Data
- Date:
- 19-09-2005
- Country:
- Switzerland
- Number:
- C1 04 33
- Court:
- Tribunal Cantonal Valais
- Parties:
- --
Keywords
AGENCY - MATTER EXCLUDED FROM SCOPE OF CISG (ART. 4 CISG) - TO BE DECIDED ACCORDING TO OTHERWISE APPLICABLE LAW
BURDEN OF PROOF - MATTER NOT EXPRESSLY SETTLED BY CISG - RECOURSE TO GENERAL PRINCIPLE UNDERLYING CISG THAT CLAIMANT MUST PROVE ITS CAUSE OF ACTION.
PAYMENT OF PRICE (ART. 53 CISG) - CURRENCY TO BE DETERMINED IN ACCORDANCE WITH OTHERWISE APPLICABLE LAW
INTEREST RATE (ART. 78 CISG) - DOMESTIC LAW APPLICABLE
SELLER'S OBLIGATION TO DELIVER - PERFORMED BY HANDING GOODS OVER TO THE FIRST CARRIER (ART. 31(A) CISG) OR BY PLACING GOODS AT BUYER'S DISPOSAL (ART. 31(C) CISG) IF PARTIES DID NOT AGREE ON A PARTICULAR PLACE OF DELIVERY
Abstract
A Swiss company (buyer) placed several orders for welding devices with an Italian company (seller) through a third person who appeared to be acting on buyer’s behalf. After delivery, the seller issued the corresponding invoices but the seller refused to pay, alleging not to bound by the contract because of lack of authority by the third party. Then a dispute arose between the parties.
First of all, after confirming its jurisdiction over the case in accordance with Art. 2(1) of the 1988 Lugano Convention on Jurisdiction and Enforcement of Judgements in Civil and Commercial Matters, the Court held that the contracts were governed by CISG as both parties had their places of business in different Contracting States (Art. 1(1)(a) CISG).
As to the question whether the third party could be considered as agent of the buyer, the Court held that the matter of agency was not covered by CISG (Art. 4 CISG), with the result that it had to be settled in conformity with the otherwise applicable domestic law (i.e. Swiss law). The Court then found that the buyer, although perfectly aware that the third party used to act as its representative vis-à-vis the Italian party, had never objected to that, only requesting the third party to no longer mention its name when dealing with the Italian counterparty. Furthermore, the buyer did pay a part of the sums owed to the seller without specifying that such an amount was only a down payment on behalf of the third party and that it did not hold itself debtor to the seller. Again, the buyer allowed the third party to use its conference room and its fax, by means of which the latter had placed orders by making use of the buyer’s headed letter-paper. It followed that, since the seller had legimatevely relied upon the fact that the third person was acting as an agent of the buyer, the latter had to be deemed party to the sales contracts at issue.
Moreover, the Court rejected the buyer’s argument that the seller had failed to deliver the goods. In doing so, it first of all stated that, according to the general principle underlying CISG (Art. 7(2)) that the claimant should bring evidence in favor of its cause of action, it was up to the seller to prove that delivery had actually taken place. The Court then found that the seller had demonstrated it had performed the contract either by, according to Art. 31 CISG, handing the goods over to the first carrier for trasmission to the buyer or by placing them at the buyer’s disposal in its place of business depending on the kind of goods to be delivered. However, since with respect to one of the alleged orders evidence had not been provided, the seller was denied recovery of the corresponding price.
In order to determine the currency of payment, after recalling that CISG does not contain any provision thereon, the Court applied Italian law (as the law of the country in which the seller has his habitual residence at the time when he receives the order pursuant to Art. 3(1) of the 1955 The Hague Convention on The Law Applicable To International Sale Of Goods) and, therefore, awarded the seller the purchase price in Euro.
The Court finally granted the seller interest on the outstanding price (Art. 78 CISG) in accordance with the Italian statutory rate.
Fulltext
(...)
I. Statuant en faits
l. a) A S.R.L. (demanderesse) a pour but la production et le commerce de produits à souder. C, administrateur délégué de la société, a fait la connaissance de D, en 1995. Dès le 1er juillet 1996, D a travaillé comme consultant de A S.R.L. Il a exercé, de manière autonome, cette activité, qui consistait à développer et à consolider les nouveaux marchés, en particulier, à l'étranger. Le contrat, d'une durée initiale d'une année, a, de manière expresse, régulièrement été reconduit pour la même période, la dernière fois le 30 juin 1999. Les parties sont convenues d'une rémunération à la commission. Celle-ci, calculée sur une activité de huit jours par mois, s'élevait au montant brut de 80'000'000 lires par année, les deux premières années, et de 86'000'000 lires par la suite. D disposait d'une carte de visite mentionnant sa qualité d'"export manager" de la société. Le 23 février 2000, la demanderesse a mis fin aux rapports contractuels avec effet immédiat, en faisant valoir que l'intéressé travaillait au service d'une société concurrente. Le 26 février suivant, D a fait opposìtion "au congé", dont il a contesté les motifs.
B S.A. (défenderesse) tend au commerce de produits d'acier de toutes sortes, à l'exécution de toutes affaires y relatives, ainsi qu’à la participation à d'autres entreprises en Suisse et à l'étranger. D est titulaire du capital-actions de B S.A. E est administrateur unique de la société, qu'il engage par sa signature individuelle. De siège social à Lens, la défenderesse dispose d'un bureau, à Sierre, auprès de la socíété F S.A. (ci-après : F S.A.), dont l'administrateur unique est également E.
b) En 1999, D a manifesté la volonté de constituer, en Italie, une société à responsabilité limitée, dont une quote-part du capital-actions serait souscrite par B S.A. Interpellé, E a accepté; il a délivré une procuration à G, consultant de D et chargé, par celui-ci, de fonder la société en ltalie. Le 22 avril 1999, G, agissant au nom de B S.A., et H, épouse de D, ont constitué K ‘Società a responsabilità limitata’ (ci-après : K), de siège social à Gênes. Le capital-actions, d'un montant de 20 mios lires, a été souscrit à raison de 2 mios lires par dame H et de 18 mios lires par B S.A. Selon E, la défenderesse n'a pas libéré les actions souscrites.
Bien que dame H était administratrice unique de K, son mari a dirigé la société. Il a, en particulier, négocié la cession de 80 % du capital-actions à L. G, qui tenait la comptabilité de K, a, avec le concours “exclusif” de D, établi le bilan de celle-ci, nécessaire aux pourparlers contractuels. A l'occasion de ceux-ci, D s’est entretenu avec l'expert-comptable M, qui agissait pour l'acquéreur. Il lui a déclaré que “B S.A. lui appartenait et qu'elle avait été constituée pour des raisons fiscales”. Lorsque les pourparlers ont abouti, D a spécifié qu'il devait étre au bénéfice d'une procuration de B S.A. pour contracter. Le 4 mai 2000, E lui a délivré deux procurations spéciales. En vertu de la première, D était habilité à vendre à “L S.R.L.” une quote-part de 80 % du capital-actions de K pour le prix de 16 mios lires; la seconde procuration lui conférait le pouvoir de représenter B S.A. à l'assemblée générale extraordinaire du 5 mai 2000. A la suite de l'instrumentation de l'acte de cession du capital-actions, L s'est acquittée du prix de vente en main de D. K a alors modifié sa raison sociale en N S.R.L. D, en qualité d'administrateur délégué, a géré celle-ci.
c) Dès la fin de l'année 1997, D a, au nom de B S.A., régulièrement commandé des marchandises à A S.R.L. Il s'agissait, selon la défenderesse, de commandes personnelles de D. Celui-ci a sollicité E de lui consentir "une avance" en payant différentes factures adressées à B S.A. par A S.R.L. E a accepté et, agissant pour la défenderesse, a versé sur le compte de la demanderesse les montants de 48'997'540 lires et de 23'261'500 lires, les 23 septembre 1998 et 16 mars 1999, sans spécifier qu'il contestait la qualité de débitrice de B S.A. Par la suite, D a, selon E, remboursé la défenderesse.
2. a) Le 16 octobre 1998, D, déclarant agir au nom de B S.A., a commandé à A S.R.L. des marchandises à remettre à la société O GmbH, à Holdorf/D, par l'intermédiaire du voiturier “P”. Le même jour, la demanderesse a signifié à la défenderesse la confirmation de commande, qui spécifiait les prix, les lieux de destination ("Spedire a / Ship to address") et de facturation (“Fatturare a / Invoice to address”), ainsi que les conditions de livraison, en particulier, la personne de l'expéditeur (“shipper”), la société de transport international PP, à Gênes (pièce 25 p. 115). Le 21 octobre 1998, la destinataire a signé l'accusé de réception, dont une copie a été signifiée par le transporteur à la demanderesse (pièce 131 p. 221). Le 26 octobre suivant, celle-ci a adressé à B S.A. la facture d'un montant de 19'772'000 lires. Le 16 novembre 1998, la demanderesse a fait parvenir à la défenderesse une confirmation de commande de matériaux à livrer à O GmbH à Holdorf, pour un montant de 53'954'000 lires; cette pièce comportait les mêmes rubriques que la précédente; les sociétés PP et Q S.R.L., désignées par D (pièce 32 p. 122), étaient chargées du transport (pièce 30 p. 120). Un représentant de Q S.R.L. a signé le document de transport, établi le 11 novembre 1998 (pièce 29 p. 119; rubrique : “Firma conducente”). Le 24 novembre 1998, A S.R.L. a établi la facture, d'un montant de 53'954'000 lires.
Le 25 janvier 1999, trois commandes ont été adressées à la demanderesse sur papier à en-tête de la défenderesse, portant la signature de E (pièce 39 p. 129, pièce 46 p. 136 et pièce 58 p. 148). Le 28 janvier 1999, A S.R.L. a confirmé à B S.A. les deux premières commandes, en spécifiant que le client prendrait possession de la marchandise "à l'usine" (pièce 37 p. 127 et pièce 44 p. 134 : “Customer pick up" et "Terms of delivery : ex-works"). Le même jour, elle lui a réclamé le prix des objets, à concurrence de 5'125'500 lires et de 50'005'500 lires. Les documents de transport, signés, constituent des preuves appropriées des prises delivraison (pièce 36 p. 126 et pièce 43 p. 133). A teneur du bulletin de la troisième commande, la marchandise était destinée à la société R, à Châtenoy-le-Royal/F, voire chez B S.A. Le 9 février 1999, A S.R.L. a transmis la confirmation de commande à B S.A., en indiquant comme destinataire la société R, à Chalon sur Saône/F; l'expédition devait intervenir par S (pièce 56 p. 146). La demanderesse n'a pas produìt de pièce propre à établir l'envoi par S; le document de transport versé en cause n'y fait aucune allusion (pièce 55 p. 145) contrairement à la lettre de voiture relative à la livraison à T S.A. (pièce 69 p. 159; consid. 2b). Le 11 mars 1999, la demanderesse a invité la défenderesse à s'acquitter du prix de 1'002'156 lires.
Les 17 février, 19 mai et 23 juin 1999, A S.R.L. a réclamé à B S.A. le paiement des montants de 644’940 lires, de 103'000 lires et de 2'794’800 lires, afférents à des marchandises destinées à Sierre. La demanderesse n'a pas produit les confirmations de la première et de la deuxième commande, ainsi que le document de transport concernant celle-ci. D a, par sa signature, attesté la réalité de la première livraison (pièce 49 p. 139). Le 18 juin 1999, A S.R.L. a confirmé la troisième commande en spécifiant que le client prendrait possession de la marchandise "à l'usine" (pièce 67 p. 157 : "Terms of delivery: ex-works"). La société U S.R.L., à Gênes, devait procéder au transport; un représentant de cette société a signé le document relatif à celui-ci, le 23 juin 1999 (pièce 66 p. 156).
Dans l'intervalle, le 16 juin 1999, en se fondant sur une commande sur papier à en-tête de B S.A., non signée, la demanderesse a signifié à la défenderesse une facture de 930700 fires; elle n'a pas établi la livraison des marchandises y refatives par le dépôt d'un document de transport ou par l'administration d'un autre moyen de preuve.
b) T S.A., de siège social à Sion, œuvre dans la fabrication et le commerce d'échafaudages. En 1999, E tenait la comptabilité de cette société, dont il était, par ailleurs, administrateur. Il a présenté D à V, directeur de T S.A. V a commandé à D une machine à souder, livrée le 28 juin 1999. Le même jour, A S.R.L. a réclamé à B S.A. le prix de vente, d'un montant de 88'420 lires. Selon V, la fiduciaire de T S.A. devait procéder au paiement.
Le 17 février 1999, la demanderesse a fait parvenir à la défenderesse une note de crédit de 152100 lires pour du matériel non réparable (pièce 72 p. 162).
c) Le 10 mai 2000, Me X, avocat à Gênes, agissant pour la demanderesse, a réclamé à la défenderesse, après avoir déduit le montant de la note de crédit, le paiement de 134'268'916 lires, relatif aux factures précitées, payables à nonante jours (consid. 2a et b), récapitulées de la manière suivante : (…)
d) B S.A. conteste avoir commandé ou reçu les marchandises facturées par A S.R.L. D n'était, par ailleurs, pas habilité à contracter au nom de la défenderesse. A réception des factures, dont il ignorait les causes, E a sommé D “de cesser de faire mention de la société B AG pour des affaires qui le concernaient peut-être à titre privé (?) et ne concernaient pas la société B”. L'intéressé a manifesté la volonté de régler le cas. Sachant qu'il avait la qualité d’ “export manager” de la demanderesse, l'administrateur de B S.A. lui a fait confiance. A réception du rappel de Me X, il a invité D à lui présenter la preuve des paiements. Par la suite, la demanderesse n'a plus adressé de factures à la défenderesse, en sorte que E a estimé "que tout était en ordre". Il a relevé que sa signature, apposée sur trois bulletins de commande, constituait un faux matériel. Il a ajouté que, lorsque D se rendait à Sierre, il mettait à disposition de celui-ci la salle de conférence et le télécopieur de F S.A. Au moyen de celui-ci, D a, le 12 décembre 1997, adressé une commande à A S.R.L. E ne s'est jamais entretenu avec les organes de A S.R.L. Il est d'avis que les parties ont été “tchoulées” par D.
C a, en substance, exposé que D s'était présenté comme l'ayant droit de B S.A. En raison de leur lien de confiance, C n'a procédé à aucune vérification portant, en particulier, sur la solvabilité de B S.A. Il n'a, par ailleurs, jamais invité D à établir ses pouvoirs de représentation. Dans ses relations contractuelles avec la défenderesse, la demanderesse a toujours traité avec D.
lI. Considérant en droit
3. a) L'articie 1er al. 2 LDIP réserve les traités internationaux en matière de compétence internationale, notamment la Convention de Lugano, du 16 septembre 1988, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après : CL), entrée en vigueur entre la Suisse et l'Italie le 1er décembre 1992 (art. 61 al. 3 CL). La demanderesse, dont le siège est à Gênes, ayant introduit action contre la défenderesse, domiciliée à Lens, la CL est applicable (art. 54 al. 1 CL; ATF 119 Il 391 consid. 2; RVJ 1995 p. 164 consid. 1a).
Les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont, sous réserve de dispositions contraires, attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat (art. 2 al. 1 CL).
b) En l'occurrence, B S.A. a son siège social à Lens, en sorte que les autorités judiciaires ordinaires du canton du Valais sont compétentes à raison du lieu.
Déterminée par les conclusions de la demande, la valeur litigieuse s'élève à 108176 fr. 80. Elle fonde la compétence de la cour de céans pour juger la présente affaire en première et unique instance cantonale (art. 23 al. 1 let. b CPC en relation avec l'art. 46 OJ).
4. La demanderesse allègue avoir, entre le 26 octobre 1998 et le 28 juin 1999, vendu à la défenderesse différents produits à souder, pour lesquels elle a émis des factures, qui sont restées impayées, et une note de crédit. A S.R.L. fonde ainsi son action sur la conclusion avec B S.A. d'un contrat de vente internationale de marchandises.
a) D'après l'article 1er al. 1 let. a de la convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 (ci-après : CVIM), le traité s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents, lorsque ces Etats sont des Etats contractants. La CVIM, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1988 pour l'Italie et le 1er mars 1991 pour la Suisse, régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu'un tel contrat fait naître entre le vendeur et l'acheteur (art. 4, lre phrase, CVIM). En revanche, sauf disposition contraire expresse, la CVIM ne concerne pas la validité du contrat (art. 4 let. a CVIM). La représentation des personnes physiques et des personnes morales, ainsi que la capacité civile, sont dès lors exclues du champ d'application de la CVIM (Brunner, UN-Kaufrecht-CISG, 2004, n. 6 et 33 ad art. 4 CVIM; Neumaver/Ming, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises : commentaire, 1993, n. 10 ad art. 4 CVIM). Ces questions restent soumises au droit national désigné par les règles du conflit du for (Neumayer/Ming, n. 1 ad art. 4 CVIM).
En vertu de l'article 154 al. 1 LDIP, les sociétés sont régies par le droit de l'Etat en vertu duquel elles sont organisées si, comme en l'espèce, elles répondent aux conditions de publicité ou d'enregistrement prescrites par ce droit. Relève de la loi applicable, sous réserve des articles 156 à 161 LDIP, le pouvoir de représentation des personnes agissant pour la société conformément à son organisation (art. 155 let. i LDIP).
B S.A., constituée en Suisse, est donc régie par le droit suisse.
b) A teneur de l'article 718 al. 1, lre phrase, CO, le conseil d'administration représente la société à l'égard des tiers. Le conseil d'administration peut déléguer le pouvoir de représentatíon à un ou plusieurs de ses membres (délégués) ou à des tiers (directeurs; art. 718 al. 2 CO).
Une représentation apparente (Anscheinsvollmacht) et une représentation tolérée (Duldungsvollmacht) sont, par ailieurs, concevables en matière de représentation de la société par ses organes (Watter, Commentaire bâlois, n. 26 ss ad art. 718 CO; Ditesheim, La représentation de la société anonyme, thèse Lausanne 2001, p. 76). La notion d'organe peut, en effet, se déduire de circonstances externes, par application du principe de la confiance (ATF 117 II 570 consid. 3). Ainsi, lorsqu'un tiers de bonne foi, partenaire honnéte et raisonnable, déduit des apparences que la personne agissant pour la société a une position d'organe, l’intéressé acquiert ce statut (Ditesheim, op. cit., p. 76). Si la société ne s'est pas opposée, en connaissance de cause, à ce qu'un de ses auxiliaires agisse pour elle en donnant l'apparence d'étre un organe, elle court dès lors le risque de se voir imputer les actes de représentation comme si c'était elle qui les avalt accomplis personnellement, en son nom et pour son compte (ATF 96 II 439 consid. 2, et réf. cit.;Böckli, Schweizer Aktienrecht, 3e éd., 2004, § 13 n. 510; Homburger, Commentaire zurichois, n. 1150 ad art. 718 CO; Ditesheim, op. cit., p. 77 s.). L'organe du fait de l'apparence ne se confond pas avec l'organe de fait. La société peut, en particulier, agir en responsabilité contre celui-ci; en revanche, elle ne dispose pas d'une action fondée sur l'articie 754 al. 1 CO contre celui-là, car elle connait l'étendue réelle des compétences de ses auxiliaires (Ditesheim, op. cit., p. 74 ss; sur la notion d'organe de fait, cf. ATF 128 III 29 consid. 3).
c) En l'espèce, B S.A. savait que D agissait en son nom auprès de A S.R.L. L'administrateur unique E a, en particulier, reçu les factures de celle-ci et le rappel de Me X. Nonobstant la répétition d'actes de représentation sans pouvoirs, la défenderesse, à réception de ces pièces, n'a pas manifesté, auprès de la demanderesse, son opposition à ce que D agisse pour elle; elle a, en effet, uniquement sommé celui-ci "de cesser de faire mention" de B S.A. De surcroît, les 25 septembre 1998 et 16 mars 1999, la défenderesse a versé, sur le compte de la demanderesse, les montants de 48'997'540 lires et de 23'261'500 lires - soit, près de 60'000 fr. -, facturés à la suite de commandes de D. Elle n'a spécifié ni lors du premier paiement ni à l'occasion du second, qu'elle consentait, par ces versements, une avance à D et qu'elle contestait sa qualité de débitrice. E a, en outre, mis à disposition de D la salle de conférence et le télécopieur de F S.A., en sorte que l'intéressé avait la faculté de procéder à des commandes depuis les bureaux de B S.A., sur papier à en-tête de celle-ci. Eu égard à l'attitude adoptée par la défenderesse, la demanderesse était en droit d'admettre, de bonne foi, que D, qui se comportait, en Italie, comme l'ayant droit de B S.A., disposait effectivement des pouvoirs de représentation nécessaires. Les actes de l'intéressé, qui n'étaient pas exorbitants du but social (cf. ATF 96 II 439 consid. 3b), doivent, partant, être imputés à la défenderesse. C'est dire que celle-ci est partie aux contrats de vente conclus, en son nom, par D. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de déterminer si E est le signataire réel des trois commandes du 25 janvier 1999.
5. La défenderesse prétend que la demanderesse ne lui a jarnais livré de marchandises.
a) L'obligation principale du vendeur consiste à livrer les marchandises, à en transférer la propriété et, s'il y a lieu, à remettre les documents s'y rapportant (art. 30 CVIM). L'article 31 CVIM indique les démarches à accomplir ainsi que le lieu d'exécution. De nature supplétive, il ne s'applique que si les parties ne sont pas convenues d'un endroit déterminé, expressément, implicitement - conformément aux usages ou aux habitudes entre les parties (art. 8 CVIM) - ou en référence à des termes commerciaux comme les Incoterms. Ceux-ci sont les règles officielles édictées par la chambre de commerce internationale (ci-après : CCI) pour l'interprétation des termes les plus répandus dans le commerce international. Les Incoterms concernent essentiellement l'obligation de livraison et la question du transfert des risques (Venturi, Commentaire romand, n. 66 ad art. 184 CO). Ils ne s'appliquent, en principe, qu'en vertu d'un accord entre les parties (Erdem, La livraison des marchandises selon la Convention de Vienne, thèse Fribourg 1990, n° 245, 272 et 377; Neumayer/Ming, n. 7 ad art. 31 CVIM; CCI, Incoterms 1990, n° 22 p. 114). La plupart des contrats contiennent des clauses de livraison, en sorte que l'article 31 CVIM revêt une portée limitée (Erdem, op. cit., n° 350 ss; Neumayer/Ming, n. 1 ad art. 31 CVIM).
En l'absence d'un choix des parties, dans la vente à distance et lorsque l'accord implique un transport des marchandises entre le vendeur et l'acheteur, l'obligation de livraison consiste à remettre les marchandises au premier transporteur pour transmission à l'acheteur (art. 31 let. a CVIM; Neumayer/Ming, n. 6 ad art. 31 CVIM). L'obligation de remettre la marchandise au transporteur pour transmission à l'acheteur implique la conclusion d'un contrat de transport (Erdem, op. cit., n° 397; Neumayer/Ming, n. 4 ad art. 31 CVIM). L'indépendance du transporteur est essentielle: pour que l'article 31 let. a CVIM s'applique, il s'agit forcément d'une personne morale ou physique diffèrente et sans lien de subordination avec, le vendeur ou avec l'acheteur (Brunner, n. 6 ad art. 31 CVIM; Erdem, op. cit., n° 407 ss; Neumayer/Ming, n. 6 ad art. 31 CVIM; Vulliéty, Le transfert des risques dans la vente internationale, thèse Genève 1998, p. 294).
Dans les cas où le vendeur se charge lui-même du transport des biens ou que celui-ci est effectué par une personne qui dépend de lui, l'article 31 let. a CVIM n'est pas applicable car les parties sont alors convenues de livrer la marchandise en un autre lieu particulier: l'obligation de livraison n'est pas exécutée aussi longtemps que le vendeur détient directement ou indirectement les biens (Erdem, op. cit., n° 409; Neumaver/Ming, n. 6 s. ad art. 31 CVIM; Vulliéty, op. cit., p. 293).
Sauf disposition contractuelle divergente, la mise à disposition des biens (ou des documents représentatifs de marchandises) et le paiement du prix sont concomitants et se conditionnent mutuellement (art. 58 al. 1 CVIM; Brunner, n. 1 ad art. 58 CVIM; Neumayer/Ming, n. 2 ad art. 58 CVIM).
b) Même si la CVIM ne contient aucune règle directe quant au fardeau de la preuve, le juge saisi ne devrait pas se fonder sur sa loi interne, car, de manière indirecte, le traíté contribue à la répartition du fardeau de la preuve, cela en raison de la teneur des termes qui y sont employés ou de l'établissement d'une relation entre une règle et son exception. D'une manière générale, celui qui se prévaut d'un droit supporte la charge de la preuve des conditions de son existence; inversement, l'autre partie doit prouver les faits qui excluent la prétention invoquée ou s'y opposent (ATF 130 III 258 consid. 5.3; arrêt 4C. 105/2000 du 15 septembre 2000, consid. 5a, in: SJ 2001 1 p. 304 ss). La partie qui réclame le paiement de la marchandise vendue doit ainsi établir la livraison conforme au contrat (arrêt 4C.198/2003 du 13 novembre 2003).
c) En l'espèce, les actes de la cause révèlent que les parties sont convenues d'un lieu de destination. Celui-ci est mentionné dans les confirmations de commande et dans les factures, sous la rubrique “Spedire a / Ship to address”; il figure, en outre, dans les documents de transport ("Destinazione merce"). Le lieu de livraison ne doit pas être confondu avec le lieu de destination. Le lieu de livraison est le lieu où le
vendeur s'acquitte de son obligation de livrer les marchandises. Le lieu de destination est le lieu jusqu'où le transport des marchandises doit parvenir (Erdem, op. cit, n° 360 ss). Ainsi, par exemple, le fait que, dans la vente à distance, le vendeur prend à sa charge les frais de transport ne suffit pas à donner au lieu de destination le caractère du lieu où l'obligation doit être exécutée (ATF 46 II 457).
Les confirmations de commande versées en cause établissent le lieu où la demanderesse devait livrer les marchandises afin de s'acquitter de son obligation. Selon l'objet de la vente, A S.R.L. étaìt tenue:
- de remettre les marchandises à un transporteur indépendant pour transmission à B S.A., voire à un tiers;
- de mettre les marchandises, dans son établissement ("à l'usine"), à la disposition de B S.A., qui devait en prendre livraison;
- de faire parvenir, par S, les marchandises à la défenderesse ou à un tiers.
A S.R.L. a établi, par le dépôt de documents de transport signés, s'être acquittée de son obligation de remettre la marchandise à un voiturier indépendant s'agissant des commandes afférentes aux factures n° V8006878 de 19772'000 lires et V8007878 de 53'954'000 lires.
Les documents de transport déposés en cause constituent, en outre, la preuve appropriée de la prise de livraison, à l'usine, conformément au choix des parties, des objets vendus les 28 janvier, 17 février et 23 juin 1999 (factures n° V9000487 de 5'125'500 lires, n° V9000488 de 50'005'500 lires, n° V9001020 de 644'940 lires et n° V9004417 de 2794'800 lires).
En revanche, la demanderesse n'a pas apporté la preuve de la livraison des marchandises, dont elle a réclamé les paiements les 19 mai 1999 - 103'000 lires - et 16 juin 1999 - 930’700 lires -. Elle n'a, par ailleurs, pas établi l'expédition, par S, de la marchandise facturée, le 11 mars 1999, à hauteur de 1'002'156 lires; la confirmation de commande y relative indique, en outre, un lieu de destination différent de celui de la commande.
La demanderesse ne saurait prétendre au paiement, par la défenderesse, de la machine à souder, livrée à T S.A. V, agissant pour celle-ci, a, en effet, conclu le contrat de vente avec D, qui représentait alors A S.R.L. T S.A. ne conteste ainsi pas devoir le montant de 88'420 lires dans la mesure où il n'aurait pas été payé par sa fiduciaire. C'est dire que B S.A. n'a, à cet égard, pas la qualité pour défendre.
En définitive, le montant dú par la défenderesse à la demanderesse s'élève, après déduction de la note de crédit du 17 février 1999, à 132'144'640 lires [(19'772'000 lires + 53'954'000 lires + 5'125'500 lires + 50'005'500 lires + 644'940 lires + 2’794'800 lires) - 152’100 lires].
6. a) La CVIM ne contient aucune règle sur la monnaie et les moyens de paiement légaux. A défaut de dispositions contractuelles spécifiant la devise de paiement, c’est le droit national désigné par les règles de conflit qui la détermine (RVJ 1999 p. 227 consid. 3c; Neumayer/Ming, n. 4 ad art. 54 CVIM). Il convient dès lors de se référer à l'articie 118 LDIP (RSDIE 2005 p. 119; 2004 p. 106; RVJ 1999 p. 227 consid. 3c). En vertu de cette disposition, les ventes mobilières sont régies par la conventon sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels, conclue à La Haye le 15 juin 1955. Selon l'article 3 al. 1 de ce traité, la vente est, sauf dérogation n'entrant pas en considération dans le cas particulier, régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande.
La loi applicable à la monnaie détermine également le taux de conversion en cas de substitution d'une monnaie par une autre, à l'intérieur d'un Etat (par exemple, au Brésil, la substitution du cruzeiro par le cruzeiro real et ensuite par le real) ou d'une communauté d'Etats (c’est le cas de l'euro) (Bucher, Droit intemational privé, 2e éd., 2004, n° 1139). Le taux de conversion n'est pas un taux de change, susceptible de varier en fonction des performances relatives des économies nationales et des aléas
des marchés (Thévenoz, Droit suisse et monnaie unique, in : Journée 1996 de droit bancaire et financier, p. 20).
b) En l'espèce, les commandes ont, avec une vraisemblance confinant à la certitude, été reçues au siège de la demanderesse, à Gênes. Le droit italien, partant la monnaie de ce pays, est dès lors applicable; les confirmations de commande et les factures mentionnaient d'ailleurs la lire comme monnaie de paiement (“Valuta / Currency : ITL”). Cette monnaie a été remplacée par l'euro. Le paiement de la créance doit dès lors être opéré par le versement du montant en cette monnaie, calculé au taux de conversion conformément au Traité de Maastricht et aux deux règlements concernant l'euro (cf. Dutoit, Droit international prìvé suisse, 4e éd., 2005, n. 51 ad art. 117 LDIP). Le taux de conversion officiel, déterminé le 1er janvier 1999, exprimé par la contre-valeur d'un euro en lires, s'élève à 1936,27 (www.promeuro.org/mm2/Avecleuro-Imp.htm). Le montant de la créance doit donc être arrêté à 68'247 euros (132'144'640 lires : 1936,27).
c) L'acheteur en demeure doit un intérêt moratoire dès que le prix de vente est exigible, sans interpellation du vendeur (art. 59 et 78 CVIM; RSDIE 2004 p. 107, et réf. cit.; Neumayer/Ming, n. 24, p. 385).
L'article 78 CVIM prévoit le paiement d'intérêt de retard sans en préciser le taux (RVJ 1998 p. 140 consid. 5b; 1995 p. 164 consid. 2c; Brunner, n. 7 ad art. 78 CVIM). Celui-ci doit dès lors être déterminé selon le droit désigné par les règles de conflit du for (art. 7 al. 2 CVIM; arrêt 4C.179/1998 du 28 octobre 1998, in: RSDIE 1999 p. 181; RSDIE 2005 p. 120; 2004 p. 108). Conformément aux articles 118 LDIP et 3 al. 1 de la convention de La Haye de 1955 (sur l'application de ces dispositions, cf. RSDIE 2005 p. 120; 2004 p. 108; RVJ 1998 p. 140 consid. 5b; 1995 p. 164 consid. 2c), il s'agit, à nouveau, de la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande, soit le droit italien.
Selon l'article 1284 al. 1 du code civil italien, le taux légal de l'intérêt moratoire s'élève à 5 %. Le Ministre du trésor peut, par décret, modifier annuellement ce taux, qui a été arrêté à 5 % du 21 avril 1942 au 15 décembre 1990, à 10 % du 16 décembre 1990 au 31 décembre 1996, à 5 % du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, à 2,5 % du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000, à 3,5 % du ler janvier au 31 décembre 2001, à 3 % du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 et à 2,5 % dès le 1er janvier 2004 (www.studioripa.it).
d) En l'occurrence, les factures étaient payables dans un délai de nonante jours. Dans ces circonstances, B S.A. versera à A S.R.L. le montant de 68'247 euros, avec intérêt, dès le 20 mars 1999 (échéance moyenne), au taux de 2,5 % jusqu’au 31 décembre 2000, de 3,5 % du ler janvier au 31 décembre 2001, de 3 % du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 et de 2,5 % dès le ler janvier 2004.
7. La défenderesse a, pour l'essentiel, qualité de partie qui succombe, en sorte qu'elle doit supporter les frais et dépens de la cause (art. 252 al. 1 CPC).
a) Déterminé en fonction de la valeur litigieuse, l'émolument de justice varie entre 5000 fr. et 15'000 fr. (art. 14 al. 1 LTar). Le degré de difficulté de la cause doit être qualifié d'ordinaire. Aussi, eu égard aux principes de la couverture des frais et de l'équivalence des prestations (art. 11 al. 2 LTar), les frais de justice sont arrêtés à 7500 fr. et comprennent 6994 fr. d'émolument de justice ainsi que 506 fr. de débours au sens des articies 5 ss LTar (soit 406 fr. d'indemnités de témoins et 100 fr. pour les services d'un huissier). Compte tenu des avances effectuées par chaque partie - 4500 fr. -, la défenderesse versera à la demanderesse le montant de 3000 fr. à titre de remboursement d'avances. Le solde des avances en possession du greffe du tribunal, soit 1500 fr., sera restitué à la partie demanderesse.
b) Les honoraires varient entre 10’100 fr. et 14'000 fr. pour l'ensemble de la procédure (art. 32 al. 1 LTar). L'activité déployée par le conseil de la demanderesse a, notamment, consisté à rédiger un mémoire-demande, un mémoire-réplique et un mémoire-conclusions, ainsi qu’à participer au débat préliminaire, à deux séances d’instruction et au débat final. En tenant compte, par ailleurs, du degré de difficulté moyen de la cause, les dépens dus à la partie demanderesse sont arrêtés à 11'000 fr. (honoraires et débours compris).
Par ces motifs,
PRONONCE
1. B S.A. paiera à A S.R.L. le montant de 68'247 euros, avec intérêt, dès le 20 mars 1999, au taux de 2,5 % jusqu'au 31 décembre 2000, de 3,5% du 1er janvier au 31 décembre 2001, de 3 % du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 et de 2,5 % dès le 1er janvier 2004.
2. Les frais de justice, par 7500 fr., sont mis à la charge de B S.A.}}
Source
Original in French:
- available at the University of Basel website, http://www.cisg-online.ch}}