu reconventionnellement à être autorisé à déplacer le support du centre d'usinage "CNC Mandelli" dans les locaux de la société Friderici SA, à Tolochenaz. Il a encore requis que les frais de déplacement de cet objet, les layers d'entreposage et autres frais accessoires soient mis à la charge du requérant pendant la durée du procès.
L'intimé rend suffisamment vraisemblable, au stade des mesures provisionnelles, qu'il devra s'acquitter d'une peine conventionnelle de 200'000 fr. au cas où le support du centre d'usinage "CNC Mandelli" ne serait pas évacué des locaux de la société "Vevoy" Technologies SA le 11 mars 1994 au plus tard. Si tel devait être le cas, il serait exposé à un dommage grave, d'autant que le montant de la peine conventionnelle est démesuré par rapport au solde du prix que le requérant reste devoir pour obtenir la livraison du support litigieux. Il importe par conséquent de faire droit à la conclusion de l'intimé en l'autorisant à déplacer ce support chez Friderici SA, à Tolochenaz.
Le requérant Baggenstos a plaidé qu'il était prêt à offrir à l'intimé une garantie bancaire d'un montant équivalent au solde du prix de vente; il en tire l'argument que le refus par l'intimé Opp de cette garantie démontrerait que celui-ci s'oppose artitrairement à livrer une machine qui n~appartient désormais qu'à l'acheteur. Or, cette affirmation repose sur une prémisse erronée, comme on l'a déjà vu: l'acheteur n'est pas propriétaire du support.
Quant aux frais de déplacement et d'entreposage pendant la durée du procès, ils seront avancés par l'intimé. D'une part, ils seront garantis par les sûretés que le requérant sera astreint à fournir (cf. cons. VII. ci-après). D'autre part, l'intimé se prévaut à tort de l'article 87 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 qui permet au vendeur chargé de conserver la chose de la consigner aux frais du vendeur, à condition que le coût de cette opération ne soit pas déraisonnable. En effet, la Convention de Vienne, si tant est qu'elle soit applicable en l'espèce, règle les problèmes de fond. Elle n'exclut dès lors nullement qu' une solution différente soit donnée dans le cadre de mesures provisionnelles.
VI. L'intimé conclut à être autorisé à vendre immédiatement le support litigieux en se prévalant de l'article 88 alinéa ler de la Convention de Vienne qui habilite notamment le vendeur à aliéner la chose si l'acheteur a apporté un retard déraisonnable à en prendre possession ou à en payer le prix.
Comme on l'a vu, une solution différente de celle prévue par la Convention de Vienne peut être ordonnée en mesures provisionnelles. En outre, l'autorisation de vendre le support du centre d'usinage "CNC Mandelli", qui ne constitue pas une denrée périssable au sens de l'article 93 alinéa 1er CO ou de l'article 88 alinéa 2 de la Convention de Vienne, entrerait en conflit avec les mesures pouvant être instituées en mesures provisionnelles selon l'article 102 CPC. De toute manière, vu les sûretés qui seront fournies par le requérant, l'intimé ne sera pas exposé à un dommage difficile à réparer. Enfin, les mesures provisionnelles doivent respecter le principe de la proportionnalité, et cette conclusion de l'intimé va, pour le moins à ce stade, à l'encontre de ce principe.
Cette conclusion doit en conséquence être rejetée.
VII. L'intimé conclut enfin à ce que le requérant soit astreint à fournir des sûretés à concurrence de 300'000 francs.
Aux termes de l'article 107 alinéa 1er CPC, la partie requérante fournit caution ou dépôt pour assurer les dommages et intérêts qui peuvent résulter des mesures provisionnelles et préprovisionnelles. La fourniture de sûretés est la règle et peut être ordonnée d'office.
En l'occurrence, les mesures ordonnées en faveur du requérant sont de nature à causer un dommage à l'intimé s'il devait obtenir gain de cause sur le fond. En effet, ce dernier devra dans un premier temps faire transporter le support litigieux de Vevey à Tolochenaz, opération dont le coût est estimé à environ 1000 francs. Il supportera, en outre, pendant toute la durée du procès, les frais d'entreposage chez Friderici SA s'élevant à quelque 300 fr. par mois, sans compter les frais d'assurance. Vu la durée prévisible du procès, il convient d'astreindre le requérant à fournir des sûretés, fixées ex aequo et bono, à 20'000 francs, y compris les 1'000 fr. dont il a été question ci-dessus. Un délai devra être imparti au requérant pour les déposer au greffe de la Cour civile , en espèces ou sous la forme d'une garantie bancaire souscrite par l'une des trois grandes suisses, par la BCV ou par le CFV. Faute d'exécution de sa part, l'ordonnance de mesures provisionnelles sera caduque.
VIII. Les mesures sollicitées par le requérant et par l'intimé étant accordées pour l'essentiel, les dépens de la procédure provisionnelle peuvent suivre le sort de la cause au fond (art. 109 al. 2 CPC).
Par ces motifs,
le juge instructeur,
statuant á huis clos et
par voie de mesures provisionnelles :
I.- Autorise Manfred Opp à déplacer à ses frais le support du centre d'usinage CNC Mandelli dans les locaux de l'entreprise Friderici à Tolochenaz, où ledit équipement sera entreposé jusqu'à droit connu sur le fond.
II.- Interdit pour le surplus à Manfred Opp, sous la réserve du chiffre I ci-dessus, d'exporter ou d'aliéner le support du centre d'usinage CNC Mandelli vendu à Josef Baggenstos le 28 juillet 1993.
III.- Confirme en ce sens l'ordonnance de mesures préprovisionnelles et dit que l'interdiction formulée sous ch. II l'est sous la menace des peines d'arrêts et d'amende prévues à l'article 292 CP pour insoumission à une décision de l'autorité.
IV.- Subordonne la validité des mesures provisionnelles au dépôt par Josef Baggenstos au greffe de sûretés d'un montant de 20'000 fr. (vingt mille francs), en espèces ou sous la forme d'une garantie délivrée par l'une des trois grandes banques suisses, par la BCV ou par le CFV.
V.- Rejette la conclusion II reconventionnelle de la requête de mesures provisionnelles et préprovisionnelles déposée par Manfred Opp à l'audience du 15 février 1994.
VI.- Dit que les frais de Ja procédure provisionnelle sont arrêtés à 760 fr. (sept cent soixante francs) pour le requérant Josef Baggenstos et à 500 fr. (cinq cents francs) pour l'intimé Manfred Opp.
VII.- Dit que les dépens suivront le sort de la cause au fond.
VIII.- Rejette toutes autres ou plus amples conclusions.
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