Data
- Date:
- 25-02-2020
- Country:
- France
- Number:
- 17/18001
- Court:
- Cour d'Appel de Paris
- Parties:
- --
Keywords
SALES CONTRACT - BETWEEN AN INDIAN SELLER AND A ROMANIAN BUYER - SILENT AS TO THE APPLICABLE LAW – WHEN A DISPUTE AROSE, THE PARTIES REFERRED TO THEIR RESPECTIVE NATIONAL LAWS – ARBITRAL TRIBUNAL DECIDED TO BASE ITS DECISION ON THE UNIDROIT PRINCIPLES BY APPLYING ART. 21(1) ICC ARBITRATION RULES ("RULES OF LAW WHICH [THE ARBITRAL TRIBUNAL] DETERMINES TO BE APPROPRIATE")
Abstract
Seller, an Indian company, entered into a contract with Buyer, a Romanian company, for the sale of stainless steel tubes, which were intended to be incorporated into heat exchangers manufactured by the Buyer and supplied to a third party. The confirmation of the order which Buyer sent to Seller by e-mail included the following clause: “Arbitration: Court of Arbitration of Paris”. Therefore, when a dispute arose between the parties regarding a series of defects detected in the goods, the Buyer commenced arbitration proceedings before the ICC International Court of Arbitration.
Since the parties disagreed on the law applicable to the dispute, the Arbitral Tribunal decided to apply the UNIDROIT Principles on the basis of art. 21.1 of the ICC Arbitration Rules (“rules of law which [the arbitral tribunal] determines to be appropriate”). The Tribunal then ruled by majority that the Seller was in breach of its obligations under the contract and under the UNIDROIT Principles, and ordered him to pay compensation to the Buyer in the amount of one million euros.
The Seller filed an appeal for the annulment of the award claiming, among others: 1) the lack of jurisdiction of the arbitral tribunal, since the arbitration clause at issue was still at a negotiation and drafting stage, without the consent of both parties; 2) the arbitrators' violation of the limits of their mandate for having applied the UNIDROIT Principles 2010 in order to solve the dispute, instead of Indian law, thus rendering an award on an equitable basis and not according to law
The Court of Appeal rejected Seller’s arguments and confirmed the arbitral award.
On the first issue, the Court affirmed that the arbitral tribunal had jurisdiction over the dispute, since the Seller never contested the existence nor the validity of the arbitration clause during the arbitral proceedings. Therefore, notwithstanding the vagueness of the terms used, the clause in question was to be considered fully effective.
On the second issue, the Appellate Court found that the parties have never agreed to apply Indian law to their dispute and that the arbitrators, by applying the UNIDROIT Principles 2010 ,did not decide ex aequo et bono but according to rules of law.
The arbitrators’ decision was also confirmed on the merits.
Fulltext
Cour d'appel de Paris, 25 février 2020, n° 17/18001
[…]
Décision déférée à la Cour : Sentence rendue à Paris le 13 juin 2017 par le tribunal arbitral composé de MM. N... J... et E... P... F..., coarbitres, et de M. Ph C., président,
DEMANDERESSE AU RECOURS :
Société PRAKASH STEELAGE LIMITED
Mumbai (INDE)
DÉFENDERESSE AU RECOURS :
Société UZUC SA
Ploiesti (ROUMANIE)
[…]
ARRET :
[…]
Selon un contrat de vente conclu les 5 et 11 novembre 2008, Prakash Steelage Ltd, société de droit indien, s'est engagée à fournir à la
société de droit roumain, Uzuc SA des tubes en acier inoxydable soudés et sans soudure selon des spécifications techniques fournies
par Uzuc. Les tubes en acier étaient destinés à être incorporés à des échangeurs thermiques que Uzuc devait fabriquer et fournir à son
client, GE Oil & Gas, lequel devait ensuite installer les échangeurs thermiques dans une usine d'engrais pour l'utilisateur final, la société
QAFCO Qatar. La confirmation de la commande de Uzuc portant la date du 7 novembre 2008 et envoyée par courriel du 11 novembre
2008, qui acceptait le bon de commande émis par Prakash Steelage Ltd le 5 novembre 2008, comportait la clause suivante: «Arbitrage : cour d'arbitrage de Paris ».
A la suite de problèmes imputés aux tubes en acier inoxydable, Uzuc a déposé une demande d'arbitrage le 19 décembre 2014 auprès
du secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (la CCI).
Par une sentence rendue à Paris le 13 juin 2017, le tribunal arbitral a,
à la majorité des voix de MM. J... et L... :
- confirmé que les Principes UNIDROIT 2010 sont les règles de droit applicables au litige,
- dit qu'il était compétent pour connaître de l'ensemble des demandes soumises au cours de la présente procédure d'arbitrage, […]
- dit que les demandes de Uzuc sont recevables comme étant non prescrites,
- dit que Prakash Steelage Ltd a manqué à ses obligations contractuelles et aux Principes d'UNIDROIT 2010,
- dit que Prakash Steelage Ltd devait payer 1 million d'euros de dommages-intérêts, assortis d'intérêts simples à compter du 17 février 2014 au taux de 2,4 % par an jusqu'à complet paiement,
- dit que Prakash Steelage Ltd devait supporter ses propres frais et honoraires et devait payer les frais et honoraires exposés par Uzuc à
hauteur des sommes de 416 891,86 et 39 861,56 euros assorties d'intérêts simples à compter de la date de la sentence au taux de 2,4 %
par an jusqu'à complet paiement,
- dit que Prakash Steelage Ltd devait payer au titre des frais de l'arbitrage 244 000 USD assortis d'intérêts simples à compter de la date de la sentence au taux de 2,4 % par an jusqu'à complet paiement.
M. E... P... F..., co-arbitre, a émis le 16 juin 2017 une opinion dissidente par laquelle il a considéré que le tribunal arbitral n'était pas compétent pour connaître de l'ensemble des demandes relatives aux tubes d'acier, que les demandes de Uzuc étaient irrecevables car prescrites et que Uzuc ne rapportait pas la preuve du bien fondé de ses demandes.
Prakash Steelage Limited a formé un recours en annulation contre cette sentence le 25 novembre 2017.
Dans ses conclusions notifiées le 22 février 2018, Prakash Steelage Limited demande à la cour de constater que son recours en
annulation ne porte pas sur les chefs de la sentence en ce qu'elle s'est déclarée incompétente pour connaître des demandes de Uzuc
concernant les frais de main-d''uvre relatifs à trois échangeurs thermiques qui ne relevaient pas de l'objet du contrat et en ce qu'elle a
rejeté les prétentions de Uzuc quant à une indemnisation de son « gain manqué » estimé à 250 000 euros, de l'annuler pour le surplus,
de condamner Uzuc aux dépens avec distraction, de condamner Uzuc à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du
code de procédure civile et de rejeter toutes les demandes d'Uzuc.
Dans ses conclusions notifiées le 20 août 2018, Uzuc demande à la cour de déclarer irrecevables les moyens soulevés par Prakash
Steelage Ltd et, à défaut, de les déclarer mal fondés, de rejeter le recours en annulation, de rejeter les demandes de Prakash Steelage
Ltd et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les
dépens.
SUR CE,
Sur le premier moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520, 1° du code de procédure civile) :
Prakash Steelage Ltd soutient, d'une part, que les parties n'ont pas entendu soumettre à l'arbitrage leurs différends, la seule mention “Cour d'arbitrage de Paris» figurant dans un échange de courriels avec Uzuc révélant seulement que la clause compromissoire
litigieuse était encore au stade de la négociation et de la rédaction sans que les parties y aient consenti. La volonté de consentir à
l'arbitrage ne se présumant pas, Prakash Steelage affirme que le tribunal arbitral, qui a lui-même retenu que la convention entre Uzuc
et Prakash Steelage comprenait à l'origine une clause compromissoire qui a été barrée, aurait dû juger que cette clause compromissoire avait été refusée par elle. Elle ajoute, d'autre part, que la clause compromissoire « Cour d'arbitrage de Paris » ne comprend aucune indication quant à sa portée et à son étendue et qu'elle serait, comme telle, « impraticable ». Elle ajoute que ce moyen est recevable devant le juge de l'annulation pour avoir été soulevé dès le début de l'instance arbitrale dans sa réponse à la demande d'arbitrage du 4 juin 2015.
Uzuc soutient qu'en vertu des dispositions de l'article 1466 du code de procédure civile, applicables en matière d'arbitrage international selon l'article 1506, 3° du même code, Prakash Steelage est irrecevable à soulever ce moyen qui ne l'a pas été devant les arbitres. Uzuc affirme que le tribunal arbitral était en tout état de cause compétent.
Mais selon l'article 1466 du code de procédure civile, rendu applicable en matière d'arbitrage international par l'article 1506, 3° du
même code, la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant
le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir.
Une partie ayant participé activement à l'arbitrage, doit être réputée avoir renoncé à se prévaloir ultérieurement des irrégularités
qu'elle s'est, en connaissance de cause, abstenue d'invoquer devant l'arbitre.
Si Prakash Steelage a indiqué dans sa réponse à la demande d'arbitrage du 4 juin 2015 que, « Dès le début, à titre liminaire, la
Défenderesse conteste le caractère arbitral et la validité de la Demande d'Arbitrage de la Demanderesse et la/les revendication/s et la
compétence du Tribunal Arbitral d'examiner l'affaire telle qu'énoncée ci-dessous», elle n'a développé dans ce document aucune
argumentation relative à l'incompétence du tribunal arbitral. Ce grief tiré de l'incompétence du tribunal arbitral n'a, tout au long de
l'instance, jamais été repris ni développé par Prakash Steelage. Le tribunal arbitral a d'ailleurs relevé que «dans l'ensemble de ses
écritures ultérieures, la Défenderesse n'a soulevé aucune objection concernant l'existence ou la validité de la clause d'arbitrage »
[…] Au contraire, les arbitres ont retenu que « malgré les termes relativement vagues de la clause d'arbitrage (« ARBITRAGE : COUR
D'ARBITRAGE DE PARIS »), les Parties ont reconnu l'existence de ladite clause et n'ont pas contesté sa validité... ». Ceci a été
expressément confirmé par les Parties à l'Audience à l'invitation du Président du Tribunal » […]
[…]
Sur le deuxième moyen tiré de la violation par les arbitres de leur mission (article 1520 3° du code de procédure civile) :
Pconvenaient, selon un courriel du 7 mai 2009, de considérer que le contrat avait été correctement exécuté, en deuxième lieu, en
rendant une sentence en équité et non selon la loi indienne qui était seule applicable et, en troisième lieu, en statuant ultra petita en
accordant une indemnisation sans rapport avec le bon commande IMP 721 auquel se limitait l'arbitrage et, en dernier lieu, en faisant
application au litige des Principes UNIDROIT par préférence au droit indien qui était la loi choisie par les parties.
Mais, d'une part, la mission de l'arbitre, définie par la convention d'arbitrage, est délimitée principalement par l'objet du litige, tel qu'il
est déterminé par les prétentions des parties.
Répondant à Uzuc qui demandait l'application de la loi roumaine et à Prakash Steelage qui demandait l'application de la loi indienne
au litige, le tribunal arbitral a adopté une ordonnance de procédure n°1 invitant les parties à «examiner l'application de règles de droit
matériel et à formuler des propositions concernant l'application d'autre règles de droit, telles que des règles de droit transnationales
(par exemple, UNIDROIT, CVIM...)».
Par son ordonnance de procédure n°3 du 2 décembre 2015, le tribunal arbitral a jugé que les Principes d'UNIDROIT 2010 constituaient
les règles de droit applicables au litige conformément à l'article 21.1 du règlement de la CCI ainsi qu'à l'article 1511 du code de
procédure civile.
Fidèle à cette décision, le tribunal arbitral a indiqué, dans sa sentence, que «sur la base de l'accord entre les Parties visant à appliquer
la méthode de la voie directe, ainsi que de l'Article 21(1) du Règlement, le Tribunal Arbitral appliquera les règles de droit qu'il jugera appropriées. A ce titre, il est un principe bien établi que les tribunaux arbitraux, disposent d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent appliquer des règles de droit directement, sans effectuer d'analyse de conflit de lois. En outre, Paris, France, étant le lieu de l'arbitrage, l'Article 1511 du Code de Procédure Civile français dispose également que le tribunal tranche le litige conformément aux règles de droit qu'il estime appropriées. Il tient compte, dans tous les cas, des usages du commerce ».
Constatant le contrat présentait un caractère « largement international”, le tribunal arbitral a fait application des règles UNIDROIT 2010.
Contrairement à ce qu'affirme Prakash Steelage, les parties à l'arbitrage n'étaient pas convenues d'appliquer le droit indien au litige et les arbitres n'ont pas statué en équité mais en droit en faisant application des Principes UNIDROIT 2010.
Le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, n'est donc pas fondé.
[…]
De ces défauts, le tribunal arbitral a jugé qu'il en résultait un préjudice dont la preuve était rapportée par Uzuc d'un montant de 1 210 451,40 euros au titre des frais des mesures correctrices. Constatant que Uzuc
limitait sa demande de condamnation à la somme de 1 000 000 euros à titre de dommages-intérêts en principal, le tribunal a limité sa condamnation en principal à ce montant.
Le tribunal arbitral n'a donc pas statué ultra petita.
Le moyen n'est donc pas fondé.
Il n'appartient pas à la cour, juge de l'annulation de la sentence, de procéder à la révision au fond de la décision des arbitres qui ont
choisi de ne pas retenir les expertises présentées par Prakash Steelage.
Le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction ne peut être qu'être écarté.
Sur le dernier moyen tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile) :
Prakash Steelage affirme que la sentence viole l'ordre public international substantiel en allouant à Uzuc des dommages-intérêts
disproportionnés au préjudice subi par cette dernière.
Mais le contrôle exercé par le juge de l'annulation pour la défense de l'ordre public international s'attache seulement à examiner si
l'exécution des dispositions prises par le tribunal arbitral heurte de manière manifeste, effective et concrète les principes et valeurs
compris dans l'ordre public international.
Ainsi, le principe d'une condamnation au paiement de dommages-intérêts punitifs n'est pas, en soi, contraire à l'ordre public
international français. Il en est autrement si le montant alloué est disproportionné au regard du préjudice subi et des manquements
aux obligations contractuelles du débiteur.
Le tribunal arbitral n'a pas condamné Prakash Steelage à des dommages-intérêt punitifs, lesquels n'étaient d'ailleurs pas demandés
par Uzuc.
De plus, les arbitres ont limité à la somme de 1 000 000 euros l'indemnité en principal prononcée à l'encontre de Prakash Steelage eu
égard aux demandes de Uzuc qui limitait ses demandes à ce montant alors que les arbitres ont considéré que Uzuc rapportait la
preuve d'avoir subi un préjudice de 1 210 451,40 euros du fait des manquements contractuels de Prakash Steelage.
Les arbitres, après avoir refusé d'accorder le gain manqué réclamé par Uzuc, ont alloué des intérêts sur les condamnations d'un taux de 2,4 % alors qu'Uzuc demandait un taux de 6 %.
Il en résulte que la sanction pécuniaire, en ce compris les frais d'arbitrage et honoraires, n'est pas manifestement disproportionnée au
dommage que Uzuc a subi.
Le moyen doit être écarté.
Il résulte de ce qui précède que le recours en annulation doit être rejeté.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Prakash Steelage, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée
sur ce fondement à payer à Uzuc la somme de 80 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
Rejette le recours en annulation de la sentence rendue à Paris le 13 juin 2017 entre les parties,
Condamne Prakash Steelage Ltd aux dépens et au paiement à Uzuc SA de la somme de 80 000 euros en application de l'article 700
du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
[…]}}
Source
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