Data

Date:
29-02-2016
Country:
Switzerland
Number:
JI11.036221-151531
Court:
Cour d'appel Tribunal Cantonal Vaud
Parties:
--

Keywords

REQUIREMENTS FOR OFFER (ART. 14 CISG) - DETERMINATION OF PRICE - REFERENCE TO NEGOTIATIONS AND PRACTICES ESTABLISHED BETWEEN THE PARTIES (ART. 8 CISG)

NOTICE OF LACK OF CONFORMITY - TIME OF NOTICE - FAILURE TO GIVE TIMELY NOTICE (ART. 39 (1) CISG)

Abstract

An Italian company and a Swiss manufacturer of watches entered into an agreement whereby the former would manufacture and deliver watch displays, intended for use in exhibitions and other events. After delivery of the goods, the seller invoiced the buyer but part of the price remained unpaid. The seller then sued the buyer seeking to recover the outstanding price plus interest. The first instance Court found for the seller. The buyer appealed.

After confirming that the contract was governed by CISG (Art. 1(1)(a)), the Court agreed with the lower’s Court that the price of the goods delivered, although not expressly fixed by the parties, could be impliedly determined having regard to the negotiations and the practices established between themselves (Art. 8 CISG).

Moreover, the Court ruled that the buyer had forfeited its right to rely on lack of conformity of the goods, as it was not demonstrated that the buyer had complained and had notified the buyer thereof within the two-year time limit set forth by Art. 39 CISG.

Fulltext

(…)

A. Par décision finale du 27 mai 2015, dont les motifs ont été envoyés aux parties pour notification le 16 juillet 2015, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de La Broyé et du Nord vaudois a admis partiellement la demande du 23 septembre 2011 de H. SNC (I), dit que D. SA est la débitrice de H. SNC et lui doit immédiat paiement de la somme de 26'601.29 euros, plus intérêts à 5% l'an dès le 30 mai 2005, sous déduction de l'acompte de 21'281 fr. déjà versé en date du 27 mars 2006 (II), arrêté lès frais judiciaires à 568 fr. 50 pour H. ^SNC et à 3'979 fr. 50 pour D. SA (III), dit que D. SA est la débitrice de H. SNC et lui doit immédiat paiement de la somme de 1'770 fr. 30 à titre de remboursement partiel de l'avance de frais effectuée (IV) et de 3'937 fr. 50 à titre de dépens réduits (V), toutes autres ou plus amples conclusions étant rejetées (VI).
En droit, le premier juge a constaté que le décret du Tribunal de Milan du 14 juillet 2005 était soumis à la Convention sur la reconnaissance et l'exécution de décisions étrangères conclue entre la Suisse et l'Italie le 3 janvier 1933 (ci-après : Cre33 ; RS 0.276.194.541), laquelle renvoyait à la procédure de reconnaissance des décisions étrangères réglée par les art. 25 à 32 LIDP (loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé; RS 291). Le décret précité n'ayant pas fait l'objet d'une procédure de reconnaissance en Suisse, il n'était pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, de sorte que la demande de H. SNC du 23 septembre 2011 était recevable.
Le premier juge a ensuite admis que la Convention des Nations Unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (ci-après : CVIM ; RS 0.221.211.1) s'appliquait au contrat passé entre les parties. Il a retenu que celles-ci avaient l'habitude de s'accorder par oral au sujet des commandes et de l'établissement des devis. A cet égard, les fournitures et services figurant sur la facture du 7 janvier 2005 étalent ceux convenus oralement et ils avaient bien été livrés. Le prix des grands présentoirs correspondait aux discussions entre les parties. S'agissant des petits présentoirs, le premier juge a considéré qu'il était possible pour les parties de s'engager contractuellement sans prévoir de prix, en laissant à A.J._ le soin de le fixer eu égard à ceux précédemment pratiqués.
?Le premier juge a également examiné la question de la non-conformité des marchandises, invoquée par la défenderesse. Il a considéré qu'il n'était pas établi que cette dernière se soit adressée à la demanderesse pour lui signifier les défauts invoqués. Les premières contestations de la qualité des produits avaient été formulées dans la réponse de la défenderesse du 16 avril 2012, soit largement après l'écoulement du délai de deux ans de l'art. 39 al. 2 CVIM, de sorte que la défenderesse était déchue du droit de se prévaloir d'une éventuelle non-conformité des marchandises livrées.
Enfin, le premier juge a appliqué le droit italien conformément aux art. 117 al. 1 et 148 al. 1 LDIP afin d'examiner l'exception de prescription soulevée par la défenderesse. Conformément à l'art. 2946 du Code civil italien, il a appliqué le délai de prescription de dix ans et a considéré que la créance en paiement de la facture du 7 janvier 2005 n'était donc pas prescrite.
B. Par acte du 14 septembre 2015, D. SA a interjeté appel contre cette décision en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que la demande de H. SNC soit déclarée irrecevable, subsidiairement rejetée. Plus subsidiairement, l'appelante a conclu à l'annulation de la décision et au renvoi de la cause au premier juge pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par réponse du 4 janvier 2016, H. SNC a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l'appel.
C. La Cour d'appel civile retient les faits pertinents suivants, sur la base de la décision complétée par les pièces du dossier :
1. H. SNC est une société en nom collectif italienne, dont le siège est à [...] et qui a pour but social l'Installation de stands et d'équipements, de divers types, pour des expositions, des foires et des congrès, de même que la décoration et la préparation de locaux pour réunions publiques et expositions. A.J. est l'un des associés de cette société.

D. SA, dont le siège est à [...], a pour but le commerce de matières premières, la recherche, le développement et la fabrication de produits et marchandises, notamment dans les domaines de l'horlogerie, de la joaillerie, de la bijouterie et de l'orfèvrerie, de même que la commercialisation de droits immatériels tels que brevets, licences et marques. R. est administrateur président de cette société, au bénéfice de la signature individuelle.
2. Dans le courant de l'année 2004, R. et H.^ SNC se sont contactés et entretenus au sujet d'une collaboration entre leurs deux sociétés. Les deux hommes se connaissaient, car H. SNC avait déjà exécuté des travaux et livré des fournitures à D. SA. Dans le cadre de cet échange, ils sont convenus oralement que H. SNC fabriquerait et livrerait à D. SA des présentoirs à montres, expressément conçus pour elle et destinés à être utilisés lors d'expositions notamment.
Le 11 novembre 2004, D. SA a envoyé à H._ SNC, par fax, un croquis représentant l'arrière des dispositifs à fabriquer.
Le 9 décembre 2004, la société de transport [...], agissant pour le compte de H. SNC, a livré les présentoirs commandés au siège de D. SA. A.J. et son fils B.J. étaient présents lors de cette livraison. Les caisses en bois qui contenaient les présentoirs ont été ouvertes et la majorité des présentoirs ont été montés par les employés de H. SNC. Le montage consistait en l'insertion d'un moniteur (ou écran) dans le présentoir, la connexion du moniteur, la fermeture du présentoir et la vérification du fonctionnement correct de l'installation. Ces dispositifs ont été présentés à D. SA, puis remis à l'intérieur des caisses, qui ont été refermées à l'aide de vis.
D. SA a conservé et entreposé cette marchandise dans ses
locaux.
3. . Le 7 janvier 2005, H. SNC a adressé une facture de 26'601.29 euros à D. ^SA. Les prestations facturées étaient les suivantes :
?- quarante-sept grands présentoirs à montres :
- vingt petits présentoirs à montres :
- transport de Milan à [...] :
- montage des moniteurs :
- conception et étude de faisabilité des présentoirs :
- planification de la mise en oeuvre d'un stand
à la foire de Bâle 2005
- estampillage:
Cette facture indique qu'elle est payable à trente jours.
Entendu à l'audience du 29 octobre 2014, R. déclaré ce qui suit :
12'925.00€ S'OOO.00 € 960.00 € 2'240.00 € 2'500.00 €
2'975.00 € 1.29 €
a notamment
5-
"(...) Comme les faits remontent à dix ans à peu près, je ne me rappelle pas de la façon dont D. SA a contesté la qualité de la marchandise. Je suis toutefois sûr que l'on a contesté la qualité de la marchandise. (...)
Les devis pour tous les travaux que M. A.J. effectuait pour notre société, et pour d'autres, étaient plus ou moins oraux. Pour illustrer mon propos, il me disait que cela aller coûter un prix « x », sauf imprévus. Si les produits avaient été de la qualité espérée, j'imaginais bien que l'on recevrait une facture d'un montant de celle qui nous a été adressée. Même si nous n'avons jamais utilisé les objets litigieux, nous avons décidé de payer à la demanderesse un montant dont je ne me souviens pas, pour le travail fourni. Je dis simplement que les objets livrés n'étaient pas de la qualité demandée et imaginée, mais qu'ils ont tout de même nécessité du travail.
(...)
S'agissant de ces études de faisabilité, elles ne sont généralement pas facturées au client. La facture fait également état d'un projet pour réaliser le stand de la foire de Bâle. Ce stand n'a jamais été fait. (...) Les discussions qui ont eu lieu avec M. A.J._ s'agissant des présentoirs comprenaient un prix par pièce. Le prix de 275 euros l'unité qui figure sur la facture pour les grands présentoirs me semble correspondre à ce dont on avait discuté, pour autant que la qualité soit celle qui était attendue. Le prix de 250 euros pour les petits présentoirs me semble énorme. A mon sens, le montage des écrans (...) était compris dans le prix du produit livré. J'avais confiance en A.J. et nous n'avions pas discuté du prix des petits présentoirs. (...)"
Par courrier de son conseil italien du 30 mai 2005, H._ SNC a SA en demeure de lui payer la somme de 27*951.05 euros,
4.
mis D._
représentant la somme impayée de la facture du 7 janvier 2005, plus des intérêts de retard par 999.76 euros et des frais d'avocat par 350 euros.
?
Les montants réclamés n'ayant pas' été payés, H. SNC a déposé une demande en paiement à l'encontre de D. SA auprès du Tribunal ordinaire de Milan, section détachée de [...]. Par décret du 14 juillet 2005, ce tribunal a reconnu la créance comme fondée et a condamné D. ^SA à payer, dans les soixante jours dès la notification du jugement, les sommes suivantes à H. SNC :
- 26'601.29 € plus intérêts légaux;
- 207 € pour les frais de la procédure;
- 516 € pour les droits;
- 590 € pour les honoraires;
- 138 € pour le remboursement des frais généraux.
Ce décret comporte en dernière page un « rapport de notification » qui mentionne que l'huissier de justice a notifié l'acte avec remise de copie conforme à D. SA, en la personne de son représentant légal temporaire, « ce service ayant été effectué par la poste ». Il n'a pas fait l'objet de contestation de la part de l'une ou l'autre des parties dans le délai de soixante jours imparti à cet effet.
5. Par courrier du 7 février 2006, H. SNC a sommé D. SA de lui verser d'ici au 15 février 2006 la somme de 29*101.29 euros, soit 26'601.20 euros plus 2*500 euros d*intérêts et de frais.
Le 27 mars 2006, D. SA a versé la somme de 21 '281 fr. sur le compte de l'ancien conseil de H. SNC. A cette date, le taux de change était d'un franc suisse pour 0.63361 euro.
Par courrier du 5 octobre 2007, ignorant qu'un montant de 21*281 fr. avait été versé le 27 mars 2006, le nouveau conseil de H. SNC a réclamé à D. SA les sommes au paiement desquelles celle-ci avait été condamnée par décret du 14 juillet 2005 du Tribunal ordinaire de Milan.
6. H. SNC a introduit une poursuite à l'encontre de D. SA pour la somme de 45'062 fr. 73, plus intérêt à 5 % l'an dès le 14 juillet 2005, sous déduction de 21'200 fr. d'acompte au créancier du 27 mars 2006. Le commandement de payer n° [...] de TOffice des poursuites d*Yverdon-Orbe-La Vallée-Grandson y relatif, notifié le 18 mars 2009, mentionne comme titre et date de
la créance le « Jugement rendu par le Tribunal de Milan le 14 juillet 2005 ».

7. Par action en paiement adressée le 23 septembre 2011 au Tribunal civil de l'arrondissement de La Broyé et du Nord vaudois, H. SNC a conclu à ce qu'il soit dit que D. SA est sa débitrice et lui doit immédiat paiement des sommes de 26*601.29 euros, plus intérêt à 5% Tan dès le 30 mai 2005, sous déduction de l'acompte de 21*281 fr. déjà versé en date du 27 mars 2006, et de
I'451 euros, plus intérêt à 5% l'an dès le 14 juillet 2005.
Par réponse du 16 avril 2012, D. SA a conclu au rejet de la demande du 23 septembre 2011.
8. Dans |e cadre de la procédure, X. a été désigné en qualité d'expert avec pour mission de se déterminer sur divers allégués de la défenderesse. Dans le cadre de son rapport déposé le 28 décembre 2013, celui-ci a exposé qu'il partait de la prémisse que la société D. SA était une « manufacture horlogère de très haut de gamme » étant donné que la valeur moyenne des montres produites était d'environ 80*000 fr. pièce. L'expert a examiné deux présentoirs qui lui avaient été transmis par la société D. SA, l'un avec une fenêtre et l'autre sans. S'agissant des deux présentoirs, Texpert a relevé que du point de vue de l'aspect général, la qualité perçue était très basse. La laque utilisée pour recouvrir la structure avait un aspect très brillant et ressemblait à du plastique; l'on percevait la même sensation au toucher. Les présentoirs se trouvaient être en bois reconstitué. Par ailleurs, les supports à montres étaient de type lame à ressort en acier bleui très dur et risquant, à leur contact, de rayer les boucles des montres présentées. L'expert a observé des bavures sur les supports métalliques, à l'endroit où devaient reposer les boucles des montres. Il a aussi constaté que ces supports étaient rouillés. Outre les bavures, le manque de finition des supports métalliques ressortait aussi de l'utilisation de vulgaires vis à bois en relief, au lieu de fixations invisibles.
L'expert a de plus relevé que l'écaillement de la laque à Tarrière de Tun des produits était une preuve de sa mauvaise qualité ou de sa mauvaise accroche. L*expert a pour le surplus constaté que les logos de la société D. SA apposés sur les deux meubles n'étaient pas des sérigraphies, utilisées généralement dans la profession, mais des "stickers" en relief, qui de plus n*étaient pas centrés. Enfin, l'expert a constaté que la couleur des présentoirs était d'une couleur rouge plus sombre que celle utilisée par D. SA, ce qui constituait un irrespect du « code couleur corporate ».
?1.

En conclusion, l'expert a indiqué ce qui suit
« Je reviens au premier paragraphe et au prix moyen évoqué pour les montres D. SA et affirme que la qualité des produits qui m'ont été donné à expertiser sont de très loin en dessous des critères qualitatifs exigés dans ce niveau de gamme, ils ne seraient d'ailleurs même pas utilisés par des marques plus bas de gamme ou à volume.
De plus, les traces de rouilles et la laque qui s'écaille prouve (sic) que les matières premières utilisées sont de très piètre qualité et donc le vieillissement de ces produits sera très rapide ».
En droit :
1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC [Code de procédure civile du 19 décembre 2008; RS 272]), dans les affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions, est supérieure à lO'OOO fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). L'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel, soit la Cour d'appel civile (art. 84 al. 1 LOJV [loi vaudoise d'organisation judiciaire du 12décembre 1979; RSV 173.01]), dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation (art. 311 al. 1 CPC).
1.2 En l'espèce, formé en temps utile par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC) et portant sur des conclusions supérieures à lO'OOO fr., l'appel.est recevable.
2. L'appel peut être formé pour violation du droit ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L*autorité d'appel peut revoir l'ensemble du droit applicable, y compris les questions d'opportunité ou d'appréciation laissées par la loi à la décision du juge et doit, le cas échéant, appliquer le droit d'office confonnément au principe général de l'art. 57 CPC (Jeandin, CPC commenté, Bâle 2011, nn. 2ss ad art. 310 CPC). Elle peut revoir librement l'appréciation des faits sur la base des preuves administrées en première instance (JdT 2011 III 43 c. 2 et les réf. ; Jeandin, op. cit.,. n. 6 ad art. 310 CPC).

?3.
3.1 L'appelante soutient principalement que le premier juge aurait dû constater, au vu du jugement rendu le 14 juillet 2005 par le Tribunal ordinaire de Milan, que le litige faisait l'objet d'une décision entrée en force au sens de l'art. 59 al. 2 let. e CPC, de sorte qu'il aurait dû refuser d'entrer en matière sur la demande du 23 septembre 2011. A l'appui de ce grief, l'appelante fait valoir, en bref, que si un jugement étranger est entré en force, il n'a pas besoin d'être préalablement reconnu en Suisse pour faire obstacle à l'ouverture d'une nouvelle action dans notre pays. Elle relève que si l'on devait retenir que l'existence d'un jugement étranger qui n'a pas fait l'objet d'une procédure d'exequatur n'a aucune incidence sur la recevabilité de l'action ouverte en Suisse, on laisserait la liberté discrétionnaire à un plaideur d'ouvrir action deux fois, notamment lorsque son action a été entièrement ou partiellement rejetée par le tribunal étranger.
3.2
3.2.1 Aux termes de l'art. 59 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action (al. 1). L'une de ces conditions est que le litige n'ait pas fait l'objet d'une décision entrée en force (al. 2 let. e).
Cette règle consacre le principe de l'autorité de la chose jugée des décisions de justice. Elle exclut qu'une action identique, portant sur la même prétention entre les mêmes parties, soit introduite en justice et aboutisse à un nouveau jugement (TF 4A_241/2012 du 7 août 2012 consid. 2 et les références citées).
L'autorité de la chose jugée de jugements rendus à l'étranger doit également être prise en compte, dans la mesure où ils peuvent être reconnus en Suisse (Zingg, Berner Kommentar, 2013, n. 113 ad art. 59 CPC). Selon l'art. 9 al. 3 LDIP, le tribunal se dessaisit dès qu'une décision étrangère qui remplit toutes les conditions pour être reconnue en Suisse lui est présentée (ATF 126 III 329; ATF 127 III 121). Lorsque le jugement étranger n'est pas encore reconnu au moment où le juge prend connaissance de son existence, il peut le reconnaître par voie incidente (Bohnet, CPC commenté, n. 137 ad art. 59 CPC).

3.2.2 En l'espèce, il convient d'admettre, avec le premier juge et sans que cela soit contesté par l'appelante, que la Cre33 s'applique au décret rendu le 14 juillet 2005 par le Tribunal de Milan (cf. art. 66 al. 2 CL [Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007 ; RS 0.275.12]). Or cette convention renvoie, s'agissant de la procédure à suivre pour la reconnaissance de l'autorité de chose jugée, à la loi de l'Etat requis (cf. art. 1 al. 2 Cre33), soit en l'espèce aux art. 25 à 32 LDIP.
3.3
3.3.1 Selon l'art. 25 LDIP, une décision étrangère est reconnue en Suisse si la compétence des autorités judiciaires ou administratives de l'Etat dans lequel la décision a été rendue était donnée (let. a), si la décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou si elle est définitive (let. b) et s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP.
Selon l'art.. 27 al. 2 LDIP, la reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée notamment si une partie établit qu'elle n'a pas été citée régulièrenient, ni selon le droit de son domicile, ni selon le droit de sa résidence habituelle, à moins qu'elle n'ait procédé au fond sans faire de réserve (let. a), si la décision a été rendue en violation de principes fondamentaux ressortissant à la conception suisse du droit de procédure, notamment que ladite partie n'a pas eu la possibilité de faire valoir ses moyens (let. b) ou si un litige entre les mêmes parties et sur le même objet a déjà été introduit en Suisse ou y a déjà été jugé (let. c).
3.3.2 La demande en paiement assortie d'une injonction de payer, telle que prévue par les art. 633 ss du Code de procédure civil italien (ci-après : CPC italien), constitue un « acte introductif d'instance ou un acte équivalent » au sens de l'art. 34 ch. 2 CL (TF 5A_899/2013 du 11 juillet 2014 consid. 3.4.1 ; ATF 135 III 623 consid. 2.1, SJ 2010 I 211, qui appliquait alors l'art. 27 ch. 2 de la convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 16 septembre 1988 ; RS 0.275.11). Si cet acte n'a pas été régulièrement signifié ou notifié au défendeur, les décisions qui lui font suite ne sont pas reconnues (cf. art. 34 ch. 2 CL ; 27 ch. 2 CL1988). A cet égard, la Suisse a émis une réserve à l'art. 10 de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 sur la
signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (RS 0.274.131): elle a exclu qu'un acte introductif d'instance ou un acte équivalent puisse être valablement notifié sur son territoire par voie postale émanant de l'étranger (ATF 135 III 623 consid. 2.1). L'irrégularité ne peut en outre être guérie (ATF 135 III 623 consid. 3)
Lorsque la demande est accueillie, le débiteur doit être rendu attentif au fait qu'il peut faire opposition dans le délai imparti et qu'à défaut d'opposition, le décret deviendra définitif (art. 641 CPC italien). La décision d'injonction rendue sur cette base, devenue définitive à défaut d'opposition, est susceptible de reconnaissance selon la Convention de lugano, respectivement selon les art. 25 à 32 LDIP.
L'art. 642 CPC italien permet toutefois de déclarer le décret « immédiatement exécutoire ». Dans un tel cas, le décret d'injonction ne constitue pas une décision susceptible de reconnaissance selon l'art. 32 CL (ATF 139 III 232 consid. 2 ; TF 5A_752/2014 du 21 août 2015 consid. 2). Cette jurisprudence est conforme à la jurisprudence européenne, selon laquelle les décisions judiciaires rendues sans que la partie contre laquelle elles sont dirigées ait été appelée à comparaître et destinées à être exécutées sans avoir été préalablement signifiées ne bénéficient pas du régime de reconnaissance et d'exécution prévu par la Convention de Lugano (cf. Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 juillet 1995 C-474/93 Hengst Import BV).
Il convient ainsi de faire la distinction entre le décret d'injonction « ordinaire » (cf. art. 641 CPC italien), susceptible de reconnaissance, et le décret d'injonction « immédiatement exécutoire » (art. 642 CPC italien), non susceptible de reconnaissance.
3.3.3 En l'espèce, le décret d'injonction du Tribunal de Milan du 14 juillet 2005 a été rendu en application de l'art. 641 CPC italien, de sorte qu'il est susceptible de reconnaissance selon les art. 25 à 32 LDIP.
Il convient dès lors de déterminer s'il a été valablement notifié à l'appelante ou s'il ne l'a été que par voie postale, ce que soutient l'intimée, auquel cas la reconnaissance doit être refusée selon l'art. 27 al. 2 let. a LDIP, vu la réserve de la Suisse à l'art. 10 let. a Convention de la Haye du 15 novembre 1965.
Selon le « rapport de notification » figurant en dernière page du décret, la décision d'injonction accompagnée de la requête, qui constitue un acte introductif d'instance, a été notifiée par voie postale, de sorte que la reconnaissance doit lui être refusée.
Il résulte de ce qui précède que la demande est recevable et que le grief de l'appelante doit être rejeté.
4.
4.1 L'appelante soutient que c'est à tort que le premier juge a retenu que les termes du contrat correspondaient à la facture émise par l'intimée. Elle fait valoir que lorsque le prix de vente n'a pas été convenu à l'avance, il doit être établi d'une autre manière, que la venderesse n'a pas démontré que son prix correspondait aux prix du marché et qu'elle doit dès lors en supporter les conséquences.
4.2
4.2.1 La CVIM, dont il n'est pas contesté qu'elle est applicable au cas d'espèce, dispose à son art. 8 al. 3 que pour déterminer l'intention d'une partie ou ce qu'aurait compris une personne raisonnable, il doit être tenu compte des circonstances pertinentes, notamment des négociations qui ont pu avoir lieu entre les parties, des habitudes qui se sont établies entre elles, des usages et de tout comportement ultérieur des parties. L'art. 9 CVIM précise que les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti et par les habitudes qui se sont établies entre elles (al. 1). Sauf convention contraire des parties, celles-ci sont réputées s'être tacitement référées dans le contrat et pour sa formation à tout usage dont elles avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance et qui, dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les parties à des contrats de même type dans la branche commerciale considérée (al. 2).
Selon l'art. 14 CVIM, une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes déterminées constitue une offre si elle est suffisamment précise et si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. Une proposition est suffisamment précise lorsqu'elle désigne les marchandises et, expressément ou implicitement, fixe la quantité et le prix ou donne des indications permettant de les déterminer. D'après l'art. 55 CVIM, si la vente est valablement conclue sans que le prix des marchandises vendues ait été fixé dans le contrat expressément ou implicitement ou par une disposition permettant de le déterminer, les parties sont réputées, sauf indication contraire, s'être tacitement référées au prix habituellement pratiqué au moment de la conclusion du contrat, dans la branche commerciale considérée, pour les mêmes marchandises vendues dans des circonstances comparables.
4.2.2 II résulte des dispositions précitées que l'offre doit être précise, désigner les marchandises, au moins implicitement, et en fixer la quantité et le prix, étant relevé que ces indications doivent être au moins déterminables (TF 40.474/2004 du 5 avril 2005). Selon l'art. 14 al. 1 CVIM, le prix apparaît donc comme un élément essentiel de l'offre.
Cette règle semble en contradiction avec l'art. 55 CVIM. Cette contradiction est toutefois le fruit d'un compromis entre les Etats pour lesquels le prix est un élément essentiel de la vente et ceux pour lesquels il ne l'est pas. Elle ne devrait dès lors pas avoir une portée pratique exagérée. En effet, en matière de vente internationale, le prix est généralement prévu par les parties ; de plus, en cas d'absence d'accord, les usages installés entre les parties permettront souvent de retenir une fixation implicite du prix (cf. art. 8 al. 3, 9 et 14 CVIM) (Tercier/Favre/Pedrazzini, Les contrats spéciaux, 4^ éd., 2009, n. 1587, p. 236).
4.2.3 Lorsque l'art. 55 CVIM s'applique, les parties sont réputées s'être référées au « prix habituellement pratiqué au moment de la conclusion du contrat, dans la branche commerciale considérée, pour les mêmes marchandises vendues dans des circonstances comparables ». La mise en œuvre de cette disposition ne devrait pas être particulièrement difficile lorsque les marchandises sont des matières premières ou des articles semi-finis. La situation change lorsque le contrat concerne des articles manufacturés. Ainsi, la Cour suprême de Hongrie est parvenue à la conclusion que le prix de moteurs d'avion ne pouvait être déterminé en vertu de l'art. 55 CVIM car il n'existait pas de prix du marché pour ces marchandises (25 septembre 1992, décision n° 53 de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, citée in Recueil analytique de jurisprudence concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, 2009, p. 186).
4.3 En l'espèce, on doit admettre que le prix des objets et des travaux livrés est déterminable en application des art. 8 al. 3 et 9 CVIM, ce au regard des négociations qui sont intervenues entre les parties, de leurs habitudes et de leurs comportements ultérieurs.
D'une part, il ressort de l'état de faits non contesté que les parties - respectivement leurs organes dirigeants A.J. ^ et R. - se connaissaient et avaient déjà collaboré lorsqu'elles ont négocié et se sont entendues au sujet des présentoirs à montres litigieux en 2004. Elles avaient l'habitude de s'entendre par oral, au sujet notamment des commandes et de l'établissement des devis. Il résulte également des déclarations de R. que les parties ont discuté du prix des objets, à tout le moins des grands présentoirs, l'acheteur faisant confiance au vendeur pour le reste. R. a en effet déclaré, lors de son audition par le premier juge, que les devis pour tous les travaux que A.J. effectuait pour sa société étaient plus ou moins oraux, que celui-ci lui indiquait un prix sauf imprévu et que, si les produits avaient été de la qualité espérée, il imaginait bien recevoir une facture d'un montant de celle qui leur avait été adressée. Il a précisé que les discussions sur les présentoirs avaient porté sur un prix par pièce, que le prix de 275 euros l'unité pour les grands présentoirs semblait correspondre à ce qui avait été discuté - pour autant que la qualité soit celle qui était attendue -, mais que le prix de 250 euros pour les petits présentoirs semblait en revanche énorme. R. a encore déclaré que les objets livrés n'étaient pas de la qualité demandée et imaginée.
D'autre part, à la suite de la livraison, l'intimée a très rapidement adressé sa facture à l'appelante, détaillant chaque poste facturé. L'appelante n'a jamais contesté cette facture, ni les prix des présentoirs - grands ou petits -, ni les autres prestations facturées. En définitive, seule la qualité des présentoirs est discutée, R. ayant clairement déclaré que « si les produits avaient été de la qualité espérée, il imaginait bien recevoir une facture d'un montant de celle qui leur avait été adressée ». Au reste, l'appelante n'a pas non plus déposé d'opposition contre le jugement italien.

Au regard des éléments précités, on doit admettre que le prix des objets et travaux livrés est déterminable et qu'il correspond à la facture de l'intimée du 7 janvier 2005. Le grief de l'appelante sur ce point doit par conséquent être rejeté. 5.' ^
5.1 L'appelante soutient enfin que le premier juge aurait dû retenir le caractère vraisemblable d'un avis des défauts oral, compte tenu du caractère très informel des rapports entre les parties, lui-même admis pour apprécier l'accord des parties sur le prix des produits fournis.
5.2 La CVIM accorde une place importante à l'obligation du vendeur de livrer une marchandise qui soit matériellement conforme à ce qui a été convenu. Le vendeur doit ainsi à l'acheteur, à certaines conditions de fond et de forme, une garantie pour toute non-conformité (Chaudet, La garantie des défauts de la chose vendue en droit suisse et dans la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, in Les contrats de vente internationale de marchandises, CEDIDAC n° 20, p. 100).
Toutefois, la garantie n'est donnée qu'à trois conditions de fond et moyennant le respect de deux incombances. Il faut que la marchandise présente un défaut de conformité au moment du transfert des risques (art. 36 al. 1 CVIM), que ce défaut ait été ignoré de l'acheteur au moment de la conclusion du contrat (art. 35 al. 3 CVIM) et que ce dernier ne l'ait pas accepté une fois connu (Tercier/Favre/ Pedrazzini, op. cit., nn. 1630-1635, pp. 242-243 ; Chaudet, op. cit., pp. 102 à 105). L'acheteur doit, en plus, sous peine de déchéance, vérifier à bref délai, compte tenu des circonstances, les marchandises dès qu'elles lui sont remises (art. 38 CVIM) et dénoncer le défaut au vendeur de manière précise dans un délai raisonnable dès le moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater par vérification (art. 39 CVIM ; Tercier/Favre/Pedrazzini, op. cit., nn. 1636-1645, pp. 243-244; Chaudet, op. cit., pp. 105.à 110).
L'art. 38 CVIM donne ainsi à l'acquéreur un délai, aussi bref que possible eu égard aux circonstances, pour l'examen des marchandises. Il est donc admis que la vérification n'est pas forcément immédiate. L'acquéreur dispose ensuite d'un délai raisonnable, qui lui ne dépend pas des circonstances, pour dénoncer la non-conformité au contrat. Selon la majorité de la doctrine, cet avis doit suivre immédiatement la découverte du vice, car l'acquéreur n'a, en règle générale, aucune raison de différer sa dénonciation (Neumayer/Ming, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises. Commentaire, CEDIDAC n° 24, n. 3 ad art. 39 CVIM et les auteurs cités à la note infrapaginale n. 7, p. 304 ; Wyler, Garantie, conformité et inspection des marchandises dans la vente internationale. Etude de la Convention de Vienne, in Recueil de travaux en l'honneur du Professeur François Gilliard, pp. 175 ss, p. 181).
5.3 En l'espèce, comme l'a constaté à juste titre le premier juge, il n'est pas établi que l'appelante ait signifié à l'intimée la non-conformité des présentoirs livrés. Au demeurant, même si l'on devait admettre, sur la base de l'audition de R. , que l'appelante a bel et bien contesté la qualité de la marchandise oralement, on ignorerait encore quand cette annonce a été faite, de sorte qu'on ne pourrait statuer sur le caractère raisonnable de l'avis des défauts. L'appelante n'a ainsi pas démontré qu'elle aurait communiqué à l'intimée, dans un délai raisonnable, la non-conformité des présentoirs livrés et les considérants complets et convaincants du premier juge sur ce point peuvent être confirmés par adoption de motifs.
Partant, l'appelante est déchue de son droit de se prévaloir de la non- conformité des objets livrés.
6. En définitive, l'appel doit être rejeté et la décision rendue le 27 mai 2015 confirmée.
Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à l'OOO fr. (art. 62 al. 1 TFJC [tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010; RSV 270.11.5]), seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).
L'appelante versera en outre à l'intimée la somme de 1'200 fr. à titre de dépens de deuxième instance (art. 106 CPC).
?I. L'appel est rejeté.}}

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